A peine nommés, les ministres de l'Intérieur et de la Justice engagent un bras de fer

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AFP
Publié le 24 septembre 2024 - 16:57
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Poujoulat / AFP
Didier Migaud, ministre de la justice
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Dès leur entrée en fonctions, un bras de fer s'est engagé entre le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, partisan d'un changement de la politique pénale pour plus de fermeté, et le garde des Sceaux Didier Migaud, qui a rappelé que la justice était "indépendante". 

Les échanges, très policés, se sont faits par médias interposés : lundi soir, n'hésitant pas à empiéter sur les plates-bandes de son collègue au gouvernement, M. Retailleau a appelé, sur TF1, à revoir "un certain nombre de cadres pour changer une politique pénale qui (...) a laissé s'installer (un) droit à l'inexécution des peines". 

"Il faut qu'il y ait des peines prononcées, que les peines prononcées soient des peines aussi exécutées. Il faut construire des prisons. Ce n'est pas mon domaine mais j'en parlerai très librement avec Didier Migaud", a développé ce tenant d'une droite dure. 

"Il doit savoir que la justice est indépendante dans notre pays, et que c'est quelque chose qui est essentiel dans une démocratie", déclarait quasiment au même moment, sur France 2, M. Migaud. 

"Il faut redonner confiance, justement, aux citoyens dans leurs institutions, dans la justice aussi parce qu'il y a le sentiment parfois que la justice est lente ou ne condamne pas suffisamment, (mais) ça n'est pas toujours exact", a observé l'ancien député socialiste, se disant "prêt" à avoir "un certain nombre d'échanges avec Bruno Retailleau". 

Ce à quoi le nouvel occupant de la place Beauvau a rétorqué mardi matin dans un duel toujours à distance : "L'indépendance des juges, oui, mais il y a la souveraineté du Parlement et du peuple français à travers les lois que le Parlement peut voter". 

"Ce n'est pas le problème des magistrats en tant que tel, c'est pas le problème du garde des Sceaux en tant que tel, c'est le problème des textes qu'il faut changer", a-t-il estimé. 

- "Discours ultra-sécuritaire" - 

Il a toutefois assuré à la presse, dans les couloirs du Sénat, qu'il veillerait "à avoir de bonnes relations" avec le garde des Sceaux, se disant "très attaché" au principe de la séparation des pouvoirs. 

Lors de son premier déplacement comme ministre à la prison de la Santé à Paris, M. Migaud a assuré qu'il défendrait "ses convictions" et dit faire confiance au Premier ministre Michel Barnier "pour de bons arbitrages". 

"A peine arrivé au ministère de l'Intérieur, M. Retailleau se lance dans un discours ultra-sécuritaire qui n'est pas respectueux des règles de l'état de droit", fustige Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche), qui trouve "rassurant d'entendre le garde des Sceaux mettre des limites et rappeler les compétences de chacun". 

Le nouveau ministre de l'Intérieur "professe des contre-vérités sur la justice pour asseoir des propos sécuritaires", estime par ailleurs la magistrate, soulignant que les statistiques officielles ne montraient pas de hausse de la délinquance. 

Elle cite également l'appel par Bruno Retailleau à s'inspirer des Pays-Bas "qui ont fait le choix de courtes peines d'incarcération, dès les premiers délits". A la différence de la France où la surpopulation carcérale est telle que plus de 3.400 détenus sont contraints de dormir sur un matelas posé à même le sol, les prisons néerlandaises "accueillent les gens dignement", rétorque Kim Reuflet. 

Volonté d'Emmanuel Macron, une loi réformant l'échelle des peines était entrée en vigueur en mars 2020 : elle proscrit, théoriquement, les très courtes peines d'emprisonnement et prévoit des alternatives à l'incarcération pour celles de moins de six mois. 

"On est dans un positionnement de chacun, c'est bien normal dans un gouvernement de coalition", estime pour sa part Ludovic Friat, président de l'Union syndicale des magistrats. 

Dans ce contexte, M. Retailleau "décline le programme politique qui était le sien" mais "on verra ce que le gouvernement portera comme projet de loi et on verra ce que l'Assemblée votera". 

Et "si jamais on part sur une politique davantage répressive, il faudra que la justice ait les moyens", observe-t-il. 

Or, selon les lettres-plafonds envoyées en août aux ministères détaillant la répartition des budgets, celui de la justice serait raboté de 500 millions d'euros. 

 

 

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