Autodafé en Ontario : on commence par brûler les livres, on finit par les personnes

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Estelle Fougères, pour FranceSoir
Publié le 13 septembre 2021 - 11:34
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Un sujet brûlant
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CHRONIQUE - Quel est le point commun entre les wokes, les talibans et les nazis ? Brûler des livres.

Le 10 mai 1933, aux douze coups de minuit, quelques mois après l’ascension au pouvoir d’Hitler, l’Union des étudiants allemands nationaux-socialistes, encadrée par des SA, se livre à un gigantesque « feu de joie », brûlant tous les ouvrages jugés néfastes à la santé morale des Allemands. Cet autodafé savamment mis en scène devant l’Opéra de Berlin et 21 autres villes allemandes, a été retransmis en direct par la radio et filmé pour les actualités cinématographiques. 

Il y a 23 ans, le 12 août 1998, 55 000 volumes de la plus belle bibliothèque publique d’Afghanistan ont été brûlés par les talibans de l’époque. Dans ce joyau de la fondation Nasser Khosrow, des manuscrits vieux de dix siècles en langue persane, côtoyaient des ouvrages en anglais, en arabe ou en pachtoune. Le manuscrit le plus précieux était une version datée du douzième siècle du Livre des rois, le Chah-namè, de Ferdowsi (932-1020) qui raconte les mythes fondateurs de la culture perse.

Deux ans plus tard, à l’hiver 2000-2001, les talibans allaient s’attaquer aux Bouddhas de Bamiyan en les dynamitant. Ces statues monumentales taillées dans la roche, symbole de la propagation du bouddhisme mahayana dans une région reculée de l’Afghanistan, comptaient parmi le plus beau patrimoine culturel afghan. Puis, ce fut la destruction à la hache des antiquités du musée de Kaboul, privant ce pays des vestiges de son passé.

Si en occident, on pensait que cela n’arriverait plus jamais, l’oikophobie qui se développe depuis quelques années a révélé une civilisation qui a cessé de croire en elle-même, dénigrant sans cesse ses valeurs qu’elle ne veut plus défendre. La culture qui nous a été transmise depuis l’Antiquité est de plus en plus violemment rejetée. Ce rejet qui ne s’exprimait que par des mots il y a encore une dizaine d’années, a depuis fait place à des actes de violence, menés par des activistes animés par la haine de soi culturelle.

L’affaire de l’autodafé dans le Sud-Ouest de l’Ontario est tout à fait significative de ces nouvelles actions de destruction du patrimoine culturel.

Que s’est–il passé ? Un conseil scolaire composé de personnes qui se réclament de la cancel culture a entrepris de brûler 5 000 livres de jeunesse parlant des autochtones. Les autodafés ont eu lieu dans les bibliothèques du conseil scolaire catholique Providence, qui regroupe 30 écoles francophones. Des bandes dessinées, des romans et des encyclopédies, considérés comme un symbole puissant de l’intolérance occidentale, ont fini dans des feux de joie.

Le but de cet acte nous est expliqué par Lyne Cossette, porte-parole du conseil scolaire : « Il s’agit d’un geste de réconciliation avec les Premières Nations, et d'un geste d’ouverture envers les autres communautés présentes dans l’école et notre société ». La raison du retrait : « un contenu désuet et inapproprié ».

Qui a décidé de ce qui devait être détruit ? Un comité de membres du conseil scolaire et d’accompagnateurs autochtones a analysé des centaines de livres, tandis que le ministère de l’Éducation de l’Ontario a participé à l’autodafé mais pas à la sélection des livres.

Se présentant comme « la gardienne du savoir » - nous voilà rassurés... - Suzy Kies, également auteur de la vidéo de cet autodafé, explique sur quels critères les choix des livres à détruire se sont opérés. Des personnages autochtones « pas fiables, paresseux, ivrognes, stupides… » nous explique celle qui entend protéger les jeunes de ce genre d’images. On comprend bien l’idéal de pureté qui habite cette dame et tous ceux qui ont approuvé ces actes. Comme dans les pires régimes totalitaires, elle ne supporte pas les personnes atteintes d’un handicap et exalte les valeurs « positives ».

« On commence par brûler les livres, on finit par les personnes » a écrit le grand humaniste hollandais Érasme.

Si ce genre d’idée venait à se répandre, c’est toute la culture occidentale qui pourrait y passer. Mais cette furieuse passion d’interdire ou de détruire fait déjà son chemin depuis quelque temps. Entre les pièces de théâtre empêchées, les tableaux enlevés et les statues détruites, ces dernières années ont été marquées par des actes d’une violence inouïe. La séquestration d’une partie de la troupe qui devait jouer dans la pièce Les Suppliantes d’Eschyle, donne une idée de ce que certains individus sont capables de faire au nom du bien, au nom d’un anti-fascisme qui commence à imposer ses nouveaux diktats.

Visionnaire, l’écrivain-cinéaste Pier Paolo Pasolini avait écrit dans les Lettres luthériennes : « Le fascisme peut revenir sur la scène à condition qu’il s’appelle anti-fascime ». Avec la culture woke, la prophétie de Pasolini semble se réaliser.

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