Aura Retail, ou comment piétiner la souveraineté alimentaire française ?

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Axel Messaire, pour France-Soir
Publié le 02 octobre 2024 - 15:00
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Des personnes en train de faire des courses.
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©Denis Charlet/AFP
©Denis Charlet/AFP

Le 23 septembre dernier, Intermarché, Auchan et Casino (qui englobe Monoprix et Franprix), se sont alliés pour former "Aura Retail". Une mutualisation des achats sur dix ans, qui a officiellement pour objectif de "développer des partenariats avec le monde agricole et les acteurs industriels français sur le long terme", et qui officieusement risque de réduire à néant la souveraineté alimentaire française en visant les prix bas et les grosses marges.

L'inflation grandissante que nous avons connue ces dernières années a créé une perte de vitesse qui inquiète les géants de la distribution. Alors que Leclerc grignote depuis 2023 des parts de marché sur ses concurrents, atteignant selon les prévisions du magazine LSA 24,6% de parts de marché sur l’année 2024, trois grands distributeurs alimentaires ont fait sortir de terre "Aura Retail" pour répliquer. Concrètement, l'idée est simple : se réfugier à l'étranger pour éviter d'être contraint par les lois françaises, acheter une quantité de produits à bas prix auprès d'importants fournisseurs industriels étrangers, et revendre tout ça en France, avec de belles marges. Ce faisant, les consommateurs français devraient être contents parce que les prix vont baisser, et les grands groupes de distribution s'en mettront quand même plein les poches.

Alors, que demande le peuple ? La réponse, elle aussi, est simple : le respect de ses agriculteurs et la sauvegarde de sa souveraineté alimentaire.

Une telle union soulève forcément des questions d’éthique et de qualité des produits sélectionnés, parce qu'Aura Retail agira telle une essoreuse venue tirer les prix au plus bas. Alors même que les crises agricoles ne cessent de s’enchaîner et que les négociations allaient grand train dernièrement, ce nouveau groupe signe l’arrivée de l’artillerie lourde et entend mettre fin aux discussions.

Dans les faits, "trois centrales d’achats" vont être destinées aux denrées alimentaires, déléguées à Intermarché. Alors que cette branche « Aura Retail International Food Services » sera basée à Bruxelles, dans l’objectif de négocier "auprès des plus grands groupes industriels multinationaux des prestations de services internationaux", la branche "Aura Retail International Non-Food Services", destinée à la vente de services aux industriels non-alimentaires, viendra quant à elle se localiser au Luxembourg et sera gérée par Auchan. Alors, même si le groupe se pare de belles intentions et assure vouloir s'engager auprès des agriculteurs comme des consommateurs, le message est clair : tout sauf la France.

Comme le rapporte l'AFP, l'Association nationale des industries alimentaires (Ania) a réagi vertement, par la voix de son président Jean-François Loiseau : "Alors que la principale préoccupation collective devrait être de renforcer notre souveraineté alimentaire en permettant la construction du prix (...) tout au long de la filière alimentaire, les distributeurs ont pour seul objectif le prix le plus bas pour grappiller quelques points de parts de marché à leurs concurrents". Et de mettre en garde : "Si nous ne rectifions pas le tir rapidement, le problème des centrales d'achat internationales, qui organisent le contournement de la loi française, ne concernera plus uniquement les grandes entreprises mais s'étendra d'ici peu aux ETI et aux PME".

Cette pratique de centralisation des achats, qui existe en France depuis 2014, avait jusqu’alors tendance à ne perdurer que sur quatre années. La durée de cette nouvelle alliance, en plus du nombre d’enseignes invoquées, relève de l’inédit. D'autant qu'un communiqué publié par les entreprises Auchan et Intermarché a permis de préciser que cette alliance alimentaire française allait rejoindre la centrale européenne Everest. Cette dernière est à l’initiative du groupe allemand Edeka et du néerlandais Picnic, tout en étant localisée aux Pays-Bas. Mais ce n'est pas tout, puisque la centrale Epic est aussi dans la confidence. Pour Challenges, il s’agit d’un « moyen d’assumer la guerre des prix impitoyable qui s’annonce ». Pour l'Ania, c'est un contournement pur et simple des lois EGAlim françaises, censées "améliorer l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire".

Face à de tels moyens, seuls les plus gros fournisseurs pourront assumer la charge de travail. Nous risquons donc de voir, encore et toujours, les plus petites coopératives agricoles se réduire comme peau de chagrin face aux mastodontes de l'économie et l'appel des sirènes étrangères.

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