Musée national de l'automobile - Collection Schlumpf : à la découverte de la plus grande collection de voitures anciennes du monde

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Laurence Beneux, France-Soir
Publié le 14 avril 2023 - 19:00
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Neyer Valeriano, pour France-Soir
Les collections permanentes du musée Schlumpf comptent plus de 500 véhicules classiques.
Neyer Valeriano, pour France-Soir

REPORTAGE - La semaine dernière, nous vous invitions à découvrir en video l’exposition temporaire "En vadrouille avec Louis de Funès" du Musée national de l’automobile – Collection Schlumpf de Mulhouse. Cette semaine, nous vous présentons ses extraordinaires collections permanentes, qui comptent plus de 500 véhicules classiques. 

Dans un décor somptueux, le "Musée Schlumpf" offre au regard du visiteur la plus fabuleuse collection de voitures anciennes du monde, rassemblée par deux frères passionnés, les industriels Hans et Fritz Schlumpf. Ce musée, qui accueille des visiteurs venus de tous pays, jouit de la réputation d’être le plus beau musée automobile de la planète.  

À travers l’histoire “des fous du volant et de leurs drôles de machines”, c’est un pan de l’ingéniosité et de la créativité humaine qui se donne à voir. Voitures mythiques ou plus modestes, historiques ou populaires, mais aussi films et objets, témoignent de l’obstination et de la créativité d’inventeurs de génie, lancés dans une quête de liberté, de beauté mais aussi de dépassement des limites. 

 

Petite histoire du “musée Schlumpf” 

Au milieu de XXème siècle, Hans et Fritz Schlumpf sont deux industriels prospères, à la tête d’un petit empire dans le secteur de la filature de laine peignée, dans l’est de la France. Propriétaires de plusieurs usines, ils vont en fermer une à Mulhouse, qui sera consacrée à abriter une collection automobile qui va se constituer au fil des années, dans le plus grand secret. 

Tout commence par l’achat d’une Bugatti 35 B, dans les années 30, par Fritz Schlumpf, grand amateur d'automobiles. Il participe à des courses, achète d'autres véhicules, mais il faut attendre les années 60 pour qu’il se lance dans une quête insatiable de voitures en tout genre. 

L’idée de créer un musée, dédié à leur mère Jeanne, prend forme, et les frères se lancent dans le projet d’aménager somptueusement l’usine pour recevoir des visiteurs. Ils imaginent un restaurant, conçoivent une entrée luxueuse et vont jusqu’à faire fabriquer pas moins de 900 lampadaires, copies de ceux ornant le pont Alexandre III de Paris et qui éclairent l’immense salle où sont exposées l’essentiel des voitures, conférant à l’endroit une beauté unique. 

Mais en 1976, l’histoire rattrape les deux industriels. La crise du textile les contraint à cesser leurs activités de tissage et à licencier quelques 2000 ouvriers. L’année suivante, les syndicats découvrent l’existence du musée en gestation, et exigent sa liquidation pour payer les dettes sociales. Ils soupçonnent que la collection a été constituée au détriment de l’activité industrielle.  

Les ouvriers occupent les lieux, et vont également séquestrer trois jours durant Hans et Fritz Schlumpf dans leur maison mulhousienne. Les deux frères, de nationalité franco-suisse, sont alors reconduits en Suisse par les autorités françaises, pour leur propre sécurité. Ils y résideront définitivement. 

Les pouvoirs publics ne se sont pas trompés sur la valeur patrimoniale de la collection accumulée par les passionnés, et dès 1978, elle est classée "monument historique" par le Conseil d’État. Elle ne peut donc plus être dispersée. 

Une association, constituée essentiellement de collectivités publiques alsaciennes, mais aussi du Comité du Salon de l’Automobile de Paris et de l’Automobile Club de France, est fondée. Elle acquiert, pour un prix largement sous-estimé, la merveilleuse collection auprès des syndics chargés de la liquidation des biens des frères Schlumpf.  

Par ailleurs, une deuxième association est créée afin de gérer le musée. Ce dernier ouvre dès 1982, sous l’impulsion du constructeur automobile Jean Panhard, qui plaidait depuis des années pour la création d’un musée automobile français. 

Reste que les frères Schlumpf ont été "spoliés". Une intense bataille juridique commence. 

En 1988, la Cour d’appel de Paris décide de leur rendre en partie justice, en estimant que leur œuvre mérite une protection judiciaire en ce qu’elle constitue "une œuvre de l’homme portant témoignage d’une époque déterminée et d’un génie créateur". 

Les magistrats soulignent que non seulement le musée est principalement le fruit d’un investissement personnel des industriels, puisque ces derniers étaient propriétaires de la quasi-totalité du capital de leurs entreprises, mais aussi qu'ils ont contribué très favorablement à l’emploi et au rayonnement artistique et touristique de l’Alsace.  

La justice reconnaît un droit moral aux deux frères, et ordonne que le patronyme "Schlumpf" soit accolé au nom du musée qui se nomme désormais "Musée national de l’automobile – Collection Schlumpf". 

Après le décès de Fritz Schlumpf en 1992, sa veuve Arlette Schlumpf continue la bataille judiciaire pour faire honneur à la mémoire de son mari. En 1998, la justice reconnait de facto la spoliation dont ce dernier a été victime, en ordonnant qu’une soixantaine de véhicules lui soit restituée. 

Elle écrit par ailleurs une autobiographie, "Pour l’amour de Fritz", publiée en 2009 à titre posthume, un an après le décès de son autrice en 2008. 

L'histoire du musée Schlumpf témoigne de la force créatrice de la passion. La vie peut fracasser les hommes, l’œuvre exceptionnelle demeure. À ce titre, l’affaire Schlumpf est exemplaire. Les employés des usines Schlumpf ont beaucoup perdu quand la crise sociale les a rattrapés. Leurs patrons aussi. Mais le patrimoine culturel français leur est redevable et par là même, les générations futures.

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