L'Europe peut-elle redevenir sauvage ?

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Axel Messaire, pour France-Soir
Publié le 03 septembre 2024 - 20:15
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L'abattage de 40 loups pour limiter les dégâts sur les troupeaux a été autorisé entre le 1er juillet
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© RAYMOND ROIG / AFP/Archives
© RAYMOND ROIG / AFP/Archives

Dès 1960, mais surtout depuis les années 2000, le Vieux Continent se met çà et là au « réensauvagement » de ses territoires. L’idée est simple : restaurer les écosystèmes en leur permettant de retrouver leur état naturel, souvent en réintroduisant des espèces animales (ou végétales) clés et en laissant les processus naturels se dérouler sans intervention humaine. Bien que cela crée parfois quelques controverses, plusieurs exemples montrent que ça fonctionne.

C’est une réponse audacieuse aux crises écologiques contemporaines, causées ou aggravées par la propension de l’Homme à tout vouloir remodeler, adapter, améliorer. En réintroduisant des espèces disparues ou en permettant à la nature de s'exprimer librement, le « réensauvagement » offre un éventail de bienfaits pour l'environnement, allant de la restauration des habitats à la lutte contre le dérèglement climatique, en passant par la sauvegarde de la biodiversité. Contrairement aux approches traditionnelles de conservation qui tentent de préserver les écosystèmes dans un état figé, ce procédé encourage les dynamiques naturelles et les processus écologiques. Quelques exemples.

La faune et la flore

L'un des projets les plus emblématiques est celui des Highlands en Écosse. Comme le rapportait GEO en 2021, l'association Trees for Life, en collaboration avec Rewilding Europe, s’était évertuée à réhabiliter une zone de plus de 200 000 hectares. Dans ce cas précis, il n’était pas question de réinsérer aucun animal, mais « de planter des arbres, d'améliorer les corridors fluviaux, de restaurer les tourbières et de mettre en place des pratiques agricoles respectueuses de la nature. » Cette initiative, en impliquant les acteurs locaux, a non seulement permis de revitaliser des écosystèmes dégradés, mais aussi de redynamiser la région grâce à l'éco-tourisme.

En Roumanie, le projet de réensauvagement des Carpates a permis de sauver le bison d'Europe, qui a manqué de peu l’extinction à la fin du 20e siècle.

En 2020, 90 % des vautours noirs d’Europe logeaient en Espagne, où plusieurs programmes de réintroduction avaient lieu. Depuis, les oiseaux qui y sont nés ont pu s’envoler vers d’autres pays, comme la France. La région des Grands Causses et les Pyrénées en ont profité.

Depuis 2002, les castors sont réintroduits en Angleterre, où ils sont considérés comme de véritables ingénieurs écologiques. Comme l’explique GEO, « leurs barrages modifient le lit des rivières, créent des méandres et favorisent des lieux de vie d’autres espèces : amphibiens, poissons, chauves-souris… ».  

Idem pour la vallée de Côa, au Portugal, dans laquelle Rewilding Europe a « aménagé un corridor 120 000 hectares permettant à la faune sauvage (dont le lynx et le loup ibérique) de circuler entre la vallée du Douro et la réserve naturelle de la Serra da Malcata. »

Les chevaux de Przewalski en Lozère

The Conversation s’est penché sur l’exemple des chevaux de Przewalski dans un article publié le 28 août dernier. Les auteurs expliquent que cette sous-espèce de chevaux, originaire d’Asie centrale, a failli s’éteindre complètement dans les années 60, à cause « de la compétition avec les animaux domestiques comme de la chasse ».

Quelques individus ayant survécu ont été retrouvés en Mongolie, et quelques-uns d’entre eux se sont retrouvés… en Lozère. « Depuis 1993-1994, une petite population a ainsi été introduite en semi-liberté sur le Causse Méjean au sein du Parc National des Cévennes dans le sud du Massif central. », écrit l’auteur. Et d’ajouter qu’ils sont aujourd’hui entre 30 et 40 à brouter l’herbe des 400 hectares qu’ils ont à disposition.
Ils s’y sont si bien sentis qu’ils ont pu retrouver petit à petit leurs habitudes de vie, que ce soit au niveau de l’alimentation ou de l’adaptation à l’environnement. Entre 2004 et 2005, certains d’entre eux ont été renvoyés en Mongolie, dans leur habitat naturel, où la population de chevaux de Przewalski est ainsi passée de 22 à 140.

Non seulement cette sous-espèce a été sauvée, mais sa présence en Lozère a aussi servi le territoire. En 2022, une équipe de scientifiques s’est rendue sur les lieux pour réaliser différentes mesures au niveau de la végétation, observant ainsi une différence nette entre les endroits colonisés par les brebis d’élevage, et ceux foulés par les chevaux sauvages. « La végétation est plus hétérogène et présente une plus grande fréquence d’espèces à fleurs dans les zones pâturées par les chevaux de Przewalski au détriment des herbes (graminées) qui dominent plutôt dans les espaces parcourus par les brebis. », résument les auteurs de The Conversation. Pourquoi ? D’après les scientifiques, cela s’expliquerait notamment par « la libre expression des interactions sociales » chez les chevaux sauvages, mais aussi par le fait qu’ils ne sont pas traités contre les parasites intestinaux, comme le sont la majorité des chevaux domestiques, ou les brebis.

Finalement, en retrouvant leur comportement d’origine – donc sans intervention de l’Homme –, ils maintiennent par leur présence la biodiversité du territoire qu’ils foulent, sans pour autant exclure les pratiques d’élevages déjà existantes. C’est tout de suite plus compliqué quand on parle de réintroduire des grands prédateurs tels que les loups. Pourtant, ils ont aussi leur rôle à jouer.

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