Devant le Parlement européen à Strasbourg, l’oral de Viktor Orban tourne au règlement de comptes dans un débat houleux avec Ursula von der Leyen et les eurodéputés

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France-Soir
Publié le 10 octobre 2024 - 09:29
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Florin / AFP
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Viktor Orban en terrain hostile ce mercredi 09 octobre 2024 au Parlement européen, à Strasbourg. Pour son oral devant des eurodéputés en majorité opposés à sa venue et sa prise de parole, il a présenté le programme de la présidence hongroise de l’UE tout en saisissant l’occasion pour critiquer les politiques en vigueur, particulièrement en matière de migration et de conflit en Ukraine. La séance a été marquée par un échange très tendu avec la cheffe de la Commission européenne (CE), Ursula von der Leyen, qui reproche encore au Premier ministre hongrois sa visite à Moscou en juillet dernier.   

La Hongrie a pris en juillet dernier la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne pour une durée de 6 mois. Cette présidence, qui entame son quatrième mois, intervient sur fond de dégradation continue des relations entre Budapest et Bruxelles, en raison de nombreux désaccords. Sur l’immigration, déjà, et sur l’Ukraine, le soutien militaro-financier des 26 à son égard ou encore l’adhésion de Kiev à l’UE.  

Le PM hongrois en remet une couche sur l’immigration 

Immédiatement après le début du mandat hongrois, le Premier ministre magyar avait entrepris un voyage à Moscou, où il avait rencontré Vladimir Poutine dans le cadre d’une “mission de paix”. Il s’était également déplacé aux États-Unis pour y rencontrer Donald Trump, juste après le sommet de l’OTAN à Washington. Un retour de l’ancien président américain à la Maison Blanche en cas de victoire en novembre face à Kamala Harris pourrait “résoudre le problème” de guerre en Ukraine, avait-il même estimé. 

Le déplacement de Viktor Orban avait suscité l’ire des 26 de l'UE, notamment de la part de Josep Borrell qui souligne alors l'absence de mandat, puis d'Ursula von der qui met en garde contre les “dangers de l'apaisement”.  Autant de sujets de divergence qui ont été évoqués ce mercredi au Parlement européen à Strasbourg, dans une ambiance électrique. Le Premier ministre hongrois devait y présenter le programme de la présidence de l’UE par son pays mais sa présence s’est transformée en un débat très musclé entre les eurodéputés, Ursula von der Leyen et lui-même.  

Fin septembre, Budapest avait déjà dévoilé les priorités de sa présidence semestrielle. L’immigration figurait parmi les principales thématiques, à l’opposé du conflit ukrainien, résumé à un sous-chapitre. La veille de son grand oral, Orban déclarait à la presse que l’UE devait changer de politique sur ces deux questions, tout en exprimant son souhait de voir Donald Trump remporter les élections américaines. Son appel à l’UE via la presse, il la réitérera devant les eurodéputés ce mercredi.  

“Plusieurs d'entre vous s'insurgent contre ce que je dis. Mais les faits parlent d'eux-mêmes. En Europe, l'immigration clandestine augmente, de même l'antisémitisme, les violences ignobles contre les femmes, l'homophobie”, a-t-il déclaré devant des députés, qui ont entonné le chant “Bella Ciao” et brandi des pancartes "pas d'argent pour la corruption", en référence à des fonds européens destinés à la Hongrie et gelés pour des raisons d'État de droit. 

Farouche opposant depuis de nombreuses années à la politique européenne sur la migration, le gouvernement Orban a haussé le ton depuis l’adoption, en mai, du Pacte européen sur la migration et l’asile, malgré le “non” de Budapest. “Le résultat de cette politique migratoire infructueuse est clair. L'immigration clandestine et les craintes pour la sécurité ont conduit à la réinstallation des contrôles aux frontières”, a-t-il déclaré, en référence à la décision de Berlin. “Je pense qu'il est temps de traiter cette question au plus haut niveau politique et de voir si nous pouvons rétablir le bon fonctionnement de l'espace Schengen ou la volonté politique d'en assurer le bon fonctionnement”, prône Viktor Orban. 

Ursula von der Leyen et Orban à couteaux tirés 

Lors de sa prise de parole, la présidente de la CE, Ursula von der Leyen, a remis sur la table le voyage du PM hongrois à Moscou, tout en répondant à ses appels de privilégier la voie diplomatique. “Il n'y a qu'une voie pour arriver à une paix juste pour l'Ukraine et pour l'Europe : nous devons continuer à renforcer la résistance de l'Ukraine avec un soutien politique, financier et militaire”, a-t-elle martelé. Manfred Weber, chef du groupe de droite (PEE), a ouvertement critiqué le déplacement d’Orban. “Votre voyage à Moscou 'n'a jamais été une mission de paix. C'était un grand spectacle de propagande pour les autocrates”, a-t-il lancé.  

A propos de la guerre en Ukraine, Ursula von der Leyen a reproché au gouvernement Orban sans le nommer de “rejeter encore la responsabilité de ce conflit non pas sur l’envahisseur, mais sur le peuple envahi. Est-ce qu’ils reprocheraient aux Hongrois l’invasion soviétique de 1956 ? Reprocheraient-ils aux Tchèques et aux Slovaques la répression soviétique de 1968 ? Reprocheraient-ils aux Lituaniens la répression soviétique de 1991 ?”, s’est-elle interrogée. Des comparaisons rejetées par Orban et qualifiée “d’erreur totale”.  

L’Allemande a aussi fustigé la proximité de Budapest et de Moscou. “Au lieu de diversifier ses sources d’énergie comme convenu à Versailles, la Hongrie a cherché d’autres moyens d’acheter des combustibles fossiles à la Russie”, a-t-elle ajouté. A propos de l’immigration, elle est revenue à la charge en critiquant la rhétorique hongroise. “Vous avez déclaré que la Hongrie ‘protégeait ses frontières’ et qu’en Hongrie, ‘on enfermait les criminels’ (...) mais l’an dernier, les autorités de votre pays ont libéré de prison des passeurs et des trafiquants avant qu’ils n’aient terminé de purger leur peine”, a-t-elle martelé. “Ceci n’est pas protéger notre Union, c’est se défausser d’un problème sur son voisin”.  

Le chef du gouvernement magyar a répliqué au tac au tac, dénonçant une “intifada politique”. “Vous souhaitez nous faire des leçons de démocratie alors que vous excluez les Patriotes des postes clés”, a-t-il répliqué, dénonçant le cordon sanitaire opposé au groupe des Patriotes pour l'Europe où siègent notamment les eurodéputés du Fidesz hongrois et du Rassemblement national français.  

A propos des échanges énergétiques avec la Russie, il a rappelé qu’en “2023, les pays occidentaux ont acheté 44 % de plus de pétrole brut à la Russie qu’avant. Les recettes fiscales de ces entreprises sont allées dans les caisses russes. Et ensuite, vous nous accusez d’amitié avec la Russie”.  

Les remarques d’Ursula von der Leyen n’étant pas du goût de Viktor Orban, il a rappelé l’obligation de neutralité de la Commission.” Je suis venu ici pour présenter le programme de la présidence hongroise (...) mais vous avez décidé d’en faire un affrontement entre partis politiques ”, finira-t-il par déplorer. 

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