Roumanie : le rejet de la candidature de Călin Georgescu enflamme le pays

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France-Soir
Publié le 10 mars 2025 - 00:13
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Calin Georgescu
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France-Soir, Wikimedia Commons, DR
Roumanie : le rejet de la candidature de Călin Georgescu enflamme le pays
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Le 9 mars 2025, la Commission électorale roumaine (Bureau électoral central, BEC) a rejeté la candidature de Călin Georgescu à l’élection présidentielle prévue pour mai prochain, plongeant davantage la Roumanie dans une crise politique déjà profonde. Cette décision, annoncée sans explications détaillées, a provoqué une vague de colère parmi les partisans du candidat d’extrême droite, culminant en manifestations spontanées à Bucarest, où les forces de l’ordre ont eu recours au gaz lacrymogène pour disperser la foule. Voici un retour sur les événements, les raisons supposées de ce rejet, ses implications démocratiques et les réactions qu’il a suscitées.

Que s’est-il passé ?

Călin Georgescu, sans parti, avait déposé sa candidature vendredi dernier pour le scrutin présidentiel reprogrammé au 4 mai 2025, après l’annulation controversée de l’élection de novembre 2024, où il était arrivé en tête du premier tour avec environ 22 % des voix. Cette annulation, décidée par la Cour constitutionnelle en décembre, avait été motivée par des soupçons d’ingérence russe, notamment via une campagne de promotion illicite sur TikTok, sans qu’aucune preuve tangible n’ait été apportée. Depuis, Georgescu, inculpé le 26 février pour « fausses déclarations » sur le financement de sa campagne et « incitation à troubler l’ordre constitutaionnel », reste sous contrôle judiciaire.

Le rejet de sa candidature par le BEC intervient dans un contexte tendu : plus de 1 200 plaintes auraient été déposées contre lui auprès de la Commission, selon des sources médiatiques. Bien que les motifs précis de cette invalidation n’aient pas été officiellement précisés, ils pourraient être liés à ces accusations judiciaires ou à des irrégularités administratives dans son dossier. Georgescu dispose de 24 heures pour faire appel devant la Cour constitutionnelle, mais l’issue reste incertaine et surtout serait jugée par les mêmes juges ! Une indépendance entre les pouvoirs qui pose question : qui contrôle réellement la Roumanie et quelles influences externes pourraient avoir touché la Cour constitutionnelle ?

La réaction ne s’est pas fait attendre. Dans la soirée du 9 mars, des centaines de ses partisans se sont rassemblés devant le siège du BEC à Bucarest, scandant « Liberté » et tentant de forcer les cordons de sécurité. Les gendarmes ont riposté avec des gaz lacrymogènes, blessant au moins un manifestant par un objet contondant. La situation, bien que sous contrôle selon les forces de l’ordre, témoigne de l’exaspération croissante d’une partie de la population.

 

Pourquoi ce rejet ?

Le parcours de Călin Georgescu est marqué par la controverse. Peu connu avant novembre 2024, cet ancien haut fonctionnaire a vu sa popularité exploser grâce à une campagne virale sur les réseaux sociaux, ce qui a alimenté les soupçons d’une manipulation orchestrée depuis l’étranger, notamment par la Russie. Les autorités roumaines, soutenues par des documents déclassifiés, ont pointé du doigt une « guérilla coordonnée » sur TikTok, amplifiant artificiellement sa notoriété. Ces allégations, bien que contestées par Georgescu et sans preuves définitives rendues publiques, ont conduit à l’annulation du scrutin initial.

Son inculpation récente pour des infractions graves, combinée à la découverte supposée d’armes et d’importantes sommes d’argent chez lui, a renforcé la méfiance des institutions à son égard. Le rejet de sa candidature pourrait ainsi être perçu comme une tentative de barrer la route à un personnage jugé menaçant pour la stabilité démocratique et l’orientation prooccidentale de la Roumanie, membre de l’UE et de l’OTAN.

Selon un post de Mario Nawfal : « de nouvelles informations indiquent que Razvan Ionescu, chef du Service de renseignement roumain (SRI), aurait donné l'ordre de bloquer la candidature présidentielle de Calin Georgescu, soulevant de sérieuses questions sur l'ingérence de l'État profond dans les élections »

Les conséquences démocratiques

Cette décision soulève des questions cruciales sur l’état de la démocratie roumaine. D’un côté, elle peut être interprétée comme une mesure visant à protéger l’intégrité électorale face à un candidat soupçonné de pratiques illégales et de liens avec des puissances étrangères hostiles. De l’autre, elle alimente les accusations de « vol électoral » et de dérive autoritaire, portées par Georgescu et ses soutiens. Le fait qu’un candidat populaire, crédité de près de 40 % des intentions de vote dans les sondages, soit écarté sans justification publique claire risque d’éroder la confiance dans les institutions.

L’annulation du scrutin de novembre, suivie de cette exclusion, constitue un précédent rare dans l’Union européenne. Elle place la Roumanie dans une position délicate : un laboratoire potentiel d’une « gouvernance post-démocratique », où les processus électoraux sont suspendus ou manipulés sous prétexte de sécurité nationale. Les tensions avec Bruxelles et les partenaires occidentaux pourraient s’accentuer si cette crise persiste.

Réactions contrastées

Călin Georgescu a immédiatement dénoncé un « coup direct porté à la démocratie dans le monde » sur X, qualifiant l’Europe de « dictature » et la Roumanie de « tyrannie ». Ses partisans, mobilisés dans la rue, partagent cette indignation, voyant dans cette décision une tentative de museler leur choix souverain. « On nous a volé notre vote une fois, et maintenant on nous empêche de choisir », déplore un manifestant cité par les médias locaux.

George Simion président d’AUR, le parti roumain le plus représenté au Parlement a lui aussi tweeté 

« Le rejet du dossier de candidature de Călin Georgescu est une nouvelle insulte et une continuation du coup d'État du 6 décembre. À bas Ciolacu, à bas les dictateurs. »

À l’international, des figures comme Elon Musk et JD Vance, qui avaient déjà soutenu Georgescu, pourraient amplifier ce narratif. Musk avait qualifié son inculpation de « n’importe quoi », tandis que Vance avait critiqué une arrestation basée sur des « soupçons ténus ». Leur implication illustre la polarisation mondiale autour de cette affaire.

En Espagne, Santiago Abascal a réagi :  « la démocratie se meurt ».

Du côté des autorités roumaines, le silence du BEC contraste avec les mises en garde répétées contre les « actions hybrides » de Moscou. Le gouvernement pro-européen de Marcel Ciolacu, sous pression, semble déterminé à maintenir le cap face à ce qu’il perçoit comme une menace populiste et prorusse. Cependant, cette fermeté risque d’attiser les divisions internes. Des questions se posent sur le rôle du SRI (service de renseignement roumain) et sa proximité avec les pro-fédéralistes européens à Bruxelles ainsi que la proximité avec Kövesi. Pavel Popescu ancien député et vice-président de l'autorité des télécoms et communication dans un débat sur X (space) le 9 mars 2023 expliquait qu'il était pour la transparence et la liberté d'expression, cependant, c'est bien lui qui a porté l'attaque contre TikTok - une violation à géométrie variable selon Frédéric Baldan selon les pays ! 

Avec un langage très policé, Popescu explique sans apporter de preuve que c'est dans l'intérêt de la population ! Cependant, il omet de rappeler sa proximité avec Kövesi, procureuse en chef à l'EPPO (Parquet européen), qui fait l'objet de plusieurs enquêtes en Roumanie et d'une plainte pénale pour coalition de fonctionnaires et atteinte arbitraire aux droits et liberté garantis par la Constitution Belge. Cette plainte, portée par Me Protat et Frédéric Baldan, n'a fait l'objet d'aucune communication en Roumanie. Pavel Popescu et ses alliés profédéral européen font-ils une application à géométrie variable des standards sur la transparence et la communication ?

Interrogation

De plus le député roumain Neamtu a déclaré ce soir devant les manifestations de ce soir à Bucarest : « Nous voyons beaucoup de restaurants être détruits. Qui sait qui s’est infiltré dans la foule ? Vous savez, les tactiques d’Antifa et des gars de BLM à Portland et à Seattle ont fait des choses à peu près similaires. Je ne vais pas spéculer. Je dis juste que c'est toujours dangereux de voir de la violence dans les rues, et j'espère que nous ne verrons pas de gens tués ou quelque chose comme ça. Si cela se produit, je pense que le gouvernement déclarera l’état d’urgence, et qui sait, il pourrait même reporter les élections.

 

Une Roumanie sous tension

Depuis novembre 2024, la Roumanie est plongée dans une tourmente politique sans précédent. Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues ces derniers mois, tant pour soutenir Georgescu que pour dénoncer son influence. Les manifestations du 9 mars, marquées par l’usage de gaz lacrymogènes, symbolisent cette fracture. À Smardan, dans le delta du Danube, où Georgescu avait obtenu 42 % des voix, ses électeurs dénoncent une « démocratie piétinée ».

Cependant, les réactions d'autres candidats à la présidentielle se font attendre. Préfèrent-ils vraiment voir un candidat populaire être exclu des élections ou gagner à la légitime ? Si tel est le cas, nous serions devant un vrai scandale démocratique avec une victoire à la Pyrrhus qui se profile. Nous n’avons pas vu aussi la réaction du Conseil des Droits de l’Homme aux Nations Unies à qui incombe la charge de s’assurer de la légitimité démocratique des élections

À l’approche du scrutin de mai, le climat reste explosif. Si la Cour constitutionnelle valide le rejet de sa candidature, les risques d’escalade sont réels. La Roumanie, à la croisée des influences occidentales et orientales, se trouve à un tournant : entre la défense de ses institutions et la crainte d’une crise de légitimité qui pourrait la faire basculer dans l’inconnu.

Comme le dit Hervé Hannoun: "Von der Leyen et Macron doivent dire ce qu’ils pensent de la persécution politique de Georgescu  et de l’interdiction qui lui est faite d’être candidat à une élection présidentielle qu’il était en passe de remporter".

Question essentielle pour toute personne qui respecte réellement la démocratie.

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