Boeing : Un autre lanceur d’alerte meurt des suites d’une “maladie fulgurante”, deux mois après le suicide d’un ancien employé chez l’avionneur
Deux mois après la mort de l’ancien employé de Boeing, John Barnett, qui a révélé en 2019 que l’avionneur utilisait des pièces défectueuses dans l’assemblage “à la hâte” de son 787 Dreamliner, un autre lanceur d’alerte est décédé des suites d’une “maladie fulgurante”. Joshua Dean, qui travaillait jusqu'en avril 2023 pour Spirit AeroSystems, un fournisseur de Boeing, avait exprimé en 2022 ses inquiétudes quant à la fabrication de certains avions 737 MAX. La direction de l’avionneur aurait tenté de “minimiser les défauts” et aurait fait pression sur les employés pour qu’ils fassent de même. Tout comme John Barnett, Joshua Dean a également intenté une action en justice contre Spirit AeroSystems.
Ce décès, comme celui de John Barnett, qualifié jusque-là de suicide, intervient au moment où Boeing est au coeur d’une série d’enquêtes suite à plusieurs incidents sur ses avions de lignes. Le plus récent date du mardi 12 mars et concerne un vol reliant la Nouvelle-Zélande à l’Australie, durant lequel l’appareil a soudainement perdu de l'altitude.
Mort “brutale”
En janvier dernier, un avion de la compagnie Alaska Airlines a perdu une porte de la soute en plein vol, obligeant les pilotes à atterrir en urgence. La Federal Aviation Administration (FAA) avait donné 90 jours à Boeing pour établir un plan et résoudre “des problèmes systémiques de contrôle qualité”. Un audit de la FAA des années auparavant avait révélé des manquements dans le contrôle produit, confirmant les alertes de John Barnett.
Cet ancien responsable de la sécurité, qui a travaillé pour Boeing pendant 32 ans, a révélé à la presse que des pièces défaillantes étaient utilisées dans l’assemblage du Dreamliner afin de maintenir le rythme de production et répondre à la demande, qui était de plus en plus accrue en raison du succès de l’appareil depuis son lancement. Il a affirmé avoir observé d’anciens collègues récupérer des “pièces de poubelles” pour les installer sur les appareils.
John Barnett avait également signalé des défaillances liées aux masques à oxygène et dévoilé que les inspecteurs ne disposaient que de deux heures pour analyser un appareil.
Le 9 mars, John Barnett a été retrouvé mort des suites de blessures vraisemblablement “auto-infligées”. Il a été retrouvé dans son camion, dans le parking d’un hôtel situé à Charleston, en Caroline du Sud. Il y était présent dans le cadre de son affaire. Après avoir été interrogé par les avocats de Boeing, il devait à nouveau être entendu ce jour-là.
John Barnett n’était pas le seul lanceur d’alerte à révéler des défauts dans la fabrication des avions chez Boeing. Joshua Dean, employé chez un fournisseur de l’avionneur américain, Spirit AeroSystems, a fait de nombreuses révélations sur un autre modèle, à savoir le 737 MAX. Il est décédé mardi 30 avril de manière soudaine et “brutale” et cette fois-ci, il ne s’agit pas d’un suicide. Agé de 45 ans, il était connu pour son “mode de vie sain” et sa “bonne santé” mais a subi une infection bactérienne difficile à traiter, avant de développer une pneumonie et de subir un AVC (accident vasculaire cérébral).
John Barnett était employé chez Spirit AeroSystems depuis 2019. En 2022, il avait fait part de son alarmisme à propos de défaillances dans le modèle 737 MAX. Il a entre autres évoqué des trous mal percés par les mécaniciens dans les cloisons de pressurisation. Mais selon les interviews qu’il avait accordées, la direction aurait juste tenté de “minimiser les défauts” trouvés par les employés, faisant “pression” sur eux pour qu’ils le fassent. “Il est connu chez Spirit que si vous faites trop de bruit et causez trop de problèmes, vous serez muté”, avait-il déclaré en janvier 2024 au Wall Street Journal.
L’avocat des deux lanceurs d’alerte ne veut pas “spéculer”
Barnett avait été licencié en avril 2023 et accusait son employeur de licenciement abusif, raison pour laquelle il a déposé plainte contre Spirit AeroSystems auprès des autorités de l’aviation.
Les récents événements ont pourtant confirmé les alertes de ce lanceur d’alerte. L’incident survenu lors du vol d’Alaska Airlines concernait justement un Boeing 737 MAX. En 2018 et 2019, deux avions similaires affrétés par la compagnie indonésienne Lion Air et par Ethiopian Airlines se sont crashés. Un problème lié à un nouveau logiciel était à l’origine des deux crashs, qui ont fait plus de 300 morts.
L’Agence américaine de régulation de l’aviation civile (FAA) a décidé après l’incident d’Alaska Airlines de suspendre de vol 171 des 218 avions 737 MAX 9 déjà livrés. L’Agence américaine de sécurité des transports (NTSB) a conclu, dans un rapport préliminaire, que quatre boulons censés bloquer la porte étaient manquants.
“Nos pensées vont à la famille de Josh Dean. Cette perte soudaine est une nouvelle stupéfiante ici pour ses proches”, a réagi dans un communiqué Spirit AeroSystems à la mort de John Barnett. Brian Knowles, avocat qui représente les deux victimes, rejette à ce stade tout lien entre ces deux décès. “Je ne veux pas spéculer et j’aimerais voir les preuves des autorités chargées de l’enquête”, a-t-il déclaré.
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