Daniel Kretinsky : derrière l'oligarque, un pro-européen défenseur de la presse ?
Qu'est-ce qui fait courir Daniel Kretinsky? Le milliardaire tchèque, magnat de l'énergie avec son groupe EPH, devrait d'ici la fin de l'année acquérir une participation minoritaire dans le journal Le Monde. Il avait déjà mis la main sur le magazine hebdomadaire Marianne et sur plusieurs titres du groupe (Elle, Télé 7 Jours).
En apparence, l'intérêt pour les médias d'Europe de l'Ouest de la cinquième fortune de République Tchèque (2,1 milliards d'euros selon Forbes) semble surprenant. Mais sur son marché local, l'homme a déjà acquis un premier groupe en 2014 (Czech News Center) possédant une demi-douzaine de magazine et de journaux. Après des investissements en Allemagne, Daniel Kretinsky a accéléré sa diversification internationale en 2018 en rachetant en avril les radios de Lagardère en Pologne, en Roumanie et en Slovaquie (et en République tchèque), mettant sur la table 73 millions d'euros. A titre de comparaison, le rachat de Marianne, lui, aurait coûté à peine 5 millions d'euros.
Les motivations de celui qui est qualifié de "pro-européen" sont difficiles à cerner, et l'homme de 43 ans est assez éloigné de l'image de "l'oligarque pro-russe" que son activité dans l'énergie (il est propriétaire notamment d'un gazoduc en Slovaquie qui achemine le gaz venant d'Europe orientale), ou sa nationalité tchèque –pays membre du groupe de Visegrad, eurosceptique– pourraient renvoyer.
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Le milliardaire a d'ailleurs donné une explication au début du mois pour justifier sa volonté de s'attaquer au marché de l'Europe de l'Ouest (après l'Allemagne et la France, il pourrait aussi racheter des actifs en Espagne). Lors du Globsec Tatra Summit Slovaquie, Daniel Kretinsky est intervenu le 5 octobre sur sa stratégie. Comme le rapporte le journal tchèque Blesk (propriété du milliardaire), il a critiqué les géants du numérique comme Google et Facebook, a défendu les médias "traditionnels" et loué leur rôle comme "piliers de la démocratie". Il a enfin expliqué qu'il était partisan d'une législation moins favorable pour les géants américains du numérique. Il était d'ailleurs un partisan de la "directive droit d'auteurs votée le 12 septembre. Il a estimé aussi que son rôle était "d'éduquer une génération de personnes ignorantes politiquement".
Dans la foulée de cette déclaration, la commissaire européenne à la Concurrence, la Danoise Margrethe Vestager a publié sur Tweeter un message évoquant un Daniel Kretinsy "très fort et impressionnant'' dans sa volonté d'établir une "régulation stable".
Very strong and impressive @DKretinsky advocating for new, strong, stable regulations for big tech #TatraSummit2018 @BrusselsGeek pic.twitter.com/kPQ5E24iYO
— Margrethe Vestager (@vestager) 5 octobre 2018
Le signe a minima que Bruxelles ne voit pas d'un mauvais œil les volontés d'expansion d'un milliardaire ressortissant d'un des pays les plus eurosceptiques de l'Union européenne pour exister dans le rapport de forces face aux géants américains du numérique.
Le groupe de Daniel Kretinsky devrait dans un premier temps ne prendre qu'une participation minoritaire dans Le Monde (40% à 49% tout de même). Mais d'autres actionnaires du quotidien français seraient vendeurs, ce qui permettrait une prise de contrôle du milliardaire tchèque sur le journal et les autres titres du groupe (L'Obs, La Vie, Courrier international, Telerama notamment).
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