Aides financières pour l’Ukraine : 16 milliards d’euros, collectés par la Pologne et la Commission européenne, manquent à l’appel

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France-Soir
Publié le 12 mars 2024 - 09:48
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Confronté à un effritement du soutien occidental, notamment financier, Kiev réclame ouvertement les fonds collectés par les pays européens dans la foulée de l’invasion russe. Le Premier ministre ukrainien, Denys Chmygal, révélait la semaine dernière que les fonds d’aides collectés par la Pologne et la Commission européenne lors des deux conférences de donateurs de Varsovie, en 2022, n’ont pas été transférés à l’Ukraine. “Nous ne savons pas ce qu’ils sont devenus”, a-t-il affirmé. Face au blocage des aides américaines au Congrès et l’incertitude quant à l’issue de dizaines d’élections dans des pays alliés, l’Ukraine exhorte les Occidentaux à lui transférer les quelque 300 milliards d’euros d’actifs de la Banque centrale de Russie, gelés depuis l’invasion russe en février 2022. 

Peu après l’invasion russe de l’Ukraine, les Occidentaux, qui ont débloqué des dizaines de milliards d’euros de soutien à Kiev, ont tenu plusieurs conférences à Lugano, à Varsovie, à Berlin et à Paris pour collecter des financements en faveur de l’ex-république soviétique. En avril 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, a annoncé depuis la capitale polonaise qu’une première campagne internationale de collecte de fonds avait permis de réunir 10,1 milliards d’euros. Dans la foulée, le gouvernement polonais a annoncé que la conférence de donateurs qui s’était tenue dans la capitale a permis la collecte de 6,3 milliards d’euros.  

Où sont les 16 milliards d’euros ? 

Près de deux ans plus tard, l’Ukraine affirme ne pas avoir reçu ces fonds. “Nous ne savons pas ce qu’ils sont devenus”, a affirmé lundi 5 mars le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal. “Ces fonds ont été réunis. Selon nos informations, plus de 10 milliards d’euros à la première conférence et plus de 6 milliards à la deuxième”, se rappelle-t-il lors d’une conférence de presse à Kiev. “Comment ont-ils été dépensés, qu’ont-ils soutenu ? L’Ukraine n’a rien reçu”, regrette-t-il. 

La déclaration de Denys Chmygal intervient dans un contexte tendu pour son pays. Sur le front, l’armée ukrainienne, dont la contre-offensive estivale n’a pas eu l’effet escompté, peine à reprendre des territoires. Financièrement, Kiev est dans le besoin. Les aides occidentales, aussi militaires que financières, sont en baisse. Si l’Union européenne a réussi à débloquer début février une aide de 50 milliards d’euros en forçant la main au Premier ministre hongrois, Viktor Orban, l’aide américaine se fait encore attendre.  

Celle-ci, prévue dans le cadre d’un budget qui concerne également Israël, est bloquée depuis des mois par le Congrès en raison de la crise migratoire qui oppose les Républicains au gouvernement fédéral, dont Joe Biden est à la tête.   

Mais Kiev a surtout besoin de visibilité pour 2024, une année où le paysage géopolitique peut basculer, en raison des dizaines d’élections cruciales prévues chez ses alliés, en Europe comme ailleurs dans le monde. L’issue de ces élections inquiète aussi bien les Ukrainiens que les Européens, à commencer par celle des présidentielles américaines de novembre. Joe Biden et Donald Trump devront une fois de plus s’affronter et l’ancien président a déclaré son intention de ne pas “protéger” l’Otan s’il était élu. 

"L'aide de nos partenaires est un outil extrêmement important, mais nous avons besoin de visibilité et de stabilité, indépendamment du temps, des fluctuations politiques et des cycles électoraux qui auront lieu dans le monde", a confirmé le Premier ministre ukrainien lundi dernier.  

Kiev veut récupérer les avoirs russes gelés 

Pour lui, les actifs russes gelés constituent cette aide “stable” et dépourvue de toute dépendance politique. Depuis le début de l'invasion russe en Ukraine en février 2022, l'Union européenne et les pays du G7 ont gelé environ 300 milliards d'euros d'actifs de la Banque centrale de Russie. L'Ukraine souhaite s’en accaparer pour “faire payer l’agresseur” mais ce n’est pas une mince affaire, compte tenu d'obstacles juridiques et géopolitiques. 

Les élections en Europe et aux États-Unis constituent “un grand stress pour nos partenaires comme pour nous” mais "la confiscation des actifs russes devrait devenir une source fiable de soutien pour notre État et pour financer notre reconstruction", explique Chmygal. 

Pour le moment, Les États membres de l’UE envisagent de transférer les intérêts et profits générés par les actifs russes, comme la Belgique qui compte reverser 1,7 milliard d'euros à l'Ukraine cette année. Le Premier ministre ukrainien fait tout de même la fine bouche. "Comparé aux 200 milliards d'euros d'actifs russes bloqués sur des comptes en Belgique, c'est un montant insignifiant", estime-t-il.  

Les dirigeants du G7 ont exhorté leurs gouvernements à travailler sur “toutes les voies possibles par lesquelles les actifs souverains russes pourraient être utilisés pour soutenir l'Ukraine, en conformité avec nos systèmes juridiques respectifs et le droit international”. La Grèce qualifie une telle manœuvre de “brutale” et de “totalement illégale”, s’attendant à une réaction de la Russie pour la saisie de ses intérêts.  

Son avis est partagé par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, qui a rappelé qu’il n’y a “pas de base légale pour saisir les avoirs russes”. “La vraie urgence, c'est qu'aux Etats-Unis, on arrive à débloquer ces 60 milliards de dollars”, disait-il en février.  

Depuis février 2022, la France a livré à l'Ukraine un total de 2,6 milliards d'euros d'équipements militaires, selon le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu. A cela s’ajoute les 3 milliards d’euros que Paris s’est engagé à fournir à Kiev en 2024, dans le cadre d’un accord de sécurité signé avec l'Ukraine le 16 février dernier.  

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