L’analyse du professeur Perronne concernant la loi sur les dérives sectaires : "Elle dépolitise la médecine et resanctuarise la relation entre le patient et son médecin"
Suite au vote du 14 février 2024 de la loi sur les dérives sectaires et de son article 4, qui a été rapidement réécrit dans la nuit du 13 au 14 février 2024, l’association BonSens.org proposait une analyse juridique en se réservant la possibilité de participer à sa demande de retrait en cas de saisine du Conseil constitutionnel.
Ce jour, le professeur Perronne propose une analyse plus complète que vous trouvez ci-dessous :
Plusieurs questions se posent sur cette loi qui devra encore passer l’étape de la commission mixte paritaire, revenir à l’Assemblée et être ensuite validée par le Conseil constitutionnel si des élus décident de le saisir (BonSens.org y participera si c'est le cas).
Si cette loi avait été en vigueur depuis le début de la crise Covid, les autorités auraient-elles tenu les mêmes discours ? Auraient-elles été d’une rigueur irréprochable pour ne pas tomber sous le coup de cette loi ?
1 – Le ministre de la Santé Olivier Véran en 2020 aurait-il imposé le port du masque en population générale malgré l’absence d’arguments concernant son efficacité ? Aurait-il prévenu des effets délétères potentiels du port du masque prolongé chez les enfants, comme l’a montré, parmi d’autres, une étude publiée ?
2- Le ministre de la Santé aurait-il prévenu la population qu’il n’existait aucune preuve scientifique que le confinement et le couvre-feu auraient un quelconque impact sur l’épidémie et que les risques pour la santé mentale et l’économie seraient trop grands ?
3 – Le ministre de la Santé se serait-il levé d’indignation, comme nous l’avons fait dans le New England Journal of Medicine, contre les surdosages toxiques d’hydroxychloroquine de l’étude clinique de l’OMS Recovery, augmentant le risque de transfert en soins intensifs et de mort aux patients hospitalisés de cette étude ? Aurait-il parlé du risque accru de détérioration respiratoire par un effet shunt ? Aurait-il essayé de convaincre les promoteurs de l’essai de baisser les doses et de donner le traitement plus précocement au regard des données favorables publiées à cette époque par plusieurs équipes dans le monde ?
4 – Le ministre de la Santé aurait-il réagi vigoureusement aux données frauduleuses de l’étude parue dans le Lancet et rétractée quelques jours plus tard ? Aurait-il rapidement demandé aux équipes responsables des études cliniques françaises Discovery et Hycovid de reprendre leur cours malgré des résultats prometteurs de l’IHU-Méditerranée et de l’hôpital de Garches ?
5 – Le président de la République, le 12 juillet 2021, se serait-il opposé à la vaccination obligatoire de certaines professions, au regard de l’absence de données sur la transmission et des données insuffisantes sur la sécurité des vaccins ?
6- Les députés français se seraient-ils opposés farouchement au passe vaccinal, sachant que l’on ne pouvait pas imposer en population un vaccin expérimental sur lequel il n’y avait aucun recul, sans faire prendre de gros risques à la population pour un virus dont la létalité était très faible pour les moins de 65 ans ? Ce, d’autant que les conventions internationales interdisent l’administration forcée d’un produit expérimental.
7 – Le ministre de la Santé Olivier Véran aurait-il prévenu les Français, comme il l’avait précisé au Conseil d’Etat, que le vaccin ne protégeait pas de l’infection ni de la transmission ? Les aurait-il prévenus que les nouveaux vaccins Covid-19 n’avaient été testés que sur peu de personnes et sur une courte période et que l’ampleur des effets indésirables était loin d’être connue ? Aurait-il mis en garde qu’il était imprudent de vacciner les jeunes, sans facteur de risque contre le Covid, puisque rien n’était connu sur les effets secondaires potentiels à moyen et long terme ?
8 – Plutôt que de déclarer que les vaccins Covid-19 n’entraînaient aucun effet secondaire, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau en 2023 aurait-il commenté aux Français les chiffres officiels en France et à l’étranger de la fréquence de ces effets secondaires déclarés et les chiffres de mortalité ?
Dans les faits, ces personnes auraient probablement été plus prudentes dans leurs affirmations dans les médias, en sachant qu’ils risquaient d’influencer sans preuve nombre de nos concitoyens.
En tant que médecin, mon expérience d’enseignant-chercheur et d’expert national et international sur les évaluations des politiques de vaccination, fait que bien que je déplore cette loi et son article 4, à l’écriture hâtive, qui vient s’ajouter à de nombreux dispositifs légaux déjà existants, j’y vois un côté potentiellement bénéfique. En effet, cette loi devrait permettre de dépolitiser la médecine et de resanctuariser la relation entre le patient et son médecin. Ceci est capital pour éviter certaines dérives, y compris celles du gouvernement sur des prises de décisions et des communications basées sur des données inexistantes ou incomplètes.
Par exemple, comment dire que le vaccin protège les patients avec des comorbidités alors que les données de la science ne permettaient pas de le conclure ? La loi actuelle les obligerait à agir avec prudence et à prendre des décisions argumentées et pondérées. Comment déclarer que le vaccin empêche à 95 % la transmission du virus et dire qu’en conséquence la vaccination protège les soignants, les pompiers, les militaires dont les gendarmes (mais pas les policiers !) et autres professions soumises à une obligation, alors que les données de la science ne permettaient pas de conclure que le vaccin empêchait la transmission ? Comment, pour la même raison, inciter nos concitoyens à obtenir par l'injection un passe vaccinal leur donnant droit à retrouver leur liberté ? Dans les faits, les données étaient absentes, parcellaires ou incomplètes, et donc l’analyse bénéfice-risque biaisée.
Alors oui, on ne peut qu’être pour la défense de la science en toute objectivité dans l’intérêt du patient, mais sans instrumentalisation politique, par excès d’autorité au nom d’une pseudo-science.
Si cette loi avait existé le 12 juillet 2021, le président Macron aurait-il pu à la télévision faire 12 assertions scientifiques infondées ? En absence de connaissance des effets indésirables d’un produit nouveau, il faut s’abstenir : primum non nocere.
Les évaluations partisanes et réalisées à la va-vite ont bafoué tous les principes de protection des patients. Cette loi permettra probablement de revenir au pouvoir de la vraie science médicale et des procédures normales, avec de réelles analyses des bénéfices et des risques. Rappelons que les données médicales et de santé publique évoluent tous les jours. Le progrès scientifique repose sur la permanente intégration de données nouvelles, parfois contradictoires. En conséquence, un consensus scientifique n’est possible que pour une période limitée et que si toutes les données, y compris divergentes, sont prises en compte. Toute autre approche serait une dérive sectaire.
Quelque part, c’est la rigueur et le bon sens qui reviennent. Je le souhaite.
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