Ultimes votes au Parlement pour un statut unique des travailleurs indépendants
Dissociation des patrimoines personnel et professionnel, assouplissement du dispositif d'assurance chômage... le Sénat à majorité de droite a voté une dernière fois mardi un projet de loi visant à "mieux protéger" les quelque trois millions de travailleurs indépendants et "faciliter leur vie", avant son adoption définitive prévue le même jour à l'Assemblée nationale.
Le texte de compromis, auquel ont abouti députés et sénateurs en commission mixte paritaire, a été adopté par le Sénat à l'unanimité des suffrages exprimés. La gauche s'est abstenue, le jugeant "insuffisant".
Le projet de loi crée un statut unique pour les indépendants - artisans, commerçants, professionnels libéraux...- qui opère une distinction entre leur patrimoine professionnel et leur patrimoine personnel. Les biens personnels seront désormais par défaut insaisissables en cas de faillite, alors qu'aujourd'hui seule la résidence principale est protégée.
Cette mesure, qui déroge au principe juridique de l'unicité des patrimoines, était une demande de longue date de ces travailleurs, dont l'activité fait par nature face à des risques importants, mis brutalement en lumière par la crise sanitaire du Covid-19. Elle entrera en vigueur trois mois après la promulgation de la loi.
"Il ne faut pas néanmoins en attendre des miracles, car les créanciers les plus importants, notamment les banques, continueront d'exiger des sûretés spéciales sur certains biens de l'entrepreneur, y compris ses biens personnels", a mis en garde le rapporteur du texte au Sénat Christophe-André Frassa (LR).
"Nous attendrons des établissements bancaires de prendre toute responsabilité dans la mise en oeuvre de cette réforme, nous allons être très vigilants (...)", a promis le ministre des Petites et moyennes entreprises Jean-Baptiste Lemoyne.
L'attitude des banques est aussi "un point de vigilance" pointé par le secrétaire général du Syndicat des Indépendants (SDI), Marc Sanchez, qui a salué dans le projet de loi "un saut décisif pour l'amélioration du statut des entrepreneurs individuels ainsi que de leurs situations sociale et fiscale".
Le projet de loi constitue "la pierre angulaire" du plan en faveur des travailleurs indépendants annoncé par le président Emmanuel Macron le 16 septembre, selon le ministre. Il s'articule avec un volet budgétaire voté en fin d'année, pour faciliter les cessions d'entreprises, trop peu nombreuses en France lors du départ à la retraite d'un entrepreneur, grâce à des exonérations de taxation de la plus-value.
- Chômage mieux indemnisé -
Autre mesure phare du texte: les conditions d'accès à l'allocation des travailleurs indépendants (ATI), jugées trop contraignantes, sont élargies à toute cessation totale et définitive d'activité qui n'est pas économiquement viable. "Pour estimer si l'activité n'est pas viable, on va regarder s'il a une baisse de son revenu d'au moins 30%", a précisé M. Lemoyne.
Contrairement aux salariés, les indépendants ne peuvent en effet pas toucher le chômage. Depuis 2019, ils peuvent bénéficier de l'ATI, d'un montant forfaitaire de 800 euros par mois pendant une période maximale de six mois, mais seulement en cas de liquidation ou de redressement.
La réforme prévoit par ailleurs de doubler le crédit d'impôt pour la formation des dirigeants d'entreprises de moins de dix salariés et vise à réduire de 30% le tarif de l'assurance facultative AT/MP (accidents du travail/maladies professionnelles).
Selon une étude qui vient d'être publiée par l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie), réalisée à l'automne par OpinionWay auprès de 1.149 entrepreneurs indépendants, 93% d'entre eux estiment "urgent" de faire converger leurs droits sociaux vers ceux des salariés. Environ 59% veulent prioritairement des droits au chômage et 49% souhaitent avant tout une meilleure couverture des risques professionnels.
Fin janvier, le gouvernement a annoncé des aides financières supplémentaires pour certaines catégories d'indépendants touchés par la crise sanitaire.
Le projet de loi avait été initialement porté par Alain Griset. M. Griset, qui avant de devenir ministre avait exercé pendant plus de 30 ans la profession de chauffeur de taxi, répondra le 25 mai devant le tribunal correctionnel de Lille d'"abus de confiance" au dépens de la Confédération nationale de l'artisanat des métiers et des services (Cnams) du Nord.
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