Commission au Sénat : un échange surprenant, une vidéo tronquée. La vérité est-elle sous influence ?
Suite à l’audition au Senat du Professeur Raoult ce 16 septembre 2020, certains auront pris le temps d’écouter et d’observer avec attention les mots et postures des uns et des autres. Les éléments ci-après représentent deux morceaux choisis qui mis en perspective amènent plus de questions que de réponses. Une partie de l’exposé du Sénateur Jomier remettant en cause l’efficacité et l’usage de l’hydroxychloroquine a été tout simplement effacée de la vidéo. Et l'on retrouve les mêmes personnes qu'en 2017 lors de la commission sur le VIH.
La commission d’enquête Covid-19
Le principe de la commission d’enquête du sénat se trouve sur le site internet du Senat. Entre-autre on peut y lire les éléments suivants :
1 - Les pouvoirs des commissions d'enquête :Les commissions d'enquête disposent d'un droit de citation. Toute personne dont une commission a jugé l'audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission ; elle est également tenue de prêter serment et de déposer. Dans certains cas limitativement énumérés par l’ordonnance du 17 novembre 1958 (infractions à caractère économique), les personnes auditionnées peuvent être déliées du secret professionnel.
Ces obligations sont assorties de sanctions pénales : la personne qui refuse de comparaître, de prêter serment, de déposer ou de communiquer les documents demandés, est passible d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 7 500 €, et, le cas échéant, de l'interdiction de l'exercice des droits civiques pour une durée de deux ans. Les sanctions prévues par le code pénal en cas de faux témoignage ou de subornation de témoin sont par ailleurs applicables aux enquêtes parlementaires. Dans tous les cas, les poursuites judiciaires sont exercées à la requête du président de la commission ou, lorsque le rapport de celle-ci a été publié et que la commission n'a plus d'existence, à la requête du Bureau du Sénat.
Parmi les auditionnés figurent le Professeur Raoult, certaines personnalités du Conseil Scientifique (Pr Delfraissy, Pr Yazdanpanah,…) ou de l’INSERM (Dominque Castagliola). Retrouvez la totalité de l’audition ici.
Un échange nous a intéressé entre le Professeur Raoult et Bertrand Jomier
Seules les personnes auditionnées prêtent serment, les sénateurs participant à la commission d’enquête n’ont pas à prêter serment. Il n’y a donc pas réciprocité de procédés. Nous avons pu noter certains désaccords comme on a pu le constater dans l’échange entre Bertrand Jomier et le Professeur Raoult. En effet le Sénateur posait une question sur l’usage de l’hydroxychloroquine.
De nombreux pays, Etats-Unis, Japon, Allemagne, Chine, ne recommandent pas ce traitement. Il semblerait que la science a parlé. La liste des pays qui ne recommandent pas l'hydroxychloroquine est extrêmement longue. Ce n’est pas un jugement. (…) On constate que dans le monde entier, ce traitement n’est plus utilisé. Est-ce que ça signifie que le monde entier est aujourd’hui dans l’erreur ?».
Je ne suis pas d’accord avec vous sur aucun des points »
« Je ne suis pas d’accord avec vous sur aucun des points » répond Didier Raoult, « il y a 4,6 milliards de personnes qui vivent dans des pays où l'hydroxychloroquine est utilisée. (…). On ne peut pas dire ça à moi » et il ajoute :
« Vous émettez une opinion scientifique. Je ne suis pas d’accord. Que chacun fasse son métier et les vaches seront bien gardées. »
Le sénateur du groupe PS lui répond :
« Je ne suis pas dans un débat d’opinion. Je suis rapporteur d’une commission d’enquête » avant de citer une liste encore plus longue de pays – Espagne, Canada, Corée du Sud, Suisse, Italie, Belgique, Portugal également – qui déconseillent la molécule. « Je réfute que vous transformiez ma question en opinion ».
Didier Raoult : « aux Etats-Unis, Etat fédéral, il y a un tiers des Etats où l'hydroxychloroquine est recommandée, un tiers qui ne sait pas trop quoi faire et un tiers qui suit les recommandations » de l’autorité nationale.
Sur le site internet de l’IHU on peut trouver la liste des pays utilisant l’hydroxychloroquine. Ce désaccord entre les deux ne peut donc pas venir de l’information publiée par l’IHU. De plus le sénateur ne fournit pas la source qu'il utilise dans son commentaire et sa question.
Quelques jours auparavant Nathan Peiffer Smadaja, un interne travaillant avec le Pr Yazdanpanah membre du conseil scientifique, publiait sur twitter une liste de pays avec leur usage. Cette même personne est co-auteur de la méta analyse contestée concluant à l’inefficacité de l’hydoxychloroquine et un fervent opposant au professeur Raoult.
Source : Tweet de Nathatn Peiffer Smadja
Le sénateur a surement fait son travail de recherche et il serait inconvenable de penser qu’il ait pu prendre ses informations d'un message sur twiter malgré une activité importante sur ce réseau social. En commission, le sénateur avait attendu du Professeur Raoult des réponses sans débat d'opinion. Cependant quand il est interrogé sur Twitter sur l'origine des faits qu'il avance, il est vrai de manière un peu directe, le sénateur a préféré bloquer les personnes; Vérité et démocratie?
En sus, la vidéo de l’audition a été tronquée à cette section en particulier. Toute la partie faisant référence au non-usage de l’hydroxychloroquine dans les autres pays a été coupée. Cela n’arrive pas souvent sur une chaine publique. Ecoutez par vous-même.
Comment peut-on en arriver là?
Bernard Jomier, sénateur depuis 2017 et médecin très impliqué dans Vers Paris Sans Sida qui a été "aidé" par Gilead
En 2015 2016 alors que Bernard Jomier était adjoint à la mairie de Paris, chargé de la Santé, il a mis en œuvre la politique « vers Paris sans sida » en 2014. Il était déjà membre de la commission des affaires sociales (1) sur l’enquête de la Cour des comptes sur la politique de prévention et de prise en charge du VIH. (Rapport du 3 juillet 2019 Numéro 624).
Dans un article de juin 2017 d’Hervé Latapie sur le site de Médiapart, était évoquée la PrEP (consistant à faire prendre des médicaments à des non malades !). Il y dénonçait déjà certaines pratiques de l’industrie pharmaceutique et des liens d’intérêts affectant l’indépendance des décisions.
Hervé Latapie écrivait « Il va être difficile d’en sortir pour en limiter les dégâts, tant il est compliqué de déconstruire une idéologie et de remettre en cause des intérêts socio-économiques établis par cette politique. »
« Ainsi le consensus en faveur de la promotion de la PrEP à grande échelle s’est construit grâce à l’action de certains acteurs très impliqués, aux motivations complexes et non dénuées de conflits d’intérêts. Il est regrettable que l’on n’ait pas davantage écouté et pris en compte les critiques formulées par de nombreuses personnes, moins intégrées dans les institutions dominantes, mais présentes sur le terrain, et donc tout aussi légitimes pour évaluer l’attractivité et l’efficacité de la prévention auprès du public gay. Leurs propositions alternatives risquent bel et bien de s’imposer très vite, lorsque les promesses excessivement optimistes des partisans de la PrEP s’effriteront. »
Latapie continue en expliquant « La firme Gilead va donc se retrouver à tous les niveaux de la mise en place de la PrEP : apports financiers directs auprès des associations de lutte contre le sida ou d’organismes de santé communautaires gays, conventions de recherche avec des services hospitaliers, mise en place d’essais démonstratifs, émoluments et autres cadeaux distribués auprès de professionnels de santé (billets d’avion business, séjours hôteliers de hauts grade, inscription onéreuses à des congrès, bourses d’études ou de recherches, …), encarts publicitaires offerts à la presse gay. Le tout se déroule d’une manière assez habile, Gilead n’apparait pas forcément au premier plan, tout se passe comme si le laboratoire avait réussi à déléguer à des acteurs non commerciaux (associations, médecins, …) la campagne de promotion de son produit PrEP. »
En 2018 l’initiative "vers Paris sans sida" recevait 530 000 euros de conventions du laboratoire Gilead.
On retrouve dans le rapport de la commission de l'époque, les professeurs Delfraissy, Molina, Yazdanpanah, ainsi que le laboratoire Gilead, des liens d'intérêts et des sommes substantielles d’argent en jeu.
Latapie concluait en 2017
« On retrouve dans cette histoire tout le savoir-faire habituel de l’industrie pharmaceutique pour gérer son commerce, planifier des essais thérapeutiques, contrôler les prix, s’appuyer sur les particularités locales de chaque sphère géographique du marché et surtout, bien manier son pouvoir d’influence grâce à des moyens financiers énormes. »
On a l’impression de revoir le même film. Rien n'a changé.
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