De l'instrumentalisation de la bêtise collective

Auteur(s)
Mounir Aberkane pour FranceSoir
Publié le 14 juin 2020 - 13:26
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De l'instrumentalisation de la bêtise collective.
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Reimund Bertrams de Pixabay
De l'instrumentalisation de la bêtise collective
Reimund Bertrams de Pixabay

TRIBUNE : Le président de la République, Emmanuel Macron, ainsi que le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, ont eu totalement raison d'intervenir pour apaiser la colère des citoyens demandant justice dans l'affaire Adama Traoré. Mieux, nous aurions pu attendre de la part de notre Président un signe signifiant que l’on se dirigeait bien vers un après.

La remise en cause publique par Christophe Castaner de la doctrine sécuritaire en France, quelques mois après la crise des Gilets Jaunes et les nombreux débordements policiers induits par des consignes agressives, est une preuve que peut-être les élites ont compris :

Même l'autorité la plus légitime, comme celle des forces de l'ordre, doit en démocratie pouvoir être interrogée, pouvoir être contrôlée pour qu'elle ne dérive pas vers un déni de justice permanent, ce qui est le cas aujourd'hui.

Il ne s'agit pas, donc ici, de proposer une posture partisane ou militante. En 2009 dans une tribune dans le Monde en réponse au débat sur l’identité nationale et sous le pseudo « Jean Mohamed de la Bastille ou le droit à l'anonymat » je décrivais les risques de la communautarisation induite par l'américanisation de notre société, élites et médias en tête, et de nos gamins de banlieues en particulier. À force de courir après le rêve américain, un de nos biens les plus précieux, notre laïcité, est en danger.

 

Notre justice et notre système de sécurité publique sont en bas du classement des systèmes d'évaluations européennes.

Comment nier les dysfonctionnements ? La justice et la police souffrent de manque de moyens, mais aussi de profonds problèmes de formation et de rétrocontrôles.

La Justice, à l'instar des forces de l'ordre, refuse de se remettre en cause. Comme les forces de l'ordre, elle balaie les contestations, faisant reposer sa légitimité sur des dogmes plus que contestables et qui expliquent en grande part les limites de notre système: l'autorité de la chose jugée et la souveraineté de l'appréciation.  C'est bien cela le fond du problème dans l'affaire Traoré: qu'est ce qui explique que des forces de l'ordre, dont le rôle est de faire respecter l'ordre public, décident de poursuivre jusqu'à la mort Adama Traoré ou Zied et Bouna ? Y avait-il une telle urgence qu'il faille prendre des risques inconsidérés ou aurait-il été possible de poursuivre les investigations sur les délits commis sans faire d'éclats ?

La poursuite engagée ne trouble-t-elle pas plus l'ordre public, comme nous pouvons le constater aujourd'hui, que le délit soupçonné ? Et pour ce qui est des experts judiciaires, dont l'expertise n'est qu'un acte consultatif sans valeur d'acte authentique et n'engageant pas leurs responsabilités, je vous invite à vous promener sur le site des jurisprudences de la cour de cassation quant à la valeur de trop nombreuses expertises judiciaires. Les magistrats instructeurs ? Est-il nécessaire d'exhumer l'affaire du Juge Burgaud ou les nombreuses instructions dont l'objectif était d'entraver la justice ?

Cette polémique, en de nombreux points, rejoint celle sur la gestion de la pandémie du Covid-19: Des élites dépassées mais autoritaires, des lobbys, ici les syndicats de policiers, que le bien commun indiffère, des médias incapables de rigueur, de recentrer le débat et qui bien au contraire, l'instrumentalise à des fins politiques au service de quelques officines souhaitant décrédibiliser le pouvoir en place.

Devant l'instrumentalisation de la bêtise collective, Emmanuel Macron et Christophe Castaner, ont fait preuve d'intelligence. C'est peut-être un début pour le monde d'après.

 

S’il y a une chose qui fonde la solidarité du peuple de France depuis quelques décades, c'est bien la bêtise collective. C'est bien là notre richesse la plus largement partagée que ce soit par les élites, les sans dents, les hommes politiques, les médias. Nos citoyens péri-urbains ne font pas exception. Les forces de l'ordre non plus. On produit tellement de bêtise qu'on pourrait l'exporter.

Je me serais bien passé d'évoquer cette affaire Traoré, mais elle révèle de manière éloquente ce qui nous sépare du monde d'après. J'écris depuis longtemps sur le racisme, la France identitaire et le Front National. Mais, cette affaire n'a rien à voir avec le racisme. Elle est affaire de bêtise. Son corollaire, notre capacité à démultiplier les dialogues de sourds, à camper des postures comme des hooligans au Stade du Parc des Princes ou au Vélodrome, chacun son camp, nous enferme dans cette impasse du racisme que nous ne cessons d'invoquer pour expliquer un problème bien plus conséquent: la bêtise collective.

Levez les bras en l'air et la tête au ciel pendant que l'on vous fait les poches. C'est Mitterrand et le Parti Socialiste qui ont fait de cette maxime l'urbi et l'orbi de notre vie politique et médiatique. En promouvant de manière concomitante la Marche des Beurs et Jean-Marie Le Pen, pour faire exploser la droite gaulliste version puzzle, il a communautarisé notre société. Chirac, sans bruits, et Sarkozy avec la version à l'américaine, prédicateur de l'identité nationale et des racines chrétiennes de la France, ont fini le travail pour récupérer l'électorat FN que Mitterrand leur avait fait perdre. Voilà la dialectique dans laquelle nous sommes depuis 40 ans. Les républicains et dans une moindre mesure le premier ministre, Edouard Philippe, entendent dans la perspective des prochaines échéances électorales, reprendre le flambeau. C'est triste pour la France.

 

Je suis français

D'origine maghrébine diraient certains. D'autres diraient de moi que je suis un original ou un révolté. Chacun me catégorisera selon ce qu'il veut faire dire de moi. Un gars de banlieue, en effet, j'ai grandi aux Minguettes, banlieue lyonnaise d'où est parti la marche des beurs. Un bon immigré, car je suis intégré, assimilé. Pour d'autres, je suis un traitre, un vendu, un Arabe de service.

Contraint de choisir un camp comme dans un match de foot. Mais, les choses sont plus complexes.

 

La tentation de la singularisation

Durant le confinement, j'ai été verbalisé par un gendarme pour ne pas avoir respecté les règles. Le procès-verbal était injustifié: j'avais fait mes courses dans une grande surface située à 25 minutes alors qu'il y avait une supérette en rupture de stock à 20 minutes. Le déroulement de l'interpellation me troubla: les gendarmes étaient en train de contrôler une voiture sans descendre de leur véhicule. En me voyant arriver, ils se garèrent pour faire établir un point de contrôle.

Il était clair que l’on me soupçonnait de quelques méfaits: il scruta mon véhicule, ma liste de courses et vérifia absolument tous mes papiers alors qu'ils étaient là pour s'assurer du respect du confinement. À ce moment, une joggeuse passa et ne fût pas contrôlée alors que l'on était à plus de deux kilomètres du bourg et que c'était aussi interdit. L'autre véhicule qui ne me semblait pas dans une urgence quelconque ainsi que la joggeuse ne furent pas verbalisés. J'ai écopé d'une amende de 135 euros.

À chaud, j'ai ressenti un très fort sentiment de discrimination. Souhaitant signaler aux gendarmes l’injustice, j'ai appelé la gendarmerie. Et là, un constat éloquent: ils n'avaient pas compris les consignes. Ils ne savaient même pas que tout était détaillé sur le site du ministère de l'intérieur. Et ils ne me semblaient pas totalement informés pour comprendre le sens des ordonnances prise par le gouvernement. À leur décharge, toutes les mesures, prises en urgence, étaient déclinées de manières itératives et souvent approximatives car demandant précision.

Ai-je été victime d'une interpellation raciste ?

Je ne saurais dire si mon phénotype a eu un impact. Ce dont je suis sûr, c'est que les gendarmes étaient agacés par le comportement de nombreuses personnes qui ne respectaient pas le confinement et que les règles dérogatoires leur étaient obscures.

 

La négligence collective comme explication

L'affaire Traoré est du même acabit. Il s'agit avant tout d'un problème de justice et de modalités d'interpellation que de racisme.

Même si les agents impliqués étaient « claniques et racialistes », cela ne changerait rien: le problème n'est pas le racisme. Les problèmes sont avant tout l'incurie de la justice française, justement classé 24 ème au niveau européen et le niveau de formation de nos forces de l'ordre. Mais le problème vient aussi de l'ignorance de la famille Traoré du fonctionnement de la justice, ainsi que de leur mauvaise foi nécessaire quant aux contingences de cette mort. C'est l'opportunisme déstructuré et rageux de leurs supporters et c'est la partialité évidente des experts et des magistrats en charge du dossier. Le problème, c'est le traitement et des médias et des responsables politiques.

Le problème, c'est la bêtise collective.

Le gendarme qui m'a interpellé lors du confinement n'avait pas saisi le discours que je lui tenais. Il m’a répété à plusieurs reprises la même phrase:  « je suis obligé de vous verbaliser » ce qui m’a permis de comprendre que mon recours serait mieux entendu par l'officier du ministère public.

 

Les éléments centraux dans l’exercice de la mission des agents publics

La première chose à regarder dans l'affaire Traoré, ou celle des groupes Facebook des policiers déversant leur haine raciale, est le niveau de recrutement des forces de l'ordre et leur capacité d'appréciation; Eléments centraux dans l'exercice de leur mission.

Les agents de la force publique sont à l'image de toute la fonction publique : comment peut-on recruter des professeurs, des travailleurs sociaux, des juges, des hommes politiques ayant des tendances racistes, sexistes et malhonnêtes alors qu'il s'agit de servir le bien commun ? Qu'il n’y en ait même que 1% représente un problème grave de société. Le recrutement et la formation sont bien les problèmes. Il s'agit avant tout de repenser la gestion des ressources humaines de la fonction publique dans son ensemble et de commencer par évaluer la conscience professionnelle, l'envie, l'opiniâtreté, la morale, la citoyenneté. En recrutant sur concours, celui qui a le sésame, n'a plus rien à prouver. De plus ces concours sont d'une scolarité rigide et accessible pour les plus assidus sans pouvoir réellement aller au fond des notions abordées. Cela est vrai des concours de catégories C, qui ouvrent la voie vers la formation d'agent de la paix, jusqu'à l'ENA et autres grandes écoles de la fonction publique dont on ne peut que constater le manque d’efficience depuis 50 ans.

 

Difficile de ne pas tourner mal quand le sentiment d’injustice plane

Ainsi, à l'instar de nos gamins de cités, une part de nos forces de l'ordre font preuve d'une « bêtise confondante ». J'ai vécu le racisme des forces de l'ordre. J'ai été mis en garde à vue pour la seule raison de mon faciès. Je n'avais rien fait. Pire, les responsables de la venue des forces de l'ordre ne furent à aucun moment inquiétés. Nous étions vingt, j'étais le seul avec un phénotype différent. Je fus plaqué à terre violemment, torturé dans la voiture qui m'emmena à l’hôpital où un certificat attesta d'un taux d’alcool important alors que je n'avais pas vu le médecin, pas bu même une bière et on m'humilia en me jetant à poil dans une cellule de dégrisement pleine d'excréments. Vous n'avez pas idée du sentiment que cela provoque en son for intérieur. J'étais un étudiant sans histoire, sérieux et respectueux. Je ne ferai pas des états des rêves cauchemardesques sur ce que j'avais envie de faire à ce moment. Cette histoire aurait pu me faire basculer.

J'appris par la suite que ce commissariat, le commissariat du Tonkin à Villeurbanne était réputé pour ses interventions racistes. Et apparemment 75% des agents du commissariat adhéraient au même syndicat favorable à l'éthnicisation des investigations policières. Il est plus que délicat de voir aujourd'hui ces mêmes syndicats dénoncer l'amalgame, réduisant la police à une cohorte de racistes, alors qu'ils défendaient le profilage ethnique et l'utilisation des termes beurs, black pour décrire les citoyens qu'ils s'apprêtaient à interpeller. Le fonctionnement de la police a été racialisé et l'Europe a plusieurs fois rappelé la France à l'ordre à ce propos.

Est-ce à dire que la police est raciste ? Je ne le pense pas. Mais il y a des racistes dans la police.

Plus bête que raciste d'ailleurs. Le racisme est ici emprunté, il n'est pas conceptualisé. Et puis, il y a une réalité qu'il faut bien reconnaître. Ce que l’on appelle cité, banlieue, ghetto, est :

un microcosme dans lequel il faut avoir vécu pour comprendre la violence et le racisme qu'il peut induire.

 

J'ai vécu cette violence, quotidienne, verbale, physique, psychologique

Je suis arrivé en bisounours dans cette cité. En moins de deux ans, j'étais devenu un « greemlins ». La violence est dans les murs, le béton et la promiscuité.

Dans les hautes sphères, on donne l’impression d’être plus enclin à s'inquiéter de la condition animale. Prenez des poules. Emmurez-les dans un espace clos, entassez-les, les unes sur les autres, en leur donnant du mauvais grain. Les poules seront stressées et elles en seront violentes, à vouloir plus de becquetées que la voisine.

Le stress engendre la violence. Ce modèle biologique se vérifie chez toutes les espèces animales.

 

Dans certaines cités, la violence est partout.

À l'école, dans la rue, en bas de l'allée et à la maison, sujet tabou qui pourtant est sûrement le sujet le plus important. Les Traoré sortiraient grandis d'expliquer honnêtement les éléments environnementaux qui expliquent la convergence de leurs destins. Une sensibilité, ça s'éduque. Dans certaines familles, on cultive la résistance à la douleur, on éduque l'absence de sensibilité ou une sensibilité pathologique, une roulette russe comportementale permanente.

Les gamins qui germent dans ces terreaux vont imposer leur insensibilité à tous. Ils n'ont pas peur, castagnent pour s'amuser, trafiquent dès le plus jeune âge. Pour beaucoup de gamins, ce sont des héros.

Ils ne subissent pas quand d'autres n'arrivent plus à cacher leurs larmes, ils roulent des mécaniques quand d'autres courbent l'échine et baisse les yeux.

 

À qui a-t-on donné la parole ?

Depuis 40 ans maintenant, les dirigeants politiques et les médias parlent d'eux tout le temps alors qu'ils ne se soucient pas le moins du monde de ces gens transparents, pourtant en grands nombres qui habitent ces cités. Les qualificatifs utilisés sont plutôt racailles, salafistes, terroristes, immigrés et de la difficulté des banlieues françaises.

La meilleure manière d'être considéré est bien d'être une difficulté.

Mitterrand a instrumentalisé l’immigration, autorisée par Giscard d'Estaing, pour répondre au besoin de main d'œuvre. Il a ainsi appliqué la méthode prouvée du « j'alimente les antagonismes et soutiens les deux parties, entraînant un bordel assuré ». En ce faisant, il a offert le devant de la scène aux frères musulmans et au FN de Jean-Marie Le Pen. Autrement dit, levez les bras en l'air et la tête au ciel pendant que l'on vous fait les poches. Chirac, adoubé par ce « tonton flingueur de république », a dans un premier temps poursuivi cette stratégie déviante. Dès 2002, devant la menace FN, lâché par sa partie droite dûre catholique, il dût composer avec la sensibilité extrême droite de son parti. Il ouvrit la porte aux idées à caractère sectaire et raciale. Quelle idée a eu Sarkozy, élu par les médias sur la dalle d'Argenteuil, de dire à des gamins qui n'attendent que la bagarre, qu'on allait les passer au Karcher. C'est ce que la France leur a dit sous le mandat de Sarkozy.

À qui la France a alors donné la parole ? Aux plus violents, aux plus neuneus, aux plus trafiquants et aux plus racistes. Aujourd’hui, ce sont les forces de l’ordre qui doivent faire face à ces « greemlins », insensibles à la douleur, violents, racistes et profondément démunis intellectuellement, sauf quand il s'agit de faire preuve de roublardise. Peu de personnes peuvent imaginer la difficulté de la tâche: en face, ils n'ont rien à perdre, mieux, cette confrontation avec les forces de l'ordre les fait fantasmer. On peut donc comprendre que des déviances puissent émerger chez certains policiers et cette affaire devrait interroger sur l'accompagnement psychologique des forces de l'ordre.

Il se passe, dans ces microcosmes urbains, des scènes de vie humaines, qui provoquerait des cauchemars à nombre d'entre vous.

 

Les cités sont très violentes

Et elles sont racistes, très racistes. Dans les nombreux écosystèmes en France, la cité est avec les réunion FN et les camps d'entraînement de la France identitaire, le milieu le plus raciste que j'ai connu. De mon côté je ne suis pas très typé, j'ai la peau blanche. Pire, j'avais des copains français et même juifs et on me traitait de Harki, de sale français. Je passais mon temps avec mes amis noirs à faire du sport: quand je rentrais dans ma barre d'immeuble, on me traitait de singe, de crell.

 

Comment peut-on se dire victime de racisme en étant soit même raciste ?

Comme pour les forces de l'ordre, il n'est pas tant question de racisme que de bêtise et d'expression d'une violence intérieure qui n'est pas gérée. D 'ailleurs, il y a un point commun entre le FN, certains fascistes des cités et les forces de l'ordre: le niveau d'instruction et/ou la violence intérieure. Le niveau d'instruction au sein des partisans du FN n’est-il pas parmi les plus bas de France, avec des faits de violence verbales et politiques sans équivalent ; tout cela est bien documenté. Pour ce qui est des cités, il suffit de vagabonder sur les réseaux pour constater le niveau d'instruction et la violence. Analyser les discours des membres de la famille Traoré et de leurs soutiens est aussi révélateur. Pour les agents à caractère raciste des forces de l'ordre, les pages facebook échangées sur le web ainsi que de nombreuses vidéos sont éloquentes sur la violence, le niveau d'expression, la hauteur de vue et le respect des règles indispensables à cette fonction.

 

Cependant les forces de l'ordre représentent la république et c’est là que le bât blesse

On ne peut apprécier le racisme au sein de notre sécurité publique de la même manière que le communautarisme à l'américaine qui émerge dans nos banlieues depuis les années 80. Doit-on alors faire le procès du racisme dans la police ? Ce serait là un raccourci un peu facile. Il y a des groupuscules moyenâgeux au sein de la police, engagés à l'extrême droite, voire chez les identitaires, célébrant la France de Clovis. Le nier serait malhonnête.

Mais à la manière des greemlins de banlieues, qui leur a donné le pouvoir au sein de la police ? Qui a donné la parole aux plus violents, aux plus véhéments ? Les mêmes dirigeants politiques pour les mêmes raisons, le populisme sécuritaire et l'incompétence qu'un commerce électoral ne sait plus cacher. Insécurité, matin, midi et soir depuis 30 ans, non-stop. Que dire de l'émergence des conservateurs populistes et racistes, digne de la 3eme république, que nos médias invitent en tant que polémistes ou philosophes, alors que ces vendeurs de livres polémiques seront à la littérature et à la philosophie française, ce qu'est le Big mac pour notre gastronomie.

 

Le racisme, c'est le Big Mac de l'effondrement de notre pensée collective

Nous, la patrie de Montesquieu, de Condorcet, de Victor Hugo, du Dreyfus de Zola. Nous pays des lumières, dont les débats principaux sont l'immigration, l'insécurité, le communautarisme et l'Islam. Nous, dont les enfants de cités se prennent pour des black panthers américains, pour qui Scarface est une œuvre de philosophie et les Nike air max, une distinction. Ils sont américains. Ils rêvent de ruées vers l'or, de conquête de l'ouest, à l'instar de toutes nos élites, de nos médias qui ne cessent de mimer et de nous imposer une culture franco-américaine.

 

Ces gamins sont à l'image de la France

Ils vivent, se construisent et s'organisent en communauté. Leur communauté est leur force. Quelle que soit cette communauté, musulmane, malienne, algérienne, financière. C'est la France qui les a enfermés dans ces communautés. Le plus grand problème des cités est qu'elles sont des prisons culturelles et affectives. Les enfants de ces cités vont à l'école entre eux, écoles emmurées au milieu de leurs problèmes économiques, familiaux, psychologique. Quand est-ce que le France leur propose de faire communauté nationale, quand on entend certain parler assimilation alors qu'ils changent de trottoir dès qu'ils perçoivent un cheveu trop dru, un teint trop basané ?

Ils rêvent de chaîne en or, de grosse voiture, de « belles meufs », vendus par la télévision. La réussite matérielle nécessaire au bonheur est reconnue par l’Etat pour ses citoyens. Quand vous êtes pauvres, vous n'êtes rien, vous n'avez rien à dire, vous devez déjà vous satisfaire de l’aumône que l'on vous accorde sans faire trop de bruit. Ces gamins sont bien français, ils sont devenus matérialistes comme nos dirigeants, nos médias, nos stars et toutes nos élites.

Ces gamins sont bien français: ils n'entendent pas subir, ils ont de la gouaille, sont courageux et n'ont pas peur de se faire brusquer. Ce sont des petits gavroches.

 

Je suis français. Je dirais même que je suis français de souche

La France a des racines chrétiennes, mais aussi païennes, romaines, grecques, germaniques, vikings, espagnoles et même africaines. L'Afrique fait partie de l’histoire de France. La France a des racines arabo-musulmanes. Cette phrase induira sans doute de l’urticaire chez certains militants de Jeanne d'Arc. La Renaissance, les lumières et donc l'avènement de la démocratie, parmi les deux plus grandes périodes de l'intellect français, ont été générées par l'influence culturelle de l'empire arabo-musulman. Un grand pan de notre culture trouve ses origines dans ce métissage culturel.

Les lumières...le livre de Victor Hugo, les misérables, est ce qui m'a fait comprendre, fils d'immigrés de premières générations, que j'étais bien français. C'est ce qui m'a fait comprendre qu'il n'était pas nécessaire de rentrer dans ces débats aberrants instigués par l'extrême droite dont l'objectif est de nier ma francité pour mieux réinstaurer la France des héritiers.

Des greemlins, il y en avait déjà au 18 ème siècle. On les appelait des gamins, des gavroches : ils volaient, braillaient, faisaient tourner en bourrique la force publique. Ils s'appelaient Pierre, Jean, Julien. Il n'y avait pas de banlieues en France et que très peu d'immigrés. Pourtant les conservateurs nationalistes de l'époque dénonçaient de la même manière que le FN et les Républicains aujourd'hui, l'insécurité, la gaminerie parisienne ; et dans le même temps abuser inlassablement le peuple français en essayant d'enterrer les acquis de la révolution. Levez les bras en l'air et la tête au ciel pendant que l'on vous fait les poches. De Dreyfus à Dieudonné, c'est la quintessence de la pensée politique conservatrice française depuis deux siècles.

 

Et c'est là que l'on touche au fond du problème : les institutions.

Leur autorité incontestable et leur légitimité au-dessus de tout soupçon. Ces corps intermédiaires comme les partis politiques, les syndicats ou les corporations de métiers qui fustigent le pouvoir pour conserver leur position, leur privilège et leur légitimité.

Dans l’affaire Traoré, on en a un exemple flagrant: des juges d'instruction faisant reposer leur mauvaise foi sur une expertise orientée comme souvent, des syndicats de policiers qui réclame le droit à l'erreur, à la bavure et à la discrimination. Sans oublier les partis politique conservateurs, qui se précipitent sur le débat, pour faire oublier qu'ils sont les principaux responsables de cette situation par leur focalisation permanente sur des sujets communautarisant comme l'insécurité dans les banlieues, le voile, l'Islam.

 

Ni les citoyens de banlieues, ni les forces de l'ordre ne sont responsables de cette situation.

La famille Traoré est révoltée contre une justice qui fait trainer, qui instruit l'affaire pour la tuer dans l'œuf et qui rejette toutes contestations. La famille Traoré, probablement à tort, mais avec ce sentiment plus que légitime, que leur couleur de peau puisse avoir joué un rôle dans la mort d'Adama, s'inspire de cette culture américaine dont les médias nous abreuvent pour confondre incurie de la justice et mouvement des Blacks panthers.

Ont-ils tort de résumer cette affaire à une affaire de racisme ? Il faudra établir le pourquoi de la poursuite d'Adama Traoré par les forces de l'ordre. Y avait-il urgence à le poursuivre ? Mettait-il en danger la sécurité d'autrui ? Les forces de l'ordre auraient-elles pu attendre de l'interpeller à son domicile ou y avait-il flagrant délit ? De nombreux rapports dénoncent depuis longtemps le profilage ethnique dans les investigations et les interpellations menées par la police française.

Les forces de l'ordre font avec les maigres moyens qu'on leur donne, mais surtout avec les directives imposées. À l'instar de la justice et des médias, les forces de l'ordre sont instrumentalisées par nos responsables politiques et surtout par nos médias qui invitent des représentants syndicaux souhaitant faire des agents de la sécurité publique des citoyens à part, au-delà des lois. Les forces de l'ordre ont été instrumentalisées par les précédents gouvernements allumant la confrontation à laquelle on assiste. Les forces de l'ordre ont été transformées en une forme de « milice privée » au service de consignes politiques ; et celles-ci n'ont que rarement pour objectif la paix publique. Les positions se sont radicalisées en supprimant la police de proximité et en stigmatisant incessamment les jeunes de banlieues, donnant la parole aux plus bêtes, aux plus violents, aux plus communautaristes. Le sempiternel match citoyen PSG/OM a été institutionalisé et phagocyte le débat public alors que tant de problèmes sont à régler.

Voir aujourd'hui la droite et les médias, soutenus tous deux par les propagandistes argentiers du CAC40, fustiger Emmanuel Macron et Christophe Castaner est un comble.

 

Le Président de la République et le ministre de l'Intérieur ont fait amende honorable

Malgré mon opposition à leur politique, je ne peux que les en remercier en tant que Français qui ne réclame qu'une chose, le droit d'être considéré comme français, le droit à l'anonymat. Notre président a compris que le malaise était profond et qu'il avait quelques légitimités.

On lui reproche depuis le début de son mandat, son autoritarisme et son entêtement. Là, il se remet en cause, remet en cause la doctrine sécuritaire qu'il avait exigée avec les gilets jaunes, il remet en cause le fonctionnement de la justice, ce qui est une moindre chose. Le Président prend de la hauteur, ce qui manque cruellement à une grande partie de nos élites politiques et médiatiques, trop prompt à semer le trouble pour en tirer quelques bénéfices.

Espérons que ce sont là les prémisses d'un fonctionnement nouveau, d'un élitisme éclairé, d'une légitimité fondée sur le mérite et non sur le titre, d'une autorité contestable et contrôlable, d'une démocratie qui prête au citoyen l'intelligence d'une opposition légitime et constructive. J'espère qu'on cessera ces faux débats pour se poser enfin les bonnes questions.

J'espère qu'on aura l'intelligence de nos erreurs quant à ce que devra être le monde d'après.

La France a un besoin urgent d'une remise en cause collective: regardons-nous, caricaturer une guerre ethnique alors que des familles endeuillées n'ont même pas eu le temps de dire au revoir. Sommes-nous tombé si bas dans l'indignité. Ne sommes-nous capables que de bêtise collective. Il est des moments où chacun doit savoir oublier ses frustrations personnelles, où une nation doit faire corps : quand le ferons-nous si ce n'est pas pour offrir ce temps de deuil aux familles de victimes. Les morts n'ont pas de couleurs de peaux, de religions, de classe sociale. Ils n'en ont que faire des mascarades communautaires, ils sont morts.

Et eux s'étaient bien battus pour vivre, vivre ensemble.

 

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