Soignants suspendus : un an de suspension sans salaire depuis le 15 septembre 2021

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FranceSoir
Publié le 15 septembre 2022 - 18:50
Mis à jour le 16 septembre 2022 - 14:39
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Soignants suspendus.
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Les essentiels / Jean-Louis Blondeau
Jean-Louis Blondeau a photographié des soignants suspendus dans toute la France depuis leur suspension.
Les essentiels / Jean-Louis Blondeau

Mercredi 15 septembre 2021, suite à leur refus de recevoir le vaccin contre le Covid-19, des professionnels de santé - médecins, infirmière, aides-soignants - mais aussi des pompiers et autres personnels des hôpitaux, ont été interdits d'exercice. Un an après leur suspension, jour pour jour, nous avons contacté par téléphone plusieurs de ces soignants suspendus afin de se renseigner sur la manière dont ils vivent, voire survivent, depuis leur mise au ban des établissements de santé.

Pour Julien, aide-soignant, cette interdiction d'exercer du jour au lendemain, fut un « choc ». Celui-ci nous confie avoir le sentiment de « ne servir désormais plus à rien ». Tout juste titulaire du diplôme d'aide-soignant, il se faisait pourtant une joie « d’aider dans ce milieu où il y a beaucoup de souffrance ».

Quelles solutions les soignants ont-ils trouvées après leur suspension ?

Comme Julien, cette suspension a contraint beaucoup d'entre eux à identifier d'autres moyens de subsistance hors du monde médical : « J’essaie de trouver des boulots par-ci, par là, dans l’intérim. Si l'on ne veut pas finir à la rue et mourir, faut bien qu’on trouve le moyen de s’en sortir ».

Dr Devilleger, cardiologue également joint par téléphone, est actuellement en mesure de « vivre sur [ses] économies ». Mais cette solution, « ça tient un temps », nous explique-t-il : « Je me suis permis de faire des choix qu’on peut faire quand on a des réserves financières, je n’en ai pas non plus pour dix ans. »

Béatrice, travailleuse sociale auprès de personnes en situation de handicap, a eu la « chance » de pouvoir signer une rupture à l’amiable avec le directeur de son établissement médico-social, ce qui lui permet aujourd’hui de percevoir des allocations et de s’orienter vers des projets professionnels qui lui conviennent : « J'ai eu une période semblable à une période de dépression et j’ai pu m’en sortir. Aujourd’hui, j’ai adopté le statut d’auto-entrepreneur et j’ai repris des cours, des formations. Je me suis réorienté dans des métiers qui ont du sens pour moi. Mais, les quatre mois sans salaires ont été une période très difficile. »

Si son « instinct » lui disait de ne pas obéir à cette obligation vaccinale, c’est aussi parce qu’elle avait une contre-indication pour la plupart des vaccins, suite à des effets indésirables contractés après une injection vaccinale contre l’hépatite B. Pourtant, cette contre-indication n’a pas été reconnue dans le cadre de l’obligation vaccinale contre le Covid-19, quand bien même « trois médecins et un endocrinologue » l’ont « mis en garde » : « J’avais mal réagi au vaccin contre l’hépatite B et ils étaient inquiets pour moi ». En vertu de cette "loi Covid", les contre-indications ne s’appliquent que dans les cas où l’on a contracté des effets indésirables après une injection des thérapies géniques anti-Covid-19...

Stéphanie, infirmière avec qui nous avions échangé dans le cadre de précédents entretiens, nous rapporte que des consœurs suspendues travaillent dans une usine alimentaire, n'ayant pu trouver une autre réorientation professionnelle.

En Guadeloupe, Soumia Saya, infirmière libérale et responsable d’un collectif d’infirmiers libéraux, explique qu'une « grande œuvre de solidarité » s'est organisée dans sa région : « On a mis en place beaucoup de soutiens, même des aides pour aider les soignants : l’antenne de Guadeloupe du collectif Reinfo Covid a fait des appels aux dons qui ont été redistribués aux soignants. Chez nous, les professionnels de santé suspendus sont portés par la population. »

Soignant.

Photo : Lesessentiels.org
Dans cette région d’outre-mer, les associations ont également organisé des séances de bien-être, de massage ainsi que des thérapies où les soignants peuvent verbaliser leur souffrance : « Les soignant tiennent bon, même si la situation est mal vécue », explique Soumia.

Un soignant intialement suspendu nous rapporte s'être finalement résolu à se vacciner par besoin de subvenir aux impératifs financiers de sa famille, vivant seul avec deux enfants à charge. À son retour à l’hôpital, il nous confie avoir subi des discriminations de la part de ses collègues, les mêmes qui, suite à des effets secondaires apparus quelques temps après leurs injections contre le Covid-19, viendront… lui demander des conseils médicaux.

En métropole, Fabien Moine, réalisateur du film documentaire « Suspendus : des soignants entre deux mondes » a également observé cet élan de mobilisation au fil des entretiens qu’il a menés : « On a organisé des projections-débats. Et ce qu’il ressort des débats pour ces soignants, c’est la sidération et la violence dans laquelle ont vécu et vivent encore les soignants. Ils se rendent bien compte que c’est un malaise plus profond au niveau de la société, que leur propre condition. Et, il y a une envie de résister évidemment, mais aussi de se mobiliser pour proposer un autre système de santé et une autre forme de vivre-ensemble. »

Au fil des discussions, l’incohérence entre la dureté des politiques sanitaires adoptée par le gouvernement et la réalité du terrain vécue par les soignants, est régulièrement soulignée par nos différents interlocuteurs. Le Dr Devilleger, cardiologue, soutient « que ce n’est pas un monde entre ce qu’on nous raconte et ce qu’il s’est passé sur le terrain, c’est un univers. » Et d’ajouter : « Prendre un traitement expérimental, je serais prêt à le faire pour une maladie très grave, mais là ce n’est pas le cas. 

Voir aussi : "Accueilli en héros, le Pr Perronne convoqué devant le Conseil de l’Ordre des médecins".

Si quelques soignants ont été réintégrés, ils restent toujours, pour la quasi-totalité d’entre eux, suspendus. Certains soignants ont pu bénéficier d’une infection au Covid-19 qui leur a permis de retourner travailler grâce au certificat de rétablissement, et ainsi retrouver quelque mois de salaires. Julien, aide-soignant, a ainsi pu se rendre à nouveau sur son lieu de travail pendant quatre mois à l’hiver dernier. Il souhaite aujourd'hui retravailler, mais trouve aberrant qu'il faille tomber malade pour pouvoir continuer à « prendre soin des autres ».

Pour d’autres, la rupture avec le système actuel est consommée. Aussi, après ce chantage, le Dr Devilleger souhaite continuer à faire de la résistance contre ce « système pervers » plutôt que retourner travailler à condition de se soumettre à des tests PCR régulier.

Les oubliés

Un an après la suspension des soignants non-vaccinés contre le Covid-19, de nombreux Français n’ont pas conscience de leurs conditions de vie, certains pensant qu’ils ont été réintégrés suite l’abolition du passe sanitaire. Une ignorance qui s’explique par le silence des grands médias à ce sujet.

François, aide-soignant non suspendu, apporte son soutien à ces professionnels de santé : « C’est une honte que du personnel soignant soit traité de cette manière, au vu de ce qu’ils ont subi lors de l’année du Covid et avant, avec toute leur dévotion. Ils sont récompensés par une suspension. C’est comme ça que l'on remercie les gens ?

On est tous agents de la fonction publique, on voit qu’avec la meilleure volonté, on laisse des gens sur le carreau. Ça desserre tout ce qu’on fait. Chez nous le manque de ressource humaine est là. On a énormément de monde qui a démissionné depuis l’épisode Covid, par rapport à la manière dont nous avons été traités. Certains ont dû attendre qu’on sorte du plan blanc pour pouvoir démissionner, on ne peut pas démissionner pendant que nous sommes en plan blanc (en pleine épidémie). »

Dans leur témoignage, ces soignants confient se sentir oubliés par la population. Espérant encore se faire entendre, ils sont, pour beaucoup d’entre eux, toujours présents lors des manifestations organisées les weekends dans toute la France.

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