Nucléaire : un cadre de Tricastin dénonce des incidents "dissimulés" et porte plainte
Un cadre de la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme), qui sollicite le statut de lanceur d'alerte, a déposé plainte contre EDF, accusant sa hiérarchie de l'avoir placardisé pour avoir dénoncé une "politique de dissimulation" d'incidents de sûreté, a appris vendredi l'AFP de source proche du dossier.
Entré à EDF en 2004, le plaignant est devenu chef d'un service à Tricastin en septembre 2016 après une "évolution fulgurante", retrace-t-il dans sa plainte déposée le 5 octobre auprès du parquet de Paris et dont l'AFP a eu copie.
Mais rapidement, le climat se révèle "particulièrement tendu, dans la perspective de la visite décennale", une étape déterminante pour obtenir l'autorisation de poursuivre l’exploitation au-delà de 40 ans.
"Un certain nombre d'incidents au sein de la centrale ont eu lieu, contribuant à la dégradation des relations" entre lui et son supérieur hiérarchique.
Aujourd'hui âgé de 42 ans et en arrêt maladie, cet ingénieur "amoureux du nucléaire", comme il se présente au journal Le Monde, rapporte dans sa plainte avoir pointé du doigt diverses anomalies - comme une surpuissance du réacteur n°1 en juin 2017, une inondation interne le 29 août 2018 sur la tranche n°3 - qui n'auraient pas été déclarées à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ou qui l'auraient été de façon à "minimiser les événements".
"C’est parce qu'(il) a dénoncé ce qui s'apparente à une politique de dissimulation et qu’il a refusé de prêter son concours à des opérations visant à entretenir de l’opacité sur certains incidents qu’il fera l’objet d’une éviction extrêmement brutale et injustifiée", affirment ses avocats Mes William Bourdon et Vincent Brengarth dans la plainte.
Selon eux, leur client a subi des "représailles", "dans un climat de management très autoritaire, lié notamment aux objectifs de production".
La plainte vise EDF, le directeur du site et l'ex-directeur de la production pour des infractions à la réglementation relative aux installations nucléaires, au code de l'environnement et au droit du travail, mise en danger de la vie d'autrui et harcèlement.
Ces révélations "sont d'une ampleur totalement inédite. En plus de mettre en lumière des dysfonctionnements très graves en matière de sûreté et de protection environnementale, elles interrogent sur le rôle des autorités de contrôle dont l'ASN", ont souligné auprès de l'AFP ses avocats.
"S’agissant des propos rapportés par un salarié, EDF ne fait pas de commentaires", a réagi un porte-parole de l'entreprise.
"La sûreté des centrales nucléaires est la priorité d'EDF (...). Chaque événement détecté sur le terrain, présentant un risque ou enjeu de sûreté, de risque pour l'environnement, est déclaré à l'ASN", a-t-il dit.
"Les inspections menées sur Tricastin n'ont pas amené à constater d'événements qui auraient été masqués ou pour lesquels il n’y avait pas d'explication crédible au fait que ça n'avait pas été déclaré à l'autorité de sûreté", a indiqué à l'AFP Christophe Quintin, inspecteur en chef de l'ASN.
Il a expliqué qu'il pouvait y avoir "un arbitrage interne à la centrale" sur les déclarations d'incident.
"Quand vous avez un écart vous pouvez avoir des différences d’appréciation sur le fait que ça doit être déclaré à l’autorité de sûreté ou pas. Ce n’est pas pour autant que c’est dissimulé car ce sont des choses que l’on peut voir en inspection", a-t-il précisé.
La centrale nucléaire du Tricastin, mise en service en 1980 et 1981, est l'une des plus anciennes de France.
En février, l'ASN a ouvert la voie à la poursuite de l'exploitation des plus vieux réacteurs de 40 à 50 ans, dont Tricastin, enjoignant à EDF de réaliser des travaux pour améliorer leur sûreté.
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