Pour les migrants, les lourdes séquelles d'une année de pandémie

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Par Shahzad ABDUL - Paris (AFP)
Publié le 16 avril 2021 - 00:12
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Distribution alimentaire à destination de migrants, à Calais, le 8 février 2021
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© DENIS CHARLET / AFP/Archives
Distribution alimentaire à destination de migrants, à Calais, le 8 février 2021
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Au moment où s'entrevoit l'après-Covid, les migrants, eux, commencent à en subir pleinement les effets en France: un an de pandémie a exacerbé leur fragilité, renforcé leur isolement et réuni tous les ingrédients pour qu'une "crise de l'intégration" succède à la crise sanitaire.

Il y a eu un premier choc, au printemps dernier, celui de la fermeture des frontières extérieures de l'Union européenne, accompagnée de la chute des flux migratoires. Un peu plus de douze mois plus tard, où que l'on regarde, la santé, les démarches administratives, les conditions de vie, l'accès à l'emploi, tout s'est compliqué.

C'est en substance l'enseignement des premières études présentées cette semaine, qui tentent de mesurer les conséquences de la pandémie sur le quotidien des exilés.

La première, la plus évidente, est sûrement celle tirée des statistiques publiées vendredi: selon l'Insee, les étrangers ont connu une surmortalité deux fois plus élevée que les personnes nées en France, durant la première vague, en 2020.

Les chiffres sont particulièrement crus pour les Africains (hors Maghreb): en mars-avril, ils ont connu une surmortalité qui a culminé à +117%, comparé à la même période de l'année précédente.

"Il y a un impact immédiat, mais il y a aussi des impacts longs (...) que j'imagine au moins sur une décennie", un peu comme la crise financière de 2008 qui continuait, des années plus tard, à faire basculer certains dans la grande exclusion, a résumé Alain Régnier, délégué interministériel à l'accueil et l'intégration des réfugiés (Diair), lors d'une table ronde organisée par l'Observatoire de l'immigration et de l'asile de l'Ifri (Institut français des relations internationales).

- 10 ans effacés -

D'ores-et-déjà, 13% des migrants interrogés estiment que "les confinements ont exacerbé l'isolement et les problèmes de santé mentale" et un sur dix déplore des "retards dans les procédures" administratives, selon une étude du réseau Share présentée mardi.

"Plus le statut administratif est précaire, par exemple pour les sans-papiers, plus la qualité de vie est dégradée, et plus l'isolement social et l'impact des mesures sanitaires sont grands", abonde Gesine Sturm, de l'université de Toulouse 2, qui a supervisé une autre étude présentée cette semaine.

Sous la houlette de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), cette enquête continentale conduite par plusieurs universités européennes s'intéressait surtout à l'impact social et de santé publique de l'épidémie.

Premiers résultats: non recours aux soins, dépression et isolement pour un migrant sur deux, ou encore "impact significatif" sur l'accès à l'emploi.

Sur ce dernier point, quand bien même la crise sanitaire a mis en évidence la part des ressortissants étrangers, y compris sans-papiers, dans les métiers dits de "première ligne", "il y a un fort risque que le Covid réduise à néant les progrès réalisés ces dix dernières années en matière d'intégration professionnelle des immigrés", a déploré Thomas Liebig, de l'OCDE, en marge de la présentation d'un autre rapport sur le sujet.

- Pas de McDo, pas de papiers -

Certes, fin 2020, le gouvernement a annoncé la naturalisation de quelque 700 travailleurs étrangers de "première ligne" (professionnels de santé, femmes de ménage...).

Mais l'ampleur de la crise dépasse largement ce coup de pouce symbolique, estime Thomas Liebig: "le Covid augmente les inégalités, ce sont les plus vulnérables qui en souffrent le plus. Tout est réuni pour que cette crise devienne une crise de l'intégration".

Car les répliques du séisme sont partout, y compris dans la rue, où la baisse drastique des arrivées conjuguée aux places d'hébergement d'urgence créées spécialement pour la crise n'ont même pas réussi à faire disparaître les tentes et les campements, qui rejaillissent à intervalles réguliers.

"Le processus de sortie des dispositifs d'accueil a diminué assez fortement, notamment au premier semestre 2020", avec -20% de personnes accédant au logement, a reconnu Alain Régnier.

A l'heure où les préfectures tournent encore au ralenti, et que nombre de ressortissants étrangers peinent à y accéder pour régulariser leur situation, la dématérialisation complète et imminente de ces services se heurte à un principe de réalité: "La fermeture des McDo, gares, médiathèques, des lieux où il y avait du Wifi libre et gratuit", constate le Diair.

Pour juguler les défis à venir, il faut "garder comme boussole la valeur cardinale de l'accueil", prévient le préfet.

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