L'heure est arrivée de sonner la fin de la récréation

Auteur(s)
Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 20 mars 2024 - 18:13
Mis à jour le 21 mars 2024 - 09:00
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L'heure est arrivée de sonner la fin de la récréation
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Le chef d’Etat Major de l’armée de Terre Pierre Schill a déclaré que « l’armée de Terre se tient prête », pendant que LCI invite le Lieutenant-Colonel Arbaretier à parler de scénarios de troupes au sol en Ukraine.  Quand au Point, il publie ces mots du général Vincent Desportes : « la seule façon de montrer à #Poutine que nous ne céderons pas, c'est de faire appel au sang des fils et des filles de France ».  On ne peut qu'y lire une véritable escalade d'engagements mettant en jeu le sang de nos enfants. 

Alors je m'adresse ici à ceux qui veulent éviter que les rares églises qui auront résisté au feu nucléaire ne sonnent le glas de l'humanité.  Espérant pouvoir croire que le Président de la République française figure au nombre des rescapés, c'est à Emmanuel Macron que je m'adresse dans la continuité de mes deux éditos précédents (Casino Macron, Une partie de poker entre petits et grands joueurs).

Monsieur le Président,

Dans vos prises de paroles publiques consacrées au conflit russo-ukrainien, vous omettez la mise en perspective historique qui s'impose pour regarder les responsabilités que la France, donc vous-même en tant que Chef de l'état avez eues, depuis les Accords de Minsk, et le viol successif et continu de leurs substances par l'OTAN.

Ces Accords ratifiés entre autres par la France, devaient permettre à la Russie d’avoir une  garantie sur l'intégrité de son territoire, grâce à un cordon non militarisé à ses frontières, une zone géographique tampon qui devait rester une zone de non-prolifération militaire.

Devant la violation incessante de ce cordon par l'OTAN, notamment avec l’implantation de bases de la CIA en Ukraine, Vladimir Poutine a fait ce que tout bon père de famille devrait faire quand il voit ces enfants en proie à un péril augmentant jour après jour, dans un mépris outrancier et assumé des règles communément établies. Malgré de nombreuses discussions et avertissements, il aura pris les devants. Et sans utiliser la dissuasion, il a agi.

Dans une nouvelle inversion accusatoire, avec cette absence de prise en considération des faits préalables, vous interprétez cela comme une agression contre la France. Ce qui est faux. Et vous ajoutez que cela représente un risque pour les Français. Dans l'absolu, pourquoi pas ? Néanmoins, pour pourvoir y survivre avant même de pouvoir y briller, l'Art de la guerre exige de se mettre à la place de son adversaire. Le faire pour saisir à quel jeu il joue, quelle est sa stratégie et pourquoi il livre combat de telle sorte. Propagandes et contre-propagandes prises en compte, sachant néanmoins que l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Onu, 16 décembre 1966) édicte bien que « toute propagande de guerre est interdite ».

Regardons votre jeu sur l'échiquier mondial à la lumière d'un jeu de go.

Sur l'échiquier mondial, la France est une puissance économique et militaire déclassée depuis longtemps, une grandeur de naguère que votre gouvernance a fini de conduire au néant. Nos atouts réels pour exister sur le plateau, ont longtemps été notre capacité à éduquer les gens et à faire usage de notre diplomatie, une diplomatie française que vous avez méthodiquement torpillée.

Depuis la fin des années 90, jamais il n'a été question de véritable dissuasion, avec nos pétards nucléaires devenus obsolètes, les dirigeants français n'ayant voulu écouter certains de nos grands chercheurs à l'image de Jean-Pierre Petit, qui, il y a 40 ans déjà, proposait à la France de développer une technologie que la Russie de Vladimir Poutine, a su porter à son effectivité pleine et entière. Même si nos services vous rapporte que Poutine a peu de missiles hypersoniques, lui il en a, ayant fait ce pari technologique que nous avons laissé passer.

Notre capacité dissuasive et notre force de dissuasion ne sont pas à la hauteur en termes d'"avantages" militaires et technologiques, souvent torpillées par une arrogance reconnue internationalement ! Il y a donc bel et bien dissuasion réelle et dissuasion macronienne.

Malheureusement pour nous, on ne dissuade pas avec des mots vides de substance, Monsieur Macron, mais avec des mots lourds de conséquences. Des conséquences qu'il nous faudra assumer, payer de nos vies, tandis que vous, planqué que vous serez dans votre bunker présidentiel, vous y échapperez.

La carte postale que vous envoyez aux Français ne correspond pas à la réalité. Et sur cette carte militaire, il semblerait que vous ayez tout faux. Alors imaginez qu'elle tombe entre les mains de ceux que vous ciblez comme étant nos prétendus ennemis (les Russes), et que ceux-ci en fassent l'analyse. Ils verraient immédiatemen  la déconnexion que vous avez avec le réel, que le macronisme est une forme indéfinie de politique qui ne se connecte pas avec les besoins de Français. Bien au contraire. Les Français ont un besoin croissant, un besoin vital de vous voir changer de cap, a minima... Ou partir. D'où cette montée chronique de la demande, formulée par certains : qu'il soit fait application, par nos parlementaires, de l'article 68 de la Constitution. « Même pas en rêve ! », nous direz-vous ?

C'est certain, ce n'est pas non plus une réelle arme de dissuasion, à votre endroit, ni encore moins un moyen contraignant. Qu'importe, ça donne malgré tout le ton et la tendance, et ça permet également à vos homologues russe et chinois, d'avoir confirmation de ce qui leur importe de faire, afin d'éviter aux Français d'être les victimes de votre attitude guerrière affichée ; authentique ou non ? C'est un autre débat. Une sorte de folie de celui qui a été reconduit dans ses fonctions par une "majorité" manipulée par les médias mainstream, une abstention record expliquée par l'impossibilité pour bien d'autres de choisir au second tour entre la peste et le choléra. Un verrouillage de l'accès aux fameux 500 parrainages fait aux candidats citoyens, et un décompte des voix qui appelle à questionnement, le Président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, ayant cité Joseph Staline à ce sujet :

« Ce n’est pas les voix qui comptent, c'est ceux qui comptent les voix. »

Cléments dans l'âme que nous sommes, aucun Français ne veut votre mal, Monsieur le Président, comme vous avez été réélu, dans les règles.

Mais il convient en retour que vous soyez vous aussi clément, d'abord avec vous-même, puisque vous êtes aussi français, et ensuite avec tous ceux, Français et autres qui vivent sur le territoire national. Votre devoir premier est d'en garantir autant que faire se peut l'intégrité physique.

Redescendez sur le plancher des vaches. Ramenez Jupiter sur Terre.

Il faut faire une évaluation réelle des forces en présence. Regarder qui a commencé. Faire l'aveu public de ce qu'est l'Ukraine véritablement, niveau corruption, trafic d'humains, et infiltration par le nazisme. Appréhender avec justesse les conséquences d'un envoi de troupes sur le terrain, et, enfin, constater que le recours à l'arme nucléaire serait synonyme de destruction totale de la France, ...avoir le courage de la paix.

Y œuvrer « quoi qu'il en coûte ». Faire usage de diplomatie, une diplomatie française qui jadis a rayonné sur le monde, et constituait une force de rayonnement mais aussi de dissuasion réelle. La capacité d’influence est sœur jumelle de la capacité de nuisance…Un Art salvateur de vies dans l'exercice courageux duquel, le 14 février 2003, Dominique de Villepin alors Premier Ministre de Jacques Chirac, a enorgueilli la France, refusant preuves à l'appui, qu'elle s'engageât aux côtés de l'OTAN, dans une guerre contre l'Irak qui ne se justifiait aucunement, une guerre militaire qui a détruit ce pays, au prix de centaines de milliers de morts.

Montrez-vous digne de vos fonctions de chef de l'Etat. Rendez sa grandeur à la France. Prendre position en faveur de la guerre est la marque des faibles, Prenez position en faveur de la paix, la position des puissants. Admettez qu'à l'Art de la guerre nucléaire, gagner c'est perdre. Personne ne gagne, et tout le monde perd. D'où une dissuasion à double tranchant que personne ne veut utiliser. Un degré de liberté nul, aucune personne censée ne veut ou ne peut considérer jouer, pas même agiter cette carte. Le recours à l'arme nucléaire devrait être une carte silencieuse que nul n'a besoin d'agiter.

Pour un chef d'Etat, montrer ses muscles nucléaires ostentatoirement, c'est un peu comme si une fille de joie mettait ses formes et tarifs en avant, « et en même temps » voulait qu'on la regardât, non pas comme vénale et vulgaire, mais comme physiquement intelligente, avec une classe indéniable.

Donc s'il vous plaît, Monsieur le Président : un peu de décence. Montrez au monde que la France n'est pas que « physiquement intelligente », qu'elle n'est pas vide de sens, qu'elle aspire gratuitement à la paix, fière et digne d'avoir recouvré, in extremis, le courage, heureuse et belle, rayonnante à nouveau, heureuse de se retrouver pleinement dans l'Art du compromis, jouant de nouveau dans la cour des Grands, retrouvant son passé glorieux.

Mieux vaut tard que jamais.

Nous ne sommes pas dans un épisode de James Bond, mais c'est pourtant bien mourir un autre jour qu'il vous faut envisager pour les Français. Et ce titre « Gagner la guerre, c'est perdre la vie », devrait lui être l'objet d'un réel traité de philosophie... et d'une réelle évaluation militaire.

Saisissez l'opportunité de démontrer notre réelle position dans le monde, en prenant une position inattaquable, celle en remerciement de laquelle le monde entier vous louera comme ayant été in fine un grand Président. En lieu et place des latrines de l'Histoire, où, sinon, vous finirez. Ce paradigme vous mènera au Panthéon, tant dans les livres d'histoire que dans le cœur des Français et autres hommes, femmes et enfants qui ne veulent pas souffrir davantage, de voir sans cesse agiter par vous même, devant leurs yeux sidérés, le spectre de 14-18 et de 39-45.

Vous ne connaissez pas la théorie du mammouth, dirait-on, cependant vous pourriez vous y frotter. Voilà en gros en quoi elle consiste.

À l'époque originelle où il y avait un seul homme et une seule femme sur Terre, et que ces derniers avaient un enfant, leur stratégie était de protéger l'enfant des dangers et de lui donner à manger. La femme donnait le sein à l'enfant, et l'homme prenait sur lui de les protéger quoi qu'il lui en coûte.

L'homme vit alors un mammouth. Un énorme mammouth. Il le perçut comme un danger et en même temps une opportunité gigantesque à ne pas rater, sa quantité phénoménale de chair pouvant nourrir sa famille pour longtemps. Un grand danger et un grand manger, en quelque sorte. L'homme évalua le risque en se mettant à la place du mammouth, un mammouth qui lui voit quoi ? Un petit homme avec une hache.

Potentiellement c'est également pour lui à la fois un danger et à manger, un grand ou un petit danger selon l'habileté de l'homme à manier sa hache, et un petit manger quoi qu'il en soit.

L'homme finit par se dire qu'il doit tuer le mammouth. Aller au contact, et, avec sa hache, lui couper la patte, afin que son poids le fasse tomber et l'étouffe. L'homme est plus petit et plus mobile. Il doit se servir de la taille du mammouth, et de l'angle mort dans lequel, justement, il peut le tuer.

Et bien en mettant cette histoire aux dimensions de la France, et en l'adaptant aux préoccupations des Français, les Français sont le mammouth, et vous et votre gouvernement êtes le petit homme.

Vous voyez le peuple comme un danger, de part sa masse, un danger qui vous donne à manger.

Diable ! C'est grâce à lui que vous êtes là. Mais pour le peuple, vous êtes, vous aussi un danger, parce que le pouvoir, la force publique et le contrôle des finances, c'est vous qui l'avez. Et le contrôle de l’arme nucléaire aussi.

Et notez enfin qu'il en est de même à l'échelle de la planète. Les puissants et les riches contrôlent 90% des ressources de la planète et de l'argent. Du coup, les peuples du monde sont le mammouth de chair, et les puissants et riches, eux, sont le mammouth monétaire.

La morale de cette histoire est que nous sommes tous un danger et à manger pour quelqu'un d'autre.

Quant à savoir qui sera, en France, le dindon de la farce, cela dépend de vous.

Toutefois, à trop vouloir jouer les cannibales ou les chefs de guerre, on risque fort d'être finalement affiché au menu.

Et puisque vous aimez briller sans risque dans les rares pays africains qui sont encore sous le joug de la France, voici, cadeau généreusement offert par la rédaction de France-Soir, à sortir aux larbins officiels de ces républiques bananières, le proverbe africain que je viens d'inventer pour vous, en parfaite relation avec le sujet de cet édito :

« La grenouille obèse qui s'attaque au lion affamé doit s'attendre au pire. Surtout si elle a les pattes attachées. »

PS : sinon, et qui colle toujours à merveille au sujet du jour, j'ai aussi en magasin cet autre proverbe. Un proverbe russo-chinois, lui, mais pareillement de mon cru :

« Seule une allumette mouillée peut se frotter sans risque à un baril de poudre. »

Article modifié le 21 mars 2024 pour tenir compte de déclarations additionnelles sur l'escalade d'engagements.

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