Hold-up : oui mais lequel ?

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Xavier Azalbert - Directeur de la publication
Publié le 19 novembre 2020 - 15:44
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Sorti le 11 novembre, le documentaire Hold-up a fait la une de tous les médias. Décrié par l’ensemble de la profession, il est accusé d’avoir dépassé la “ligne rouge”, celle qui sépare la prétendue bien pensance du complotisme. Ce film honni a pourtant été téléchargé des millions de fois. Dans quel but ? Simple curiosité ? Adhésion pure et dure aux thèses développées ?  Il est peu vraisemblable qu’il n’y ait qu’une seule vérité. 

Aux origines de Hold-Up

Hold Up se présente sous la forme d’un documentaire.  Initialement, il avait vocation  à sortir en salle de cinéma au mois de septembre, avant que le second confinement ne vienne contrarier le plan de ses producteurs. Il a été largement financé par crowdfunding : plus de 5000 citoyens ont mis la main à la poche pour qu’il voit le jour, preuve que la crise sanitaire soulève de très nombreuses questions. 

Les intervenants

On peut reprocher beaucoup de choses à Hold-Up. Mais on ne peut pas s’attaquer au CV des individus que les producteurs Pierre Barnerias et Christophe Cossé, ont choisi d’interviewer.  Des médecins et soignants, des prix Nobel, des chercheurs, des politologues et personnalités politiques, des juristes, des sociologues, des citoyens.  Tous ont répondu - comme je l’ai fait moi-même en tant que directeur de la publication de France-Soir - à des questions relatives à la situation de crise. Tous ont partagé leur analyse en étayant leurs propos.

Pour les décrédibiliser, les nombreux détracteurs du film ont eu recours à la bonne vieille méthode des étiquettes. C’est pratique une étiquette, surtout lorsqu’elle touche à la dimension politique. Ces compétences figurant sur un CV doivent-elles définitivement s’effacer derrière la couleur du bulletin de vote que l’on glisse dans l’urne ? Faut-il impérativement être de gauche (autrement dit avoir “le génie moral, le génie de l’entraide” pour paraphraser Luchini), pour avoir le droit de s’exprimer publiquement ?

Les sujets abordés

Origine du virus,  gestion de la crise sanitaire, rôle des laboratoires pharmaceutiques, état de la recherche scientifique, dématérialisation de la  monnaie,....  Hold Up s’intéresse à des questions on ne peut plus banales. Des questions que tout le monde se pose.

Est-ce pour autant un “bon” film ?

Point de blanc-seing pour un Hold-Up !

Hold-Up est critiquable à bien des égards :

  • En cherchant à jouer sur le registre des émotions, le réalisateur suscite une peur qu’il dénonce d’ailleurs, sans jamais apporter de solutions.
  • Trois heures de film, c’est à la fois très long et très court pour un sujet aussi vaste. Résultat : Hold-Up survole une multitude de sujets sans prendre le temps d’aller au fond de chacun. Il en résulte un sentiment d’inabouti. Le réalisateur aurait pu insister bien davantage sur la souveraineté sanitaire et les décisions engagées sur la base de l’étude médicale Recovery qui est aujourd’hui citée dans tous les rapports des autorités de santé. Il aurait été intéressant d’évoquer les résultats, les apports et les faiblesses de l’étude, et notamment le surdosage non nécessaire d’hydroxychloroquine administré aux patients. Aucun débat national n’a été engagé à ce sujet. Et pourtant cette étude est la plus souvent utilisée par les autorités pour ne pas reconnaitre que la bithérapie à base d’hydroxychloroquine permettrait de désengorger les hôpitaux. Un comble. Il aurait dû s'intéresser beaucoup plus aux bénéficiaires de la fraude du Lancet. Une étude « complotiste » qui est à l’origine de l’arrêt des essais cliniques français Discovery et Hycovid alors qu’ils auraient permis de d’avoir de vraies réponses sur le traitement. Qui a commandité cette fraude scientifique ? Et à qui profite celui de Recovery ? Il aurait dû davantage mettre en balance les décisions des autorités sanitaires versus l’intérêt collectif,...
  • Hold-Up franchit une ligne rouge à de nombreuses reprises. Il élabore des hypothèses dérangeantes qu’il érige un peu trop en vérités, sans prendre le temps de les démontrer.

Et pourtant, faut-il tout jeter ?

Evidemment non. Hold Up présente un avantage considérable : poser tout haut des questions que des millions d'électeurs se posent tout bas. Il oblige à ouvrir un débat qu’une certaine élite (politique, mais pas seulement) tente par tous les moyens d’étouffer, à grand renfort de “complotisme”. Une étiquette. Une de plus. Dans un tweet du 14 novembre, le sociologue et philosophe Edgar Morin s’alarmait d’ailleurs du fait que  « toute contestation d’une affirmation officielle ou d’une croyance largement répandue est désormais considérée comme complotiste ».

Mais les Français sont de moins en moins dupes.

Hold-Up a été visionné des millions de fois. Faut-il en déduire que la France compte des millions de complotistes ? Ne s’agit-il pas plutôt de concitoyens soucieux  de l’avenir que le gouvernement lui réserve ? D’électeurs lassés du peu de considération que l’élite "bien pensante" lui témoigne ? D’administrés en pleine crise de confiance ?

“Débunker” n’est pas jouer

A l’instar de Fabrice Lucchini qui “adorerait être de gauche”, qui n’adorerait pas aujourd’hui participer au debunkage massif de cette “boule puante complotiste” plutôt que de chercher à la comprendre ? Le Monde, Libé, France Inter, France Culture,... Pas un “grand média” n’a jugé utile de s’intéresser aux motivations des producteurs et du réalisateur.  Les rares qui ont osé s’affranchir de cette « tyrannie de la bien-pensance » pointée du doigt par l’auteur américain Bret Easton Ellis dans son essai “White”, ont aussitôt été catalogués “complotistes”.  Saluons néanmoins le courage de la journaliste de Cnews Sonia Mabruk, malmenée par Ilana Cicurel, eurodéputée et porte-parole de la république en Marche, celui de Natacha Polony, qui s’est attachée à poser les questions de manière factuelle, invoquer les erreurs du gouvernement et pousser à réconciliation les deux clans, et celui d'André Bercoff (Sud Radio) qui depuis le début de la pandémie pose les questions qui dérangent. 

La faute à Macron ?

N’en déplaisent au Général de Gaulle, les Français ne sont pas « des veaux ». Ils ne sont pas davantage des «chevaux qu’il faut brider ». C’est un peuple fier et intelligent, doté d’une sensibilité, de flair, de culture, de différences. Quand on ne lui fait pas confiance, il n’accorde pas sa confiance.

Plutôt que de s’acharner sur Hold Up ; plutôt que de donner des leçons aux Français sur la manière dont ils devraient (bien) penser, certains médias feraient mieux de jouer leur rôle de contre-pouvoir.  Ce sont les paroles et les actes du gouvernement, largement relayés par ces mêmes médias, qui ont entrainé cette défiance. Lorsque l’on est gouverné par une élite qui navigue à vue depuis des mois, il est sain d’aller chercher des réponses ailleurs. Aujourd’hui, seuls 24% des Français (Sondage FranceSoir BonSens du 7-8 novembre 2020) font confiance à Emmanuel Macron. Hold-up n’en n’est qu’un épiphénomène qui sert de  révélateur à cette défiance. C’est l’arbre qui cache la forêt. Un proverbe chinois énonce que lorsque le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. La plupart des médias se sont empressés de disséquer ce doigt. Ils ont failli à leur mission.

Le monde n’est pas binaire

Depuis quand la vérité appartient-elle à un seul camp ? Depuis quand le monde est-il tout blanc ou tout noir ? Les critiques de ce documentaire témoignent pourtant d’un rare manichéisme : les uns crient au complot, les autres au mensonge. La nature qui nous entoure nous prouve pourtant à chaque instant que notre environnement est tout sauf binaire : la marée, le jour, les saisons,...

Le binaire est un concept mathématique utilisé en informatique pour coder l’infini. Notre ADN n’est pas binaire. Nous sommes tous incrémentaux. Même le virus a des mutants ! Nous traversons sans doute l’une des plus graves crises de notre époque parce qu’aujourd’hui, l’ennemi, c’est celui qui ne pense plus comme soi. C’est celui qui pense 0 quand moi je pense 1 !

Complotiste ou naïf : choisis ton camp !

Les élites ont rarement à cœur de défendre les plus faibles. En 1928, Edward Bernays, neveu de Sigmund Freud, a écrit “Propaganda”, un manuel exposant sans détour les principes de la manipulation mentale de masse. Bernays appelait cela la “fabrique du consentement”. Au début des années 50, il a orchestré des campagnes de déstabilisation politique en Amérique Latine qui accompagnèrent notamment le renversement du gouvernement du Guatemala , main dans la main avec la CIA.  En 2008, Naomi Klein publiait “la stratégie du choc”. Dans ce bestseller, international, la journaliste, essayiste et réalisatrice dénonçait l’existence d’opérations concertées dans le but d’assurer la prise de contrôle de la planète par les tenants d’un ultra-libéralisme tout puissant. Elle montrait notamment comment des crises et des désastres étaient utilisés pour substituer aux valeurs démocratiques la loi du marché, la spéculation et la barbarie. S’il ne faut évidemment pas être complotiste (et d'ailleurs ça veut dire quoi exactement ?), ne soyons peut-être pas trop naïfs non plus. Sans tomber dans le démagogisme, Emmanuel Macron n'a pas attendu le Covid pour détricoter encore un peu plus le droit du travail ni entamer la réforme des retraites. Les élites ne nous veulent pas que du bien...

Pourquoi j’ai accepté de faire ce documentaire ?

Depuis que je suis directeur de la publication de France-soir, j’ai à cœur d’apporter un point de vue différent, un point de vue résolument indépendant. France Soir ne reçoit aucune aide de l’Etat. C’est un média qui collabore avec le soutien de citoyens éclairés à la recherche, non pas de la vérité (elle n’existe pas !) mais de compréhension.  J’avais aussi envie de mettre en lumière l’absence généralisée de débats sur les sujets clés. 

Ni FranceSoir, ni moi, son directeur de la publication, ne sommes producteurs ou partenaires du film. Cependant, au nom de la liberté d’expression et surtout de l’engouement des Français pour ce film, j’ai tenu à proposer une tribune à un de ses producteurs avant même sa sortie pour qu’il partage son point de vue. Cela m’a été vivement reproché. La plupart des médias se sont empressés d’en faire des gorges chaudes. A les entendre, France-Soir serait devenu le repère des « covid sceptiques », des antivax, … et pourquoi le taire, des complotistes ! C’est bien mal connaître notre rédaction.

France-Soir, un média sceptique

France Soir croit profondément en la valeur du débat. N’en déplaise à nos détracteurs, France Soir n’est pas un média complotiste, c’est un média « sceptique » ! Avant de relayer tête baissée une information, nous prenons le temps de la vérifier. L’affaire du “lancetgate” a montré que nous étions bien peu nombreux à procéder ainsi. Douter, vérifier, n’est-ce pas pourtant l’essence du journalisme ?  Bien sûr, il nous arrive aussi de commettre des erreurs ! Nul n’est parfait… Mais nous nous gardons bien de donner des leçons, mépriser certaines opinions, prodiguer la bonne parole … Si la liberté d’expression prime, elle doit l’être pour tous, puis débattue, sans stigmatisation.

On nous reproche d’être pro-Raoult et défenseurs acharnés de la bithérapie comprenant l’hydroxychloroquine. Quand presque tous les autres médias français les dénigrent, alors même que la réalité scientifique et l’expérience de terrain dans le monde sont nettement plus contrastées, pour ne pas dire largement contradictoires, FranceSoir et le Collectif citoyen essaient d’abord de comprendre et, une nouvelle fois, d’analyser. C’est en utilisant la richesse du collectif en France et à l’étranger que nous avancerons. Nous invitons par ailleurs les autorités sanitaires à regarder ce que le collectif de 4000 médecins brésiliens HapVida a mis en place dans un pays ou le système de santé est considéré comme inférieur au nôtre ou à regarder l’image de la science française que nous donnons dans d’autres pays.

Notre approche est le respect de l’intelligence des gens comme terreau pour que puisse germer l’intelligence collective. Car nous pensons que nos lecteurs et les Français dans leur ensemble sont capables d’avoir l’esprit critique et de séparer le bon grain de l’ivraie.

Chez France Soir, nous estimons que Hold-Up doit être un prétexte supplémentaire au débat. Saisissons-nous de cette occasion pour aborder les vrais problèmes : la perte de confiance, les gilets jaunes, la démocratie, l’exercice du pouvoir, l’éducation, le civisme. Ne balayons pas ce film d’un revers de main méprisant comme tant d’autres l’ont fait. Ce serait une grave erreur. Utilisons-le pour bousculer les idées et remettre l’humain au cœur des principes et de nos valeurs.  Le pire serait de sacrifier le débat alors qu’il n’a pas encore eu lieu. Ce serait un déni de démocratie. C’est précisément là que résiderait le hold-up...

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