Mort de Sihem : pourquoi le meurtrier présumé était-il en liberté ?

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Laurence Beneux et Lauriane Bernard, pour FranceSoir
Publié le 02 février 2023 - 20:45
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Mahmoud H. est passé aux aveux dans la nuit du mercredi 1er au jeudi 2 février 2023.
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« À une semaine du procès de mon père, des individus comme ça qui sont encore dehors, ce n’est pas normal, ça fait une semaine qu'on se barricade chez nous, qu'on a peur de ce fou », s’indigne Dylan Verdier, au micro d’Objectif Gard, lors d’une manifestation devant le tribunal de Nîmes. Ce 1er février 2023, le procès de celui qui avait braqué ses parents et séquestré son père, il y a plus de 11 ans, aurait dû s’ouvrir devant la cour d’assises du Gard. Seulement voilà, malgré 13 condamnations sur son casier judiciaire, dont une condamnation criminelle en 2015 à 12 ans de prison pour vol avec arme, devant cette même cour d’assises, l’accusé comparaissait libre. C'est cette liberté qui a coûté la vie à la jeune Sihem, 18 ans.

En effet, hier soir, l’auteur présumé du braquage dont ont été victimes les parents de Dylan Verdier a avoué, après sa mise en garde à vue, le meurtre de la jeune fille disparue depuis une semaine. Et le corps sans vie de la victime a été retrouvé cette nuit, aux abords d’un chemin de campagne isolé de La Grand-Combe dans le Gard, grâce aux indications de l’accusé. Ce dernier est désormais mis en examen des chefs d’enlèvement, de séquestration et de détention arbitraire sans libération volontaire avant le septième jour. Et une requalification ultérieure pour meurtre est envisagée, comme l’a précisé la procureure de la République de Nîmes, Cécile Gensac, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue en début d’après-midi.

Alors, que s’est-il passé ? Pourquoi un individu, avec un passé judiciaire si lourd, comparaissait-il libre, sans même un contrôle judiciaire, à un procès devant une cour d’assises ? Car les conséquences sont tragiques. Le procès est évidemment reporté à une date ultérieure, ce qui est un moindre mal, mais surtout, une jeune fille à peine sortie de l’enfance a perdu la vie 

Maître Hugo Ferri, l’avocat des Verdier, nous l’explique. Le 1er décembre 2011, des hommes armés prennent en otage ses clients, un couple de commerçants, à leur domicile afin de leur dérober la recette du jour. Après quatre ans d’enquête, un individu, HM, est soupçonné d’avoir participé au braquage et une mise en détention préventive à son encontre est décidée. Mais l’homme est déjà incarcéré. Le vol avec arme d’un supermarché lui a valu une condamnation à 12 ans de prison en 2015, après une mise en détention préventive dès 2012.  

Quand en 2017, il est envisagé de lever le mandat de dépôt au titre de la détention préventive pour le braquage des Verdier, maître Ferri et ses clients ne s’y opposent pas : de toute façon l’homme est en prison pour y purger une lourde peine. Ils auraient pu demander à ce qu’un contrôle judiciaire soit mis en place en cas de libération anticipée, mais ils n’y ont pas pensé, et maître Ferri dit le regretter.  

Ce que les Verdier et leur avocat n’ont pas prévu, c’est que le renvoi devant une cour d’assises de leur agresseur prendrait autant de temps. Ce qu’ils ne savent pas non plus, c’est qu’au-delà des réductions de peine, l’individu va bénéficier la même année d’aménagements de sa peine. Quand la procureure Cécile Gensac, précise un peu mal à l’aise, devant un parterre de journalistes qui la pressent de questions, qu’au regard du casier judiciaire de l’individu, il a exécuté toutes ses peines, c’est vrai. Mais elle reste vague sur les allègements et aménagements dont il a bénéficié. « Le mis en examen est sorti de prison après avoir purgé intégralement sa peine dans le cadre, premièrement, d'une détention en maison d'arrêt, puis d'aménagement des peines successif et progressif, sous le contrôle d'un juge d'application des peines », nous dit-elle. Maître Ferri, lui, n’a appris que l’accusé était libre qu’il y a environ deux ans. Ce sont ses clients qui l’en ont informé. En effet, le couple a vécu l’expérience traumatisante de croiser leur braqueur dans une rue du village ! 

Et c’était ainsi que, malgré de multiples condamnations et un renvoi en cour d’assises, le meurtrier présumé de Sihem était libre comme l’air quand il a tué la jeune fille. La lenteur de la justice et les allègements et autres aménagements de peines avaient empêché qu’il soit jugé à nouveau avant sa mise en liberté. Toutes ses condamnations précédentes étaient réputées exécutées et il était présumé innocent du braquage du couple. Alors, il y a une semaine, Sihem, 18 ans, est morte. 

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