Législatives 2022 : abstentionnisme, parachutage, RIC...trois candidates novices se présentent (3)
LÉGISLATIVES : REVUE DE CANDIDATS [3] — Plus que deux jours avant le premier tour des élections législatives. Dans ce troisième volet, la parole est donnée à trois candidates qui se présentent sans étiquette. Indépendantes, elles considèrent que les partis politiques ne représentent pas suffisamment les citoyens et ne les écoutent plus.
Première partie des entretiens : Législatives 2022: libertés, santé, pouvoir d'achat... Cinq candidats novices se présentent
Deuxième partie des entretiens : Législatives 2022: représentation médiatique, assemblées citoyennes, vaccination… quatre candidats novices se présentent (2)
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis Caroline Lelievre, candidate citoyenne sans étiquette pour la 7ᵉ circonscription de Seine-Maritime, comprenant Le Havre Ouest et 12 communes alentour. Je suis volontairement indépendante de tout parti pour défendre les intérêts des citoyens de ma circonscription, et non pas ceux d'un parti et de ses intérêts personnels, comme c’est le cas aujourd’hui. Les élus des partis s’accordent entre eux, en oubliant leurs électeurs et les sujets qui les préoccupent au quotidien.
Je suis Nabila Djebbari, candidate non-inscrite pour la 6e circonscription en Seine-Saint-Denis. Nous sommes un mouvement citoyen avec "Aubervilliers en commun". Pour cette élection, nous nous présentons avec le mouvement citoyen de Pantin, "Générations engagés" et nous proposons une alternative de gauche. À la base, je suis une militante associative. Je vis à Aubervilliers et j’ai cofondé la première liste citoyenne qui s’appelait "100% Aubervilliers". Depuis, nous continuons notre engagement. Nous avons fait 16 % aux dernières élections municipales.
Je suis Amina Bacar, candidate indépendante dans la 3ᵉ circonscription en Seine-et-Marne où je vis depuis 30 ans. J’ai 41 ans, je suis mariée et j’ai trois enfants. Je travaille dans l'insertion en centre pénitentiaire, dans l’immobilier et aussi dans les marchés publics. Ma mouvance et mon engagement se fondent sur le bénévolat. Depuis toute jeune, je travaille pour les Restos du Cœur. Je suis engagée dans l’aide aux problèmes administratifs, la médiation sociale, la défense des services publics, le soutien envers la jeunesse. Nous alertons également sur la réduction des services à l’hôpital et sur les services de transport en commun, notamment la ligne R sur notre territoire.
Comment qualifiez-vous la situation locale en vue des élections législatives ?
Nabila Djebbari : Le candidat sortant vient de la NUPES. Nous proposons une alternative, car, pendant l'élection présidentielle, il y a eu des décisions fortes de Jean-Luc Mélenchon, qui sont allées contre nos valeurs. Il y a des parachutages, ce qui est vu comme un mépris des habitants. On nous parachute des gens qui n’ont rien à voir avec le territoire. Il y a pourtant des forces vives qui peuvent nous représenter et devenir des députés de la Nation. Dans les quartiers populaires, on vient nous chercher et ensuite il n’y a plus personne.
Au niveau des médias traditionnels, la visibilité est donnée essentiellement aux partis déjà en place.
Caroline Lelievre : Les règles du jeu sont inégales. Au niveau des médias traditionnels, la visibilité́ est donnée essentiellement aux partis déjà en place. Les règles sont également fixées par eux, ils ont donc prévu de limiter la visibilité aux nouveaux arrivants qui, en exposant des vérités, pourraient leur faire de l’ombre. Une candidature citoyenne n’est donc pas la bienvenue, d’autant plus qu’elle pourrait relayer les vrais besoins des électeurs avec les vraies réalités.
Amina Bacar : Il y a un enjeu primordial avec l’abstentionnisme, il y a un vrai sujet d’éthique. On a beaucoup reculé sur l’éthique politique. En ayant permis le cumul des mandats, on se retrouve avec une sorte de "baronnerie" des élus : ils sont installés et qu'il n'y a donc aucun changement possible. Il faut les juger sur le bilan de leur mandat et non pas sur des rapports de conseil territorial. D'autre part, on s’est fait attaquer par la NUPES, car on est aussi à gauche. Aussi, je rappelle toujours que nous sommes dans un progrès social, il y a toujours eu un pluralisme de gauche et il faut le respecter. Je ne vois pas pourquoi on s’attaquerait entre gauches sociales et écologiques. Des propos dérangeants, ça ne fait pas honneur à la politique humaniste et c’est une perte de temps.
Comment se déroule votre campagne électorale ?
Caroline Lelievre : Ma démarche citoyenne est très bien accueillie et encouragée par les citoyens de la 7ᵉ circonscription. Cela étant, ils sont lucides sur le verrouillage des élections et des arrangements entre partis. C’est pourquoi ils ont perdu confiance dans la politique, et la plupart ne vont plus voter, car ils ne se sentent pas entendus. Notre proposition de RIC (Référendum d’initiative citoyenne), à savoir consulter les citoyens pour avoir leur avis sur des sujets importants, impliquant des changements dans la vie de chacun de nous, semble surprendre. En effet, de quand date la dernière consultation du peuple français sur un sujet quel qu’il soit ? Nous souhaitons redonner la parole aux citoyens et les entendre. Le frein, c'est que les gens fonctionnent comme avec la publicité : ils ont besoin d’être rassurés, ils savent que tout est déjà pipé et, en même temps, ils gardent espoir. Notre candidature fait appel aux abstentionnistes pour leur donner envie de voter : aller voter POUR une personne de confiance qui va les représenter en leur donnant le moyen de s’exprimer et non pas contre x ou y. Si tous les abstentionnistes allaient voter, le paysage politique pourrait changer de visage et nous serions au second tour.
Il y a beaucoup d’abstention, donc notre but, c'était de faire en sorte que les citoyens s’approprient la politique.
Nabila Djebbari : Très bien déroulée, très bel accueil des habitants. Justement, les habitants mettent beaucoup d’espoir sur notre candidature, car actuellement dans le 93, les habitants ne se sentent représentés. Beaucoup ne savaient pas qu’il y avait les élections législatives, donc il faut les informer. Il y a beaucoup d’abstention, donc notre but, c'était de faire en sorte que les citoyens s’approprient la politique. Dans le département du 93, ils se sentent mis de côté par la représentation politique.
Amina Bacar : Je suis allée à la rencontre des habitants pour voir comment leur vie a redémarré après la crise. Rencontrer la jeunesse aussi, avec les quartiers populaires et ruraux qui ne vivent pas les mêmes choses au quotidien. La parole n’a pas été donnée à beaucoup d'acteurs de ces quartiers, ils ont investi des territoires dans lesquels ils ne sont pas.
Quel est votre historique d’engagement ?
Caroline Lelievre : Je n’ai jamais fait de politique auparavant, mais j’ai réagi au climat politique de ces dernières années. Les Gilets jaunes ont voulu exprimer leur manque de pouvoir d’achat, le manque de consultation. En guise de réponse, ils ont été maltraités et méprisés. A suivi l’état d’urgence abusif en mettant les citoyens dans un état de peur et de stress permanent. Les accumulations de mensonges et de conflits d’intérêts ont encouragé ma candidature et celle d’Éléonore Tarlet, ma suppléante pour ces élections législatives, dernières élections où les citoyens peuvent encore se sentir représentés.
Nabila Djebbari : Je viens du tissu associatif. On est sur le terrain en Seine-Saint-Denis. Nous nous sommes présentés en 2014, et on s’est rendu compte que les femmes ne se sentent pas représentées. Nous voulons porter un projet à l’image du territoire avec des femmes engagées sur le terrain. Parmi nos priorités : le pouvoir d’achat. Les gens n’arrivent pas à finir leur fin de mois. Dans le 93, on a aussi le problème des "crackers". Les toxicomanes ont besoin d’aide et, de leur côté, les riverains subissent les nuisances. On souhaite aussi œuvrer à la réembauche des soignants ou encore à la décongélation de l’aide aux adultes handicapés (AAH).
On dénonce aussi les parachutages sur notre secteur [...] Les élus actuels ne connaissent pas les habitants.
Amina Bacar : Je suis élue dans ma ville maire adjointe à la petite enfance, surtout pour l’accompagnement des parents. Comme l’accompagnement des enfants, c’est quelque chose qui ne s’apprend pas tout seul. J’ai toujours été citoyenne engagée et j’ai souvent été approchée par des politiques. Mais ça ne m’allait pas, ils investissaient trop peu. On dénonce aussi les parachutages sur notre secteur, ce sont des pratiques qui me dérangent. Les élus actuels ne connaissent pas les habitants.
Si vous êtes élu(e), comment comptez-vous vous engager pour les cinq prochaines années ?
Caroline Lelievre : L’une de mes premières actions sera de mettre fin à l’état d’urgence sanitaire et de réintégrer les 15 000 soignants suspendus ainsi que les 7 300 pompiers. La deuxième serait de mettre en oeuvre la proposition du RIC. La troisième, celle de la Justice qui manque dans ce pays: faire en sorte que le ministère de la Justice soit totalement indépendant du pouvoir, que le président ne puisse nommer ni les procureurs de la République, ni le Garde des sceaux. Ensuite, tous les autres sujets pourront être abordés dans la sérénité et dans un climat de confiance : relocaliser afin de créer de l’emploi et limiter les importations en favorisant les circuits courts (moins de pollution, plus d’emplois, plus de pouvoir d’achat), arrêter la braderie des fleurons français (Alstom, etc.), réorganiser les services publics (santé, éducation, La Poste, administration, encourager l’autonomie alimentaire et énergétique, etc.).
Nabila Djebbari : Le candidat sortant ne venait pas du territoire et n’a jamais été présent. Députés, on sera à l’écoute des habitants, on sera sur le terrain et, bien évidemment, on mènera une campagne face à la droite et à l’extrême droite. On veut proposer des lois et des amendements qui sont seulement dans l’intérêt des habitants. On a subi un quinquennat difficile, encore plus sur notre territoire, le 93, où les inégalités sont chaque fois plus forte. On veut cela, parce qu’on voit qu’avec nos élus actuels, les choses ne bougent pas depuis des décennies. Les gens sont déçus, donc on veut apporter de l’espoir aux habitants et leur dire, nous aussi, aujourd’hui, on peut faire de la politique.
Amina Bacar : Nous sommes dans une circonscription qui a vécu des grands projets de territoire. Il faut qu’on ait une voie à l’Assemblée pour insuffler des projets qui revitalisent l’économie locale, relocalisent les centres d’informations, mettent en avant la culture, et le bien vivre, car on aimerait que les territoires soient une niche du bien vivre. Je resterai à portée de main pour écouter, faire des propositions de lois, et agir en levier de justice social, écologique et fiscale. Ce que ne font pas les élus qui ne viennent pas de notre territoire et qui ne restent pas.
Les élections législatives auront lieu les 12 juin (premier tour) et 19 juin (second tour).
Caroline Lelievre, candidate pour la 7e circonscription de Seine-Maritime :
Site : Pour une vraie liberté française
Nabila Djebbari, candidate de la 6e circonscription de Seine-Saint-Denis :
Twitter : @AuberEnCommun
Amina Bacar, candidate dans la 3e circonscription en Seine-et-Marne :
Twitter : @AminaBacar2020
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