Emmanuel Macron caresse l'idée d'un septennat... "Réflexion libre" ou vrai danger ?

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FranceSoir
Publié le 20 avril 2022 - 12:21
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Emmanuel Macron, en meeting à Strasbourg le 12 avril 2022
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F. Froger / Z9, pour FranceSoir
Emmanuel Macron, à Strasbourg le 12 avril 2022.
F. Froger / Z9, pour FranceSoir

Emmanuel Macron a-t-il lu l'édition spéciale "papier" de France Soir, parue le 1er avril dernier ? On pouvait y lire : "S’il était réélu, ­Emmanuel Macron serait le premier président de la Vème ­République empêché par la Constitution de briguer un nouveau mandat. À moins de la changer, comme… ­Vladimir Poutine l’a fait en 2008 puis en 2020." Une dizaine de jours plus tard, son évocation répétée d'une préférence personnelle pour le septennat a jeté le trouble.

Il y a plus de 20 ans, le mandat présidentiel était ramené de sept à cinq ans : en septembre 2000, un référendum consacrait ce changement des institutions de la Vème République, à une très large majorité (73,2 % des suffrages exprimés), malgré une abstention massive (69,8 % des inscrits) et un nombre important de bulletins blancs ou nuls (16,1 % des votants). Un bouleversement majeur, largement décrié depuis, puisque l'inversion et l'alignement du calendrier électoral (les élections législatives venant entériner l'élection présidentielle) posent des problèmes d'équilibre des pouvoirs, notamment par la (con)fusion des fonctions de chef de l'État et de Premier ministre. Depuis 2008 et la réforme constitutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy et adoptée, non sans peine (une voix d'avance) par le Congrès, la Constitution prévoit une limitation à deux mandats présidentiels consécutifs, comme aux États-Unis. La situation ne s'est jamais présentée depuis, et Emmanuel Macron pourrait donc bien être "l'heureux (ré)élu" qui étrennerait cette configuration institutionnelle inédite. À moins que...

Cinq à sept

Dans un long entretien accordé au Point et paru le 12 avril, surlendemain du premier tour, le président de la République, candidat à sa réélection, livre ses "réflexions libres" sur une réforme constitutionnelle, affichant sa préférence pour un septennat présidentiel ponctué par des élections de mi-mandat.

Etienne Gernelle : Jean-François Revel dénonçait «  l'absolutisme inefficace  » français, avec un président aussi «  omnipotent  » qu'«  impotent  » et surtout «  irresponsable  »… Quelle est votre expérience de cela  ?
Emmanuel Macron : Comme souvent chez lui, il y a une part de très grande justesse mais aussi de l'excès. D'abord, le président de la République est responsable devant le peuple  ! Les gens le choisissent directement. C'est quand même autre chose que d'être élu à la tête d'un parti. Je pense que c'est dans la psyché du pays et que de Gaulle avait raison. Je constate que les systèmes parlementaires ont moins bien marché chez nous. Il faut un exécutif fort, et un Parlement fort. En revanche, il faut sans doute un calendrier différent. Le fait de ne pas avoir de respiration démocratique pendant cinq ans n'est plus adapté à notre époque. Il faudrait peut-être avoir quelque chose qui ressemblerait à des élections de mi-mandat, comme aux États-Unis. Ce sont là mes réflexions libres, j'ai dit que je voulais mettre en place une commission transpartisane sur ce sujet. Je pense aussi que le quinquennat est sans doute trop court pour un temps présidentiel en France. Un septennat avec des midterms séparerait par exemple mieux l'exécutif gouvernemental de la part d'exécutif présidentiel. Cela dit, je ne crois pas du tout que la Ve République soit un mauvais régime, au contraire. La crise actuelle est surtout une crise d'efficacité. Dans le monde d'aujourd'hui, il faut pouvoir décider vite, fort et clair.

L'avocat Juan Branco, virulent opposant au macronisme, s'est aussitôt écrié que "L'objectif de cette proposition constitutionnelle est de contourner la limitation à deux mandats. C'est une technique commune aux autocrates, la modification de la durée du mandat permettant de "réinitialiser les compteurs". M. Macron veut s'installer dans le pouvoir."

Emmanuel Macron a réitéré sa position lors de son déplacement en Alsace le même jour : « Le septennat est un bon rythme, je pense que c’est une bonne respiration par rapport aux législatives et au temps dont a besoin l’action présidentielle.»

Invité de France 2 le lendemain matin, il a précisé que cet avis n'avait pas vocation à s'appliquer à son éventuel second mandat. "La Constitution a des règles claires : cinq ans et pas plus de deux mandats. Mais quand on parle de réforme institutionnelle, le septennat me paraissait une bonne option", a-t-il soutenu. "Mais il ne vaudra pas pour le mandat qui vient. C'est une évidence. On ne change pas les règles en cours de partie." 

Impossible n'est pas français ?

Emmanuel Macron manigancerait-il, derrière des positions purement personnelles et théoriques qui n'auraient pas vocation à s'appliquer à son propre cas, une entourloupe constitutionnelle lui permettant de prolonger son bail à l'Élysée ? Les gardiens assermentés de la vérité se sont empressés de contrecarrer les assertions de Juan Branco : ainsi, CheckNews (Libération) explique que la durée du mandat et son caractère renouvelable faisant l'objet de deux alinéas distincts de l'article 6 de la Constitution, toucher à l'un ne modifierait pas l'autre. Ainsi, même l'enchaînement d'un quinquennat et d'un septennat resterait limité par l'alinéa plafonnant le renouvellement à "deux mandats consécutifs".

En réalité, ce n'est pas si simple, comme l'explique le Figaro, à partir de l'hypothèse du "septennat unique", même s'il serait politiquement très compliqué d'obtenir l'indispensable accord du Sénat, une telle réforme étant soumise au vote du Congrès (qui réunit Assemblée nationale et Sénat), à la majorité des trois cinquièmes. Il existe aussi l'option du référendum, qui paraît également périlleuse - le dernier organisé en France avait vu le "non" à la Constitution européenne l'emporter nettement en 2005. Mais qui peut dire que ce qui paraît inenvisageable aujourd'hui le sera demain ?

Juan Branco n'a pas manqué de noter que si cette perspective était improbable aujourd'hui, elle n'était pas tout à fait impossible :

Marine Le Pen s'étend aussi

C'est sans doute l'un de leurs rares points d'accord : Marine Le Pen a dans le même temps exprimé sa préférence pour le septennat, expliquant vouloir "revivifier les institutions démocratiques du pays". Une position qui irait de pair avec d'autres réformes institutionnelles : institution du RIC (référendum d'initiative citoyenne), élection de deux tiers des députés au moins à la proportionnelle... 

Elle affirme souhaiter un septennat "non renouvelable", afin de "rendre à la fonction présidentielle son prestige et au président sa capacité d’une action longue, tout en le débarrassant d’une obligation de campagne électorale permanente".

"Je laisserai plutôt le peuple décider du caractère renouvelable ou non du septennat", a répliqué son adversaire du second tour, tandis que sa concurrente a ironisé sur cette sortie plutôt inattendue : "M. Macron va finir par voter pour moi" ! Les finalistes de l'élection présidentielle sont l'un et l'autre soupçonnés par leurs opposants d'intentions, plus ou moins avouées, de tordre les institutions à leur profit, en leur donnant une tournure moins démocratique. La question, loin des préoccupations premières des Français comme le pouvoir d'achat, sera-t-elle au menu du débat de ce soir ?

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