Mondial-2018 : Coupe du monde et politique, un cocktail classique mais toujours explosif

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Par Yassine KHIRI - Kaliningrad (Russie) (AFP)
Publié le 23 juin 2018 - 19:51
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La joie de Granit Xhaka après avoir signé l'égalisation de la Suisse face à la Serbie dans le groupe E du Mondial à Kaliningrad, le 22 juin 2018
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© Attila KISBENEDEK / AFP
La joie de Granit Xhaka après avoir signé l'égalisation de la Suisse face à la Serbie dans le groupe E du Mondial à Kaliningrad, le 22 juin 2018
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Vitrine symbolique et médiatique sans égale, le Mondial de foot a subi l'intrusion de la politique à de nombreuses reprises au cours de son histoire. Dernier épisode en date? La célébration pro-albanaise de deux joueurs suisses vendredi contre la Serbie, qui a ravivé les tensions autour du Kosovo.

Simple expression de joie spontanée ou vrai acte politique ? En mimant des deux mains l'aigle du drapeau albanais pour célébrer leurs buts inscrits contre la Serbie (2-1), Granit Xhaka, né en Suisse de famille kosovare, et Xherdan Shaqiri, natif de l'ancienne province serbe très majoritairement albanaise, ont quoi qu'il en soit provoqué l'ire de la presse serbe, qui a dénoncé samedi une "provocation honteuse".

"On ne devrait pas mélanger la politique et le football, a déploré le sélectionneur suisse Vladimir Petkovic, natif de Sarajevo (Bosnie-Herzégovine). Il est bien clair que les émotions ressortent, et c'est ce qui s'est produit. Mais nous tous sur le terrain, et en dehors, nous devons nous éloigner de la politique dans le football et se concentrer sur ce beau sport qui regroupe les gens".

Un voeu pieux partagé par les instances sportives internationales comme la Fifa, organisatrice du tournoi.

"Ces instances prônent une position d'apolitisme, c'est-à-dire de retrait par rapport aux affaires de la Cité et des éventuels problématiques politiques", selon le sociologue Ludovic Lestrelin, enseignant-chercheur à l'université de Caen. Pourquoi ? "Parce que le politique est perçu comme source de conflits et de désaccords alors que les terrains sportifs sont censés être des lieux où l'on se réconcilie et dépasse les clivages sociaux", explique-t-il à l'AFP.

"C'est évidemment un positionnement qui est quasi impossible. Le sport, notamment le football, a acquis une telle place dans notre société que, de fait, il est pénétré d'enjeux multiples, économiques mais aussi sociaux et de nature politique", ajoute-t-il.

- Vitrine -

De sa première édition en 1930 au Mondial-2018 qui permet de soigner l'image de la Russie de Vladimir Poutine dans le monde, comme l'accusent certains de ses opposants occidentaux, la Coupe du monde n'a en effet presque jamais pu échapper aux différentes récupérations politiques dans son histoire.

Exemple en 1934 avec le triomphe à domicile de l'Italie, censée devenir pour Benito Mussolini la vitrine du fascisme. Car pour le Duce, il n'y avait d'autre issue possible que le sacre des Azzurri: "Il faut gagner ou détruire l'adversaire".

Idem lors du Mondial-1978 organisé dans une Argentine en pleine dictature. Dans un régime où 30.000 personnes ont disparu, 15.000 ont été exécutées, et 1,5 million furent contraintes à l'exil, entre 1976 et 1983, le succès de l'Argentine était "indispensable" pour faire oublier les atrocités du quotidien. Et ce malgré le boycott de plusieurs joueurs parmi lesquels la star néerlandaise Johann Cruyff, qui ne souhaitait pas cautionner le projet de la junte au pouvoir.

Une fois la politique s'aventure même directement sur la pelouse, lorsque le cheikh Fahid Al-Ahmad interrompt de façon surréaliste France-Koweït au Mondial-1982. Descendu des tribunes pour contester un but d'Alain Giresse, il ordonne à ses joueurs de quitter le terrain, avant que l'arbitre, dépassé, accepte d'annuler l'action.

-'Guerre froide' et USA-Iran-

Les conflits géopolitiques majeurs trouvent de leur côté un prolongement dans la prestigieuse compétition. Le spectre de la Seconde guerre mondiale perturba par exemple l'édition de 1938 en France: l'Autriche, pourtant qualifiée mais annexée par l'Allemagne la même année, ne peut disputer le tournoi tandis que sept de ses joueurs intègrent la Mannschaft.

"Guerre froide" oblige, plusieurs pays soviétiques boycottent le Mondial-1950 au Brésil, qui s'est joué ainsi sans l'URSS, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Tchécoslovaquie.

La Corée du Nord, elle, dispute bien le Mondial en 1966. Mais sa présence embarrasse l'Angleterre, pays-hôte qui ne reconnaissait pas sa légitimité et refuse de faire flotter son drapeau, avant de finalement se rétracter.

Déchirée en deux dès 1945, l'Allemagne connaît a contrario un épisode émouvant en 1974, avec le match RFA-RDA à Hambourg. La RDA s'impose (1-0), mais c'est la RFA qui est sacrée chez elle.

Le match entre l'Iran et les Etats-Unis (2-1) au Mondial-1998, susceptible d'attiser les tensions diplomatiques, est au contraire la démonstration en mondovision d'un effort de fraternisation entre acteurs et supporteurs des deux camps. Sans pour autant changer grand chose sur le plan politique.

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