"Vous couperez" : le spectacle de "La Bajon", étonnamment consensuel

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FranceSoir
Publié le 25 octobre 2021 - 17:10
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La Bajon
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"Vous couperez hein"
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CRITIQUE — Connaissant un succès grandissant depuis quelques années, notamment grâce à sa chaîne YouTube, La Bajon se produisait pour la première fois à l'Olympia, samedi dernier à Paris.

Un "packaging" croustillant

"Vous couperez", annonce l'affiche : un spectacle assorti d'un premier livre, intitulé "Vous n'y couperez pas - La meilleure défense c'est l'humour", aux éditions du Cherche-Midi. L'un dans l'autre, connaissant ses habituels clins d'œil politiques, on s'attend à un spectacle dissident, insoumis, mordant. D'autant que La Bajon a décidé de revêtir la robe noire d'une avocate pour monter sur scène.

Une réserve d'emblée : elle qui, dans certaines de ses vidéos, n'avait pas hésité à se moquer des mesures sanitaires, du conseil scientifique ou des médias, n'a pas non plus hésité à se produire à l'Olympia, salle mythique de la capitale, évidemment réservée aux détenteurs d'un passe sanitaire. À l'instar de Jean-Marie Bigard, probablement n'a-t-elle pas pu résister à l'appel du succès. Allons bon !

Une entrée en scène prometteuse

Introduite par un groupe de six danseuses énergiques, Anne-Sophie Bajon débarque sur scène et aussitôt, le spectacle prend la forme d'une interview ; Vincent Leroy, son co-auteur, endosse le rôle du journaliste pour l'occasion. "Attention ! C'est un vrai journaliste hein, il travaille chez BFM TV !" clame-t-elle pour l'accueillir. À ce stade, on s'attend vraiment à du piquant.

S’ensuit une série de questions du "journaliste" chargé de rythmer le spectacle. Tour à tour, l'avocate feint de prendre la défense de Marine Le Pen, de Jean-Luc Mélenchon, d'Éric Zemmour, de Nicolas Sarkozy, de Xavier Bertrand, en somme, de tous les politiciens du moment... sauf ceux qui sont en place. Des membres du gouvernement actuel, seul Jean Castex a la chance d'être cité par l'avocate. Pas un grand risque, me direz-vous, mais la promesse est tenue : on est sur le terrain politique, et on attaque. Pendant cette séquence, chacune de ses réponses est ponctuée d'un taquin : "Vous couperez hein".

Soudain, l'avocate est visée par un fusil-sniper sorti du fond de la salle, qui tire aussitôt et l'envoie au ciel. Le message est clair : elle en aurait trop dit. Pourtant, cela ne semblait être que la mise en bouche... À ce moment, on croise les doigts pour que la satire ne s'arrête pas là.

L'actrice prend donc le rôle du Créateur, s'autoflagelle en critiquant son manque de conformisme, et finit par renvoyer son personnage principal sur Terre (sur scène), à condition que le reste de son spectacle soit plus consensuel. Évidemment, on s'attend à ce que cette fausse mise en garde soit en réalité son tremplin, lui permettant d'enclencher la seconde et de tirer à boulets rouges.

C'était le Dernier Jugement

Malheureusement, il n'en est (presque) rien. La robe noire tombée, La Bajon s'habille successivement en policière, en directrice d'entreprise, en femme de ménage, en factrice, et nous livre une série de blagues auxquelles on est habitués. Alors qu'on s'attendait à déguster les sujets controversés du virus, des mesures sanitaires, des crises politique et économique, du traitement de l'information, de la justice, éventuellement des relations internationales ou encore des élections passées et futures, on ne retrouve quasiment que du réchauffé. Du réchauffé bien joué et bien écrit, certes, mais du réchauffé quand même : les moqueries de couple, les enfants, les appels auprès de la police, le terrorisme, l'autoritarisme en entreprise, quelques lourdeurs graveleuses, etc.

Quelques rares fois, l'humoriste s'aventure à la dissidence. Par exemple, quand elle met en relation téléphonique la police, l'Élysée et Daech, laissant sous-entendre que nos dirigeants planifieraient les attentats avec l'organisation terroriste.

Pour le reste, pas un mot sur le plan sanitaire, sinon pour dire que les sages-femmes sont mal payées. Pas une nouveauté. Le goût du risque que l'on savourait à l'introduction disparaît franchement, jusqu'à la fin.

Une belle conclusion qui laisse perplexe

L'humoriste achève son spectacle avec un message assez banal, certes, mais qui résonne différemment en ce moment : "nous sommes tous d'origine différente, nous sommes tous de bords politiques différents, nous n'avons pas le même âge, le même sexe ou les mêmes goûts, et pourtant nous venons de passer une heure à rigoler ensemble. Ça vous ne couperez pas, c'est important."

C'est vrai, on avait bien rigolé. Cela étant, l'humour qui sur le papier, devait servir de défense, a plutôt servi de diversion en évitant les sujets trop clivants.

Après cette introduction savoureuse et ce message d'unité en note de fin, on ne doute pas que La Bajon soit au courant de ce qui se passe en ce moment, ni du fait qu'elle ait son mot à dire. Elle a du talent, elle est drôle, mais peut-être n'a-t-elle pas eu l'envie (ou le courage) d'aller jusqu'au bout de la promesse. Finalement, il n'y a rien à "couper" du spectacle, et c'est peut-être bien pour cela qu'il est joué à l'Olympia.

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