Douleurs "insupportables" et poids des lobbys : Laurence Abeille combat l'hypersensibilité aux ondes
Connu depuis des décennies, le sujet reste encore tabou pour les autorités sanitaires. C'est en tout cas ce qu'avance la députée Laurence Abeille (EELV, Val-de-Marne) à propos de l'électro-hypersensibilité. Elle organise ainsi un colloque sur le sujet à l'Assemblée nationale, ce jeudi 11, avec pour objectif de faire reconnaître cette maladie qui touche des centaines de milliers de Français selon les spécialistes. Car il reste beaucoup de chemin à parcourir, dénonce dans une interview à FranceSoir Mme Abeille, qui s'insurge notamment du manque d'intérêt de la ministre de la Santé pour ces malades. "Une faute", de la part de Marisol Touraine dit-elle: "les enfants d'aujourd'hui naissent dans ce contexte et il n'y a aucune attention qui y est sérieusement portée".
Tout d'abord, qu'est-ce que l'électro-hypersensibilité?
"L'électro-hypersensibilité est un phénomène connu depuis les années 1950. A l'origine, ce sont des symptômes liés à l'utilisation des radars, des précautions existent ainsi aujourd'hui pour l'utilisation des matériels militaires qui fonctionnent avec des ondes. (...) De nos jours, nous avons une explosion des technologies sans fil et depuis une décennie apparaissent des cas de personnes intolérantes aux ondes électromagnétiques. Leurs symptômes sont assez variés, d'où la difficulté parfois de faire le lien, mais les plus connus sont des maux de têtes insupportables ou encore des problèmes de peau. Il y a eu aussi des reconnaissances de tumeurs du cerveau liées directement à l'utilisation du téléphone portable tenu à l'oreille. (...) Pour ce qui est des chiffres, les experts s'accordent pour évoquer 1 à 3% de la population qui serait touchée par l'électro-hypersensibilité à différents niveaux (soit entre 600.000 et 1,8 million de Français, NDLR). Ces chiffres seraient en hausse et certains évoquent de 4 à 5% de la population qui pourrait être touchée dans les années qui viennent".
Quel est l'objectif du colloque que vous organisez sur ce sujet ce jeudi à l'Assemblée?
"Faire le point avec des spécialistes, des médecins et des scientifiques. (...) C'est important car les personnes touchées s'isolent parce que les moyens de communication leur sont insupportables. On ne les entend donc pas.
"J'ai fait une loi sur les ondes électromagnétiques dans laquelle j'aborde ce sujet, promulguée il y a un an, mais dont on attend encore des décrets d'application. Elle prévoit notamment un rapport sur la question de l'électro-hypersensibilité chez les enfants qui devait être publié fin 2015 mais nous est annoncée pour la fin 2016 par l'ANSES. (...) Toutes les études sur la question montrent qu'il y a pour les plus jeunes un danger plus important car leur barrière hémato-encéphalique, l'enveloppe qui protège le cerveau, n'est pas suffisamment développée et est donc plus poreuse. Les autorités recommandent déjà de ne pas les laisser jouer avec des tablettes ou téléphones connectés et a interdit le wifi dans les écoles maternelles, mais pas les autres, grâce à ma loi".
Justement, quel accueil avez-vous reçu des autorités?
"Des médecins ont préparé un appel que nous voulions transmettre demain (jeudi 11, NDLR) à Marisol Touraine, mais la ministre a refusé. C'est une faute. Qu'elle ne prenne même pas la peine d'envoyer quelqu'un de son cabinet, c'est scandaleux. (...) On laisse se développer des technologies sans prendre la peine d'étudier leur impact sur notre santé. (...) Je pense qu'il y a un scandale sanitaire majeur à venir qui sera lié aux pollutions environnementales, par les ondes ou autres, et que ce sujet n'est absolument pas traité par les autorités sanitaires. (...) On a face à nous un lobby du sans-fil, avec les opérateurs téléphoniques notamment, qui est vent debout contre la loi que j'ai fait voter, même si elle est très mesurée, et contre tout ce qui pourrait limiter leur profit. (...) Que le ministère soit représenté au colloque aurait été la reconnaissance par les autorités qu'on a un problème de santé publique et que, sans partir dans la panique, il faut le traiter".
Reconnue par la justice suite à une décision du tribunal du contentieux de l'incapacité de Toulouse, en juillet 2015, ou encore par la Maison départementale des personnes handicapées de l'Essonne, en avril 2014, l'électro-hypersensibilité reste contestée. En janvier de cette année, la cour administrative de Marseille a ainsi refusé une expertise à une enseignante qui se dit atteinte...
"Des scientifiques du monde entier ont déjà publié de nombreuses études prouvant l'existence de cette maladie. (...) C'est toute la question: celle des études, sur ce sujet ou un autre, qui constamment freinent l'avancée de la protection des personnes, démontent les résultats. Cette +stratégie du doute+ est mise en place par les lobbys industriels et financiers, c'est ce qu'il s'est passé avec l'amiante. C'est là que la décision politique doit intervenir: dire que la protection des populations est prioritaire et fixer des normes. (...) Les enfants d'aujourd'hui naissent dans ce contexte et il n'y a aucune attention qui y est sérieusement portée. Qu'est-ce que ça va donner dans les années à venir? Des tumeurs au cerveau? Des troubles de l'attention? Des problèmes d'infertilité?"
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