Ebdo s'arrête déjà, faute de lecteurs et à court d'argent
Lancé il y a seulement trois mois avec une formule originale, le magazine Ebdo va s'arrêter brutalement faute d'avoir séduit les lecteurs et trouvé des fonds suffisants.
Son éditeur Rollin publications s'est déclaré en cessation de paiement mercredi, ont indiqué ses fondateurs à l'AFP, après l'avoir annoncé à leur équipe.
Après une campagne de préfinancement très réussie, et une riche collaboration avec les lecteurs, l'éditeur comptait vendre plus de 45.000 exemplaires du petit hebdomadaire à 3,50 euros lancé en janvier, 100% papier et sans publicité, puis 90.000 dans deux ans.
Pour séduire les lecteurs, Ebdo promettait de traiter l'actualité de manière non partisane, en privilégiant les faits sur les opinions et des reportages au long cours plutôt que la course au buzz.
Las, après quatre premiers numéros réussis, les ventes sont tombées autour de 15.000 exemplaires par semaine, affectées notamment par une enquête très critiquée sur Nicolas Hulot.
"C'est un échec commercial", a reconnu le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, cofondateur de cet hebdomadaire, dans un entretien avec l'AFP. "Il n'y a aucun indicateur montrant que cela frémit", a souligné à ses côtés Laurent Beccaria, l'autre cofondateur du journal.
Le numéro 11, qui paraîtra vendredi, sera donc le dernier. "Un journal sans lecteurs est une voix dans la nuit", conclut l'ultime éditorial signé par les cofondateurs.
Aux mauvaises ventes se sont ajoutés des revers financiers: plusieurs investisseurs et deux banques se sont retirés. Pour "préserver l'activité" des revues XXI et 6mois, qu'il édite également, et sauver des emplois, Rollin Publications a demandé la nomination d'un administrateur judiciaire.
- Le flop Hulot -
"Il y a un rendez-vous manqué avec les lecteurs", a expliqué Laurent Beccaria, reconnaissant que "l'affaire Hulot a précipité le malaise".
Ebdo avait réalisé un coup d'éclat en février en révélant que le ministre de la Transition écologique avait fait l'objet d'une plainte pour viol en 2008, classée sans suite pour cause de prescription.
Cet article a été très critiqué dans les médias et a fait perdre des abonnés au journal.
L'hebdomadaire s'est vu reprocher d'avoir bâti son enquête sur une plainte classée et d'avoir évoqué une accusation de harcèlement sexuel émanant d'une ancienne collaboratrice de l'ex-Fondation Hulot, qui avait pourtant elle-même nié dans Ebdo tout lien avec l'ancien animateur télé.
Dans la foulée, un investisseur qui devait apporter des fonds au journal s'est désisté, une augmentation de capital de deux millions d'euros a été annulée et les crédits bancaires de deux millions d'euros n'ont pas été débloqués.
La société Rollin Publications s'est retrouvée avec un million d'euros en caisse, issu de ses fonds propres, de ses réserves financières et de la campagne de financement.
- La revue XXI pourrait survivre -
Sur les 63 salariés de l'éditeur, une quarantaine avaient été embauchés pour Ebdo, dont des journalistes réputés comme Anne Jouan (ex-Figaro), Laurent Valdiguié (ex-JDD), Samuel Forey (prix Albert-Londres 2017) ou Nicolas Delesalle (ex-Télérama). L'ex-secrétaire d'Etat PS Thierry Mandon avait pris la direction générale du journal.
Dans la presse, un lancement raté est souvent synonyme d'échec: le "New Yorker" à la française de Jean-Louis Servan-Schreiber n'avait tenu que quelques semaines en 1980; en 1997, le Quotidien de la république lancé par Henri Emmanuelli avait tenu onze jours.
Rollin doit arrêter Ebdo "pour ne pas creuser le déficit", a souligné Laurent Beccaria, qui estime qu'il aurait fallu trouver 8 millions d'euros pour poursuivre la publication.
Le 4 avril, le tribunal de commerce va "sans doute désigner un administrateur judiciaire et décider d'un délai assez court, de un ou deux mois, pour recevoir des offres de reprise pour XXI et 6 Mois et peut-être au-delà de leur périmètre, avec plus de salariés", a expliqué Laurent Beccaria, selon lequel des repreneurs potentiels sont déjà sur les rangs.
Cet échec intervient alors qu'un autre hebdo, "Vraiment", s'est lancé ce mercredi. "Grosse pensée pour l'équipe d'Ebdo. L'échec (...) ne veut pas dire qu'il ne fallait pas essayer", a commenté sur Twitter son cofondateur, Jules Lavie.
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