Un avant-goût de la proportionnelle

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Alain Tranchant, pour FranceSoir
Publié le 22 juin 2022 - 18:00
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L'avis Tranchant d'Alain
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"La vérité est simple : c'est au moment où la France a le plus besoin d'être gouvernée qu'elle ne va pas pouvoir l'être."
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CHRONIQUE — À coup sûr, le 19 juin 2022 ne sera pas à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire de la Vᵉ République.

Réélu le 24 avril, dans l'ambiguïté, à la suite d'une non-campagne, par un vote de rejet, et certainement pas d'adhésion, M. Macron a occupé les sept longues semaines qui séparaient l'élection présidentielle des élections législatives à nommer une Première ministre dont le charisme ne saute pas manifestement aux yeux, puis à chercher à obtenir une majorité parlementaire par les mêmes méthodes que celles utilisées pour la présidentielle.

Mais, voilà ! Depuis le 19 juin au soir, le roi est nu. Pour la première fois dans l'histoire de la Vᵉ République, pour la première fois depuis 64 ans, si l'on excepte la défaite de M. Mitterrand aux élections législatives de 1986, organisées à la proportionnelle intégrale pour tenter de sauver les meubles, un chef de l'État ne dispose pas d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Le coup est rude. La défaite est sévère. C'est la sanction d'une certaine façon de faire de la politique. L'illusion du nouveau monde a fait pschitt, pour parler comme Jacques Chirac.

D'aucuns parlent de crise de régime. Mais quand plus d'un Français sur deux ne se rend pas aux urnes, la classe politique -comme on dit- devrait s'interroger. Ce ne sont pas les institutions qui sont en question, elles ont montré depuis tellement longtemps qu'elles permettaient un gouvernement ordonné du pays. C'est un divorce entre le peuple et celles et ceux qui aspirent à gouverner auquel on assiste. Trop de belles paroles n'ont jamais été suivies d'actes. Le discrédit est total, et finit par atteindre tout le monde.

Voir aussi : "Ce qui tue ce pays, c'est l'entre-soi des élites" Éric Verhaeghe

Et le pire, c'est que cette situation intervient à un moment où le pays aurait le plus grand besoin d'être gouverné, et où les marges de manœuvre sont les plus faibles. La guerre en Ukraine se poursuit, et les sanctions contre Poutine n'ont abouti qu'à sanctionner durement le pouvoir d'achat des Français. Le "quoi qu'il en coûte" a entraîné 500 milliards de dettes publiques supplémentaires qui mettent la France dans la main de ses prêteurs. L'inflation ronge les revenus des Français, et d'abord des moins aisés. Le mirage d'une belle croissance économique s'éloigne, après un rebond qui n'était que la conséquence des années où le pouvoir a confiné le peuple et arrêté l'économie du pays. Les dures réalités sont là, et le pouvoir issu des urnes du printemps 2022 déjà aux abois.

En 1986, s'ouvrait l'ère de la cohabitation entre un président de la République d'un bord politique et un gouvernement d'un bord opposé. Mais, en dépit du scrutin proportionnel, une majorité s'était dégagée à l'Assemblée nationale. En 2022, avec le scrutin majoritaire, qui a pour vocation de permettre la formation d'une majorité homogène et stable, aucune majorité n'est sortie des urnes législatives. Et il est totalement vain de parler d'une majorité "relative", comme le font les chantres du pouvoir pour se rassurer et préparer leur tambouille politicienne. À l'Assemblée nationale, la majorité est absolue, ou elle n'est pas.

Depuis des mois et des mois, pour ne pas dire des années, l'appel à la représentation proportionnelle revient comme une recette miracle, même de la part de personnalités qui revendiquent une filiation gaulliste. Tous ces beaux esprits devraient être contents : ils ont sous les yeux les résultats d'une Assemblée élue au scrutin proportionnel. À moins d'un rejet total du pouvoir en place, comme en 1986, il ne se dégage aucune majorité des urnes avec ce mode de votation populaire.

Lire aussi : Législatives: pas de majorité absolue pour Emmanuel Macron, la NUPES perd son pari, score historique pour le RN

Voici donc venu le temps du régime des partis, le temps de la IVᵉ République sous la Vᵉ République, le temps des "majorités d'idées", des tractations, des combinaisons et, pour finir, des trahisons. La vérité est simple : c'est au moment où la France a le plus besoin d'être gouvernée qu'elle ne va pas pouvoir l'être. Les Français vont avoir en grandeur nature un avant-goût de la proportionnelle. Ah ! Les commentateurs vont se régaler, ils vont avoir à commenter, le spectacle sera permanent. Mais l'intérêt supérieur de la France et du peuple français n'y trouvera certainement pas son compte.

En 1967, alors qu'après un premier tour plutôt favorable, le second tour ne lui avait apporté qu'une voix de majorité à l'Assemblée nationale, le général de Gaulle avait considéré que cette Assemblée avait vocation à être dissoute. En cas de crise, et nous y sommes, les institutions de la Vᵉ République offrent aussi d'autres solutions, en particulier le référendum avec engagement de responsabilité devant le peuple du président de la République.

Il est peu probable que la configuration politique issue des scrutins des 12 et 19 juin puisse durer cinq ans. Et ce n'est certainement pas l'instauration de la représentation proportionnelle qui sera de nature à apporter un remède à la crise de légitimité qui atteint le pouvoir. M. Macron récolte aujourd'hui ce qu'il a semé. S'il ne s'agissait que de lui, ce ne serait pas grave. Mais c'est de la France et des Français dont il s'agit.

Alain Tranchant est président-fondateur de l'Association pour un référendum sur la loi électorale.

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