"Graffiti Men Beirut" : un documentaire sur les traces des graffeurs libanais (video)
On les voit rarement, mais chaque jour, ils sont des milliers à passer devant leurs œuvres. Depuis une dizaine d'années, la scène libanaise du street-art, et particulièrement celle des graffeurs, est en ébullition. Et c'est cette effervescence que deux jeunes journalistes français ont choisi d'aller saisir à Beyrouth, à travers un documentaire.
"En réalisant Graffiti Men Beirut, on a voulu donner la parole a une jeunesse trop peu écoutée. On s'est rendu compte qu'à travers le graffiti, la jeunesse libanaise se rassemblait pour peindre, malgré les différences culturelles et religieuses qui divisent le pays depuis près d'un demi-siècle", explique Sarah Claux, l'une des réalisatrices.
Ils sont pour l'instant une poignée de jeunes, entre 21 et 37 ans, à apporter de la couleur sur les murs trop ternes de la capitale libanaise. Des murs qui portent encore dans certains quartiers, les stigmates des conflits qui ont déchiré le pays du Cèdre pendant plusieurs décennies. "Les murs choisis par les artistes sont ceux qui portent les marques de la guerre. Ils recouvrent avec leurs bombes ce que la population est fatiguée de se remémorer au quotidien en l'embellissant par des fresques et sont donc encouragés à le faire", souligne Nicolas Soldeville, qui a tourné la majorité des images.
Graffiti Men Beirut à les défauts de ses qualités. Il vit d'un enthousiasme débordant, souvent véhiculé par des intervenants hauts en couleurs. Par conséquent, l'image se laisse parfois emporter par cet élan et passe parfois trop vite sur certaines œuvres (notamment sur les plans de coupe): des graffitis qu'on aimerait pouvoir regarder attentivement pour bien en saisir la multitude de détails. Où la calligraphie arabe se mêle aux formes urbaines modernes, inspiré des cartoons américains ou de la science-fiction iconique des années 80-90.
On appréciera la variété des intervenants du documentaire où l'on croise pêle-mêle les artistes graffeurs, évidemment, des rappeurs, des DJ, un journaliste spécialisé dans la culture urbaine et même un universitaire français spécialiste du graffiti dans le monde arabe… Chacun d'eux vient témoigner de son ressenti sur le graffiti libanais.
Par ailleurs, le travail des graffeurs n'a que très rarement une portée politique ou religieuse. Ce qui leur vaut d'ailleurs une relative tolérance des forces de l'ordre qui les laissent graffer aussi bien la nuit que le jour. Les graffeurs beyrouthins sont animés d'un seul combat: promouvoir leur art pour qu'il soit reconnu à sa juste valeur. Comme le montre le documentaire, certains sont en passe de le professionnaliser.
Pour autant, et c'est tout l'enjeu de l'évolution du graffiti à Beyrouth, il ne veut perdre ni son identité ni ses enjeux initiaux. Gage que la transmission de leur passion aux jeunes générations sera la prochaine bataille des graffeurs libanais, en tentant de ne pas y perdre leur âme.
"Avec ce premier documentaire ensemble, nous avons décidé de lancer notre boite de production de documentaires Niksa production", explique la jeune journaliste. De futurs projets? "Nous sommes actuellement en pleine création de la société et nous venons de tourner un court-métrage en Inde, dans une ferme de permaculture, au sein de la communauté népalaise que nous sommes actuellement en train de monter" ajoute Nicolas Soldeville. Éclectique donc, à tel point qu'ils souhaitent également réaliser sur des projets à Paris et en Syrie, et sont à la recherche de financement et de distributeurs pour pouvoir les lancer.
Graffiti Men Beirut sera diffusé pour la première fois en France dans le cadre du festival Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient qui se déroule du 27 mars au 14 avril à Saint-Denis. Pour découvrir les graffeurs de Beyrouth, rendez-vous le vendredi 30 à 18h au cinéma L'Ecran de la cité dionysienne (entrée gratuite), en présence des réalisateurs. Le calligraffitiste Moe fait le déplacement depuis Beyrouth pour l'occasion et se livrera à une performance dès 15h.
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