C'était dans "France-Soir" : en août 1946, les drones sont déjà des armes de guerre
Lors de l'été 1946, les États-Unis utilisèrent des drones lors des essais nucléaires qu'ils effectuèrent sur l'atoll de Bikini dans le Pacifique. "France-Soir", à l'époque, rapporte que ces "avions-robots sans pilote" sont susceptibles de devenir de redoutables armes de guerre.
Non, les drones ne sont pas une invention moderne. Le 13 août 1946, France-Soir, qui a moins de deux ans d'existence, consacre son principal titre de première page à ces appareils dont le journal met le nom entre guillemets: "LES «DRONES» plus effrayants que la bombe atomique".
"Inutile de viser… car chargés de bombes incendiaires, ils viennent, intacts, achever le travail", précise le sous-titre de l'article. Il s'agit d'un reportage du journaliste André Labarthe, envoyé spécial du quotidien dans l'atoll de Bikini, dans l'océan Pacifique, où eurent lieu une série d'essais nucléaires américains au cours de l'été 1946, les premiers depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un an après l'explosion de la bombe atomique à Hiroshima.
"En même temps que Bikini mettait en évidence l'immense pouvoir de la bombe contre une flotte au mouillage ou contre des arsenaux, une expérience aussi spectaculaire, aussi sensationnelle, avait lieu. Quoique moins tapageuse, elle permet de pousser encore plus loin l'art de détruire", écrit le journaliste.
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Il poursuit: "Les «drones» (avions-robots sans pilote, radio-guidés) dont j'ai déjà parlé il y a quelques semaines ont accompli leur mission sans la moindre défaillance. (…) C'est là un résultat capital. Si l'on imagine maintenant une aviation composée d'avions-mères et de drones porteurs de bombes atomiques, on a une image assez exacte d'une guerre telle qu'il est possible de la faire aujourd'hui".
"Après le lancer de quelques bombes atomiques sur une agglomération industrielle ou urbaine, il suffirait d'envoyer quelques drones aves des bombes incendiaires pour achever irrémédiablement le travail. Il n'y aurait plus de discussion possible sur le nombre des personnes évaporées ou tuées par traumatisme. (…) Si la bombe atomique est la plus puissante des armes de guerre, les drones sont en passe de devenir les transporteurs automates les plus effrayants".
Les premiers drones militaires ont fait leur apparition lors de la Première Guerre mondiale, puis ont été développés pendant la Seconde par les Allemands (les avions sans pilote V1 et les missiles V2 notamment) et pendant les guerres de Corée et du Vietnam par les Américains. Les drones civils tels qu'on les connaît aujourd'hui ont, eux, connu un essor au début du XXIe siècle et font l'objet d'une réglementation depuis le début des années 2010.
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En cet été 1946, France-Soir n'imagine pas une utilisation des drones dans la vie de tous les jours. Le journal de Pierre Lazareff s'intéresse plutôt au porte-monnaie des Français dans cette période difficile en rappelant que le gouvernement provisoire de Georges Bidault "se débat toujours au milieu de difficultés économiques sans nombre". Ainsi l'autre grand titre en Une de ce numéro du 13 août 1946 annonce que le ministre du Ravitaillement, Yves Farge, "propose au conseil interministériel DEUX PRIX POUR LE PAIN: un pour la vente contingentée, un pour la vente libre". France-Soir précise qu'"au cas où les subventions seraient supprimées, le pain passerait de 7,40 fr à 15 ou 16 francs" le kilo. Les subventions concernent la vente de pain contingentée, avec un système de tickets de rationnement mis en place à la Libération et qui sera maintenu jusqu'en 1949.
Parmi les autres titres de première page, on apprend que "M. Byrnes a passé un bon dimanche chez Léon Blum", au-dessus d'une photo qui montre "M. Caffery, ambassadeur des USA à Paris; Mme Léon Blum, tenant dans ses bras sa petite-fille Dominique, âgée de 17 mois; Léon Blum et M. Byrnes". Moins de trois mois plus tôt, le 28 mai, le secrétaire d'État américain James F. Byrnes et les représentants du gouvernement français, Léon Blum et Jean Monnet, ont signé un accord annulant la dette de guerre de la France auprès des États-Unis en échange, notamment, de la levée des quotas imposé aux films américains dans les cinémas français depuis 1936.
Dans le domaine des faits divers, France-Soir rapporte en ce 13 août 1946 que "L'épidémie de poliomyélite atteint Belfort et le Cantal"; qu'un car est tombé dans un ravin à Moutiers (Savoie), faisant "2 morts, 13 blessés graves"; qu'un homme de 49 ans s'est suicidé près de Grenoble après avoir laissé une lettre manuscrite affirmant "J'ai tué ma femme et mon fils".
Et un drame de la jalousie s'est déroulé au premier étage du 30 rue Poliveau à Paris: "Un Algérien jaloux tue «la belle épicière» et une de ses amies", il s'enfuit puis "il blesse aussi trois personnes et, finalement, est abattu par la police". L'article précise que le meurtrier, âgé de 26 ans, avait connu sa victime un an et demi plus tôt dans son magasin. "La «belle épicière», comme ses voisins l'appelaient, semble s'être livrée dans ce commerce à des transactions qui lui rapportèrent beaucoup d'argent. Brune, jolie, élégante, elle était regardée pour posséder un grand nombre d'amis et ses voisins durent intervenir à plusieurs reprises pour «tapage nocturne», précise France-Soir.
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