Coronavirus : plus de 700 migrants évacués d'un camp au nord de Paris
Le bidonville constituait une anomalie à l'heure du confinement national. Plus de 700 migrants, qui vivaient dans un campement insalubre de la banlieue parisienne, dont l'hygiène et la promiscuité faisaient polémique sur fond de coronavirus, ont été mis à l'abri mardi matin.
Agglutinés en file indienne tout près du terrain vague d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) où ils avaient posé leurs tentes, 732 exilés, pour l'essentiel des hommes originaires d'Afrique subsaharienne, certains drapés dans des couvertures et leurs effets rassemblés dans des sacs en plastique, sont montés dans des bus qui les ont emmenés vers des gymnases et des hôtels, a constaté un journaliste de l'AFP.
L'opération, menée dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus, a débuté avant l'aube. Sous les ordres du préfet de la Seine-Saint-Denis, Georges-François Leclerc, les policiers et gendarmes ont vidé de ses occupants ce site qui restait mardi en fin de matinée jonché d'ordures, de matelas et de cabanes de fortune.
"Dans le contexte sanitaire particulier que connaît le pays, l'opération s'est limitée à la mise à l'abri de ces personnes, sans examen de leur situation administrative au regard du droit au séjour" et a été réalisée pour "assurer la protection sanitaire des populations les plus précaires (...) notamment en évitant des regroupements importants", s'est félicité mardi soir le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner dans un communiqué.
"On va faire en sorte que les mesures barrières soient respectées" durant la mise à l'abri, avait expliqué à l'AFP Anne-Claire Mialot, préfète déléguée à l'égalité des chances, pendant l'opération, soulignant qu'à leur arrivée dans les gymnases ou hôtels franciliens, les migrants seraient examinés par l'ONG Médecins sans frontières (MSF), pour déceler d'éventuels symptômes du Covid-19.
- "Gestes barrières" impossibles -
"C'est fou, en temps de confinement, d'avoir laissé si longtemps des personnes dans ces conditions d'indignité", s'est désolé sur place Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile, association opératrice de l'Etat.
"Evidemment, il faut les mettre à l'abri", mais depuis le temps, fustige-t-il, "bien sûr que des gens sont sûrement infectés et maintenant ils sont évacués dans les pires conditions qui soient en terme de santé publique".
En se retrouvant dans cette situation "on paye des mois d'inaction", abonde Louis Barda, responsable de Médecins du Monde (MdM) qui a maraudé plusieurs fois ces derniers jours sur le campement.
Il évoque "quelques suspicions" de coronavirus parmi les personnes qui ont été "confinées dans ce camp par les policiers sans rien, ni eau, ni toilettes".
"C'est une opération très difficile", avait prévenu le préfet du 93 avant l'opération, appelant les forces de l'ordre à "respecter les gestes barrières".
Mais rapidement, a constaté l'AFP, cela s'est révélé impossible: après un mouvement de foule, les exilés ont été sommés de se serrer les uns contre les autres, au contact de policiers et gendarmes sans masques qui les laissaient passer au compte-gouttes vers les bus.
A l'arrivée dans les gymnases, "il faudra être attentif à ne pas passer d'une promiscuité à l'autre", a prévenu Christian Reboul, référent Migrations chez MdM, rappelant que de tels campements de migrants existent toujours dans le Nord, à Calais ou Grande-Synthe.
En début d'après-midi, MSF a d'ailleurs tweeté que "la mise à l'abri en gymnases ne permet pas d'appliquer correctement les consignes sanitaires du Covid-19". "Pas de capacité de dépistage fourni par l'ARS de l'Ile-de-France, grande promiscuité et difficulté de maintenir un isolement. Ces lieux ne doivent pas devenir des lieux de propagation", a dénoncé l'ONG.
Rejoignant ce constat, plusieurs organisations dont la Fédération des acteurs de la solidarité ont demandé que "l'hébergement en gymnase soit le plus court possible", pour privilégier des solutions "inconditionnelles" comme l'hôtel ou la mobilisation de locaux vacants.
D'autres organisations, dont MdM, Amnesty International ou le Secours Catholique, ont appelé pour leur part dans une lettre ouverte le ministre de l'Intérieur à prendre en compte le "contexte sanitaire" pour appliquer le prolongement de la trêve hivernale aussi à ces personnes.
"Il nous paraîtrait contraire aux consignes générales relatives à la gestion de cette épidémie", écrivent-ils, "de fragiliser des populations migrantes".
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