Entre neurones et silicium, le premier "bio-ordinateur" a les fils qui se touchent

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Axel Messaire, pour France-Soir
Publié le 16 mars 2025 - 16:50
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Ordinateur biologique
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DR - Image générée avec intelligence artificielle.
DR - Image générée avec intelligence artificielle.

Une société australienne appelée Cortical Labs a commercialisé son "bio-ordinateur", une innovation qui fusionne la biotechnologie et l'informatique. Connectant neurones humains et puces de silicium, le dispositif se veut plus dynamique et plus évolutif que l’intelligence artificielle (IA), mais connaît plusieurs limites.

À la recherche de capacités toujours plus puissantes, la science se rapproche de plus en plus de... l'humain. En fait, notre cerveau, il était bien ! Et bientôt, on pourra peut-être en acheter un. Qu'on se le dise, ce sera tout de même plus simple que d'apprendre à s'en servir.

Une machine (sur)vivante

C’est ce que propose Cortical Labs, avec son "bio-ordinateur" dévoilé début mars lors du salon mondial de téléphonie mobile, à Barcelone. Fusion de la biologie humaine et de la technologie numérique, l'idée peut paraître futuriste, voire délirante, mais elle devient de plus en plus tangible - et pour la modique somme de 35 000 dollars.

Baptisé CL1, ce dispositif combine des neurones humains cultivés sur des puces en silicium. Ces dernières, traditionnellement utilisées dans l’électronique, servent désormais de "pont" entre la biologie et l’informatique : comme l'explique Usbek & Rica, "les neurones sont maintenus en vie dans une boîte qui les nourrit de nutriments et éloigne les microbes indésirables. Les puces de silicium, quant à elles, envoient des signaux électriques aux neurones par le biais de petites électrodes et captent leurs réponses en retour, à la manière d’un cerveau miniature."

Ces ordinateurs biologiques ne se contentent pas d'imiter le fonctionnement du cerveau humain ; ils exploitent sa flexibilité, sa capacité d’adaptation et, paradoxalement, son économie d’énergie. In fine, l’objectif affiché par Cortical Labs est de redéfinir l’intelligence artificielle actuelle. Ce bio-ordinateur pourrait notamment servir dans des domaines comme la recherche biomédicale, en simulant plus précisément certaines pathologies. En cultivant des neurones prélevés chez des patients atteints de maladies neurodégénératives comme la démence ou l’épilepsie, les chercheurs pourraient tester des traitements adaptés spécifiquement à l’individu, et ainsi révolutionner la façon dont les médicaments sont testés et produits. Une avancée qui pourrait théoriquement réduire le recours aux tests sur les animaux et affiner notre compréhension des maladies. Mais, une fois l'enthousiasme passé, plusieurs limites sont posées.

Déjà obsolète

L’apparition des bio-ordinateurs soulève inévitablement la question de l’intelligence elle-même. Est-ce que l’IA, telle que nous la connaissions jusque-là, doit encore être définie par des circuits de silicium, ou l’avenir doit-il appartenir à des machines vivantes ? Ces dispositifs se distinguent par leur capacité à s’adapter et à apprendre avec moins de données. Selon le directeur scientifique de Cortical Labs, Brett Kagan, "nos systèmes neuronaux nécessitent un minimum d’énergie et de données d’entraînement pour maîtriser des tâches complexes". Une avancée qui semble surpasser les modèles classiques comme ChatGPT.

Sauf que, comme le souligne Claude Touzet, expert en intelligence artificielle, il y a un problème fondamental attaché à ces systèmes : leur lenteur. "Les neurones fatiguent et ne supportent ni le chaud ni le froid", déclare-t-il dans un entretien accordé à L'Express. Selon lui, ces organoïdes ne peuvent rivaliser avec l'efficacité des systèmes électroniques.

Par ailleurs, à l'heure où l’on parle de plus en plus de "conscience artificielle", certains chercheurs mettent en garde contre l'apparition potentielle d’une forme de conscience dans ces intelligences biologiques. Ces craintes sont encore balbutiantes, comme le rappelle la chercheuse Silvia Velasco du Murdoch Children's Research Institute, mais elles méritent d'être entendues, puisque les frontières entre biologie et machine deviennent de plus en plus floues.

Finalement, après des décennies à vouloir rendre les machines plus humaines, on redécouvre à la fois les limites du vivant, et celles de la technologie. À 35 000 dollars l’unité, on est en droit de se demander si, au fond, la vraie révolution ne serait pas d’utiliser... notre propre cerveau.

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