Dans un “guide de référence", le FMI fait la promotion des monnaies numériques... de banques centrales

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Publié le 21 novembre 2023 - 11:15
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Si le FMI a sans cesse fait part ces dernières années de son hostilité aux cryptomonnaies, il multiplie les plaidoyers pour les monnaies numériques émises par les banques centrales. Une manoeuvre subtile pour entrer dans l'ère du crédit social.
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ECONOMIE - Le Fonds monétaire international (FMI) poursuit sa promotion des monnaies numériques de banques centrales (MNBC). L’Institution de Bretton Woods a publié la semaine passée un “guide de référence” pour les décideurs politiques et les experts financiers. Le document, qui comprend dans sa première mouture cinq chapitres, entend “collecter et partager des connaissances” pour répondre aux questions les plus fréquemment posées à propos des monnaies numériques. Le FMI, qui s’attarde sur les avantages de cette technologie, alerte contre les nombreux risques économiques et techniques liés au développement et à la mise en œuvre des MNBC, comme la panique bancaire ou ... les failles de cybersécurité et le traçage des transactions.

Si le FMI a sans cesse fait part ces dernières années de son hostilité aux cryptomonnaies, il a tout de même multiplié les plaidoyers pour les monnaies numériques émises par les banques centrales. Lorsqu’elle était dirigée par Christine Lagarde, cette institution reprochait au bitcoin la volatilité des prix, le risque de blanchiment d’argent et surtout, sa vulnérabilité aux cyberattaques. Néanmoins, l’actuelle présidente de la Banque centrale européenne (BCE), qui met d’ailleurs en place le projet d’un euro numérique, reconnaissait que ces cryptos “témoignaient de l’évolution du secteur financier” et de la “numérisation de l’économie”.

Favoriser la dédollarisation... et la ruée bancaire

Christine Lagarde a alors plaidé en faveur de monnaies 2.0 créées par les banques centrales, qui seraient “réglementées, fiables et utilisées dans tous les secteurs”. En novembre 2018, à l’occasion du Singapore Fintech Festival, elle a appelé les Etats à émettre une monnaie numérique.

En juin 2023, le FMI a annoncé la réalisation d’une plateforme visant à faciliter et sécuriser les échanges entre monnaies numériques. L’institution y voit un outil qui favorise l’inclusion financière et ce concept est de nouveau présenté comme un avantage, dans son “guide de référence”, publié la semaine dernière sur son site Internet.

Le document, composé actuellement de cinq chapitres d'une quarantaine de pages chacun, détaille les étapes à suivre par les banques centrales pour “explorer” et “développer” leurs monnaies numériques. Le FMI détaille même la méthode à suivre pour déployer les MNBC et appréhender leur impact sur la circulation des capitaux ainsi que sur l’économie, y compris mondiale. 

Les risques évoqués sont multiples. Une utilisation accrue des monnaies numériques peut ainsi “accélérer la dédollarisation”, à laquelle sont favorables de nombreux pays du Sud ainsi que les rivaux des États-Unis comme la Russie et la Chine. Mais la dédollarisation ne serait pas sans conséquences sur la croissance économique, américaine et mondiale. Les MNBC peuvent entraîner une baisse des valeurs boursières et réduire l’épargne et les investissements des Américains.

Le FMI alerte également contre la panique bancaire, phénomène qui consiste, en période de volatilité des marchés, à retirer ses dépôts et les transférer vers des actifs “sûrs”, dans ce cas-là les MNBC, pour éviter de perdre de l'argent.

En Europe, la BCE prévoit dans son projet une limite du montant en euros numériques que les particuliers ou les entreprises pourraient détenir dans leurs portefeuilles, pour réduire les sorties excessives de dépôts bancaires.

Des conséquences imprévisibles, menaces sur la vie privée et les libertés individuelles

En mai dernier, la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, alertait aussi contre les conséquences imprévisibles liées à une adoption généralisée des monnaies numériques : “Ce à quoi nous faisons attention, c’est le choix entre les MNBC de gros et de détail". Si les monnaies numériques de gros, devant être utilisées entre institutions étatiques, “peuvent être mises en place sans surprises désagréables”, les monnaies numériques de détail “transforment complètement le système financier de telle sorte que nous ne savons pas vraiment quelles conséquences cela pourrait entraîner”.

L’autre risque abordé par le manuel du FMI, publié à l’occasion du Singapore Fintech Festival où Kristalina Georgieva a pris la parole, est celui lié à la cybersécurité et la protection des données. “Les cyberattaques peuvent compromettre l'utilisateur final, les données et les fonds, la réputation d'une banque centrale, la confiance dans la monnaie et la stabilité du système de paiement”, lit-on. Tel est justement l’objet des inquiétudes liées aux monnaies numériques. Une faille de sécurité dans l’écosystème peut ainsi mener à des atteintes à la vie privée ou la liberté individuelle.

De nombreux eurodéputés alertent d’ailleurs contre ce risque, comme le font les républicains au Congrès des États-Unis. En mars, Joe Biden a signé un décret appelant les agences bancaires fédérales à réfléchir à la création d'une monnaie numérique de banque centrale. Six mois plus tôt, la Réserve fédérale et plusieurs grandes banques avaient déjà annoncé un projet pilote pour la mise en place d’un dollar numérique.

En septembre, le républicain Tom Emmer, représentant du Minnesota, a réintroduit à la Chambre des représentants le CBDC Anti-Surveillance State Act (loi anti-surveillance des MNBC), visant à interdire au gouvernement fédéral l’émission directe d’une MNBC aux citoyens américains. Contrairement aux cryptomonnaies, décentralisées, les monnaies numériques sont conçues et émises par un gouvernement et transitent sur un grand livre numérique contrôlé par ce gouvernement. De quoi permettre à l'administration de “surveiller les transactions des Américains et d’étouffer toute activité politiquement impopulaire”, estime-t-il. Une possibilité qui rappelle à certains le système de crédit chinois.

L’UE, les États-Unis ou encore la Chine et le Royaume-Uni ne sont pas les seuls à mettre en place une version numérique de leurs devises. Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), 93 % des banques centrales dans le monde ont entrepris des expérimentations sur les monnaies numériques.

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