Le Conseil d’État annule la dissolution de Soulèvements de la Terre, engagée par Gérald Darmanin
FRANCE - Un camouflet politique pour Gérald Darmanin ? Le Conseil d’État a annoncé jeudi 9 novembre 2023 l’annulation du décret de dissolution du mouvement Soulèvements de la Terre (SLT), signé le 21 juin en réponse aux “actions violentes” de manifestations contre les méga-bassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) et suspendu quelques mois après en référé. La plus haute juridiction administrative reconnaît dans sa décision que des militants de SLT “se sont bien livrés à des provocations et des agissements violents à l’encontre du bien” mais estime que la dissolution ne constitue pas une “mesure adaptée”, ni “nécessaire” ni “proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public".
Les "réserves de substitution", communément appelées les "mégabassines", font l’objet de tensions entre les coopératives d’agriculteurs et les militants écologistes. Il s’agit d’ouvrages qui permettent de stocker de l’eau, prélevée depuis les nappes phréatiques ou dans des cours d’eau pendant l’hiver, dans un lac artificiel s’étendant sur plusieurs hectares. Depuis 2019, les opposants à ces projets comme Soulèvements de la Terre (SLT), qui dénoncent une démarche polluante, une “privatisation de l’eau par l’agro-industrie” et une "fragilisation des nappes phréatiques”, organisent des rassemblements dans le département des Deux-Sèvres, où se trouve la commune de Sainte-Soline.
La dissolution, pas une mesure “adaptée”
Ces mobilisations ont souvent été l'occasion d'affrontements durs entre les forces de l’ordre et les manifestants ont eu lieu. Le rassemblement du 25 mars 2023 dans cette commune rurale a été très violent, avec un bilan très lourd. Selon les organisateurs, 200 manifestants ont été blessés, dont 40 gravement, tandis que deux autres se sont retrouvés dans le coma.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dénonçait trois jours plus tard devant l’Assemblée nationale “l’extrême violence” du mouvement. Il a accusé les militants des SLT “d’envahissement d’entreprises”, de “destructions de biens”, “d’appels à l’insurrection” et surtout, “d’exactions fortes contre les forces de l’ordre”. Il a annoncé que son département allait “engager la dissolution” du “groupuscule” et que le décret allait être présenté lors du Conseil des ministres suivant.
Le mouvement a dénoncé "une tentative crapuleuse faire baisser l'attention sur les violences meurtrières que Darmanin a déchaînées contre les manifestants de Sainte-Soline" et une volonté "d'étouffer un mouvement politique fédérateur".
Le décret est signé le 21 juin.
Saisi fin juillet, le Conseil d’État a suspendu en août la dissolution des SLT. La décision est désormais définitive. La haute juridiction administrative française estime “qu’aucune provocation à la violence contre les personnes ne peut être imputée aux Soulèvements de la Terre”. Le Conseil d’État explique que le “relais, avec une certaine complaisance, d’images d’affrontements de manifestants avec les forces de l’ordre, notamment contre la construction de retenues d’eau à Sainte-Soline, ne constitue pas une revendication, une valorisation ou une justification de tels agissements”, justifie-t-on.
Certes, “les Soulèvements de la Terre se sont bien livrés à des provocations, à des agissements violents à l’encontre des biens, qui entrent dans le champ du 1° de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure”. Néanmoins, la dissolution de ce mouvement “ne constituait pas une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public au vu des effets réels qu’ont pu avoir leurs provocations à la violence contre des biens, à la date à laquelle a été pris le décret attaqué”.
Une “atteinte grave” à la liberté d’association
Autre critère, et pas des moindres : la liberté d’association, principe fondamental reconnu par les lois de la République. La plus haute juridiction administrative a rappelé qu’une mesure de dissolution “portrait une grave atteinte” à cette liberté. “Elle ne peut donc être mise en œuvre que pour éviter des troubles graves à l’ordre public”.
La décision du Conseil d’État concernait aussi trois autres organisations et confirmait la dissolution de la GALE (Groupe Antifasciste Lyon et Environs), d’Alvarium, groupe identitaire, et la Coordination contre le racisme et l’islamophobie, dont la dissolution a été confirmée pour avoir “appelé à la haine, à la violence et à la discrimination”.
⚖️ Soulèvements de la Terre, GALE, Alvarium, CRI : le Conseil d’État précise les critères justifiant la dissolution d’une association ou d’un groupement
— Conseil d'État (@Conseil_Etat) November 9, 2023
➡️ Lire les décisions : https://t.co/W50PoCd9xQ pic.twitter.com/1cN5sDgkcW
Les Soulèvements de la Terre ont d’abord réagi par un tweet moqueur à destination de Gérald Darmanin, avant de saluer une “victoire” pour eux, un “sérieux revers” pour le ministre de l’Intérieur. Le mouvement n'étant “pas dupe”, dénonce la dissolution des trois autres organisations, et a annoncé de nouvelles mobilisations l’été prochain.
La décision du Conseil d’État a également été saluée par la gauche de l’Assemblée, particulièrement par les écologistes.
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