L'académie Nobel de littérature dans la tempête #metoo

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Par AFP
Publié le 24 novembre 2017 - 15:57
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Un(e) manifestant(e) montre les messages "Me Too" ("moi aussi, ndlr), et "Balance ton porc", lors d'
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© BERTRAND GUAY / AFP/Archives
L'Académie suédoise, qui décerne le prix Nobel de littérature, prise à son tour dans la tempête #metoo
© BERTRAND GUAY / AFP/Archives

Au coeur d'un mauvais roman, l'Académie suédoise, qui décerne le prix Nobel de littérature, porte de graves accusations à l'encontre d'un homme influent soupçonné d'avoir abusé de femmes gravitant autour du monde des lettres.

Depuis l'éclatement au grand jour de l'affaire Harvey Weinstein aux Etats-Unis en octobre 2017, plus de 10.000 femmes en Suède - actrices, journalistes, juristes, religieuses ou musiciennes - ont rompu le silence pour témoigner de leur enfer intime.

Institution prestigieuse et plus que bicentenaire, l'Académie suédoise est à son tour prise dans la tempête #metoo : des académiciennes, épouses d'académiciens, leurs filles et d'autres femmes ont révélé avoir subi les agressions d'une personnalité du monde des arts.

Un séisme en Suède, un pays réputé être un champion de l'égalité entre les sexes. L'affaire pourrait aller jusqu'à "nuire au prix Nobel", s'alarme le directeur de la Fondation Nobel Lars Heikensten dans le journal de référence Dagens Nyheter (DN).

Ces révélations ont éclaté avec la parution dans les colonnes de DN du témoignage de 18 femmes affirmant avoir subi agressions, et notamment viol, par un homme parmi les plus influents de la scène culturelle stockholmoise.

- 'Culture du secret' -

Si son identité est notoire, son nom n'a pas été rendu public, conformément au respect de la présomption d'innocence observé par la presse suédoise.

Marié à une écrivaine "étroitement liée à l'Académie suédoise", il dirige dans la capitale un lieu d'exposition et de performances couru des élites culturelles et en partie financé par l'académie, qui y organise des lectures des lauréats.

C'est notamment dans cet espace qu'auraient eu lieu certaines agressions, commises entre 1996 et 2017. Plusieurs victimes présumées ont témoigné à visage découvert et leurs récits ont été corroborés par des témoins oculaires, selon DN.

L'une d'elles affirme avoir été violée dans un appartement d'un quartier chic de Stockholm. "Tout le monde sait et tout le monde a toujours su" qu'il agressait des filles, assure-t-elle. Une autre victime affirme que cet homme aurait commis des attouchements lors d'un banquet Nobel.

Du fait de ces liens et de ses proches relations avec des éditeurs, producteurs, metteurs en scène ou compositeurs de premier plan, ses accusatrices expliquent avoir choisi de se taire plutôt que de risquer leur carrière.

L'écrivaine Elise Karlsson a raconté à l'AFP qu'elle avait 27 ans à l'époque des faits, en 2008, et travaillait alors sous statut précaire.

"Tout à coup j'ai senti ses mains sur mes fesses. A aucun momen,t je ne m'étais montrée intéressée. J'étais sous le choc. Je lui ai dit: +ne me touche pas+ et l'ai giflé, avant de fuir. Il est venu vers moi et m'a dit que je ne trouverais plus de travail", précise-t-elle.

"Je n'avais pas la possibilité de me confier à un chef. On savait qu'il s'en prenait surtout à des personnes jeunes et vulnérables".

Madelaine Levy, journaliste littéraire au quotidient Svenska Dagenbladet, estime que ces révélations relèvent "davantage du pouvoir et de la domination que du désir sexuel".

" L'Académie distribue de grosses sommes d'argent (...) Beaucoup d'écrivains, d'éditeurs et d'institutions culturelles suédoises craignent de perdre leurs subventions et leur cachet, et de ne pas recevoir d'argent", explique-t-elle a l'AFP. "Ils ont donc choisi de garder le silence".

Pour l'éditeur Svante Weyler, l'opacité qui règne autour de l'Académie explique l'omerta: "Beaucoup de personnes dépendent du bon vouloir de l'Académie, mais personne ne sait comment ce bon vouloir est déterminé, il est préférable de garder le silence, et cela conduit à la culture du secret".

- L'accusé nie -

Au terme d'une "réunion de crise" jeudi soir, l'Académie suédoise, qui compte six membres femmes sur 18, a annoncé qu'elle coupait tous les ponts avec le mis en cause, auquel elle versait des subsides et avait confié la gestion d'un appartement dans le 6e arrondissement à Paris.

"Des membres de l'académie, des filles d'académiciens, des épouses d'académiciens et des membres du personnel de la chancellerie de l'académie ont subi une intimité non désirée ou des comportements inappropriés" de l'homme, a souligné la secrétaire perpétuelle de l'académie à la sortie de la réunion.

La ministre de la Culture, Alice Bah Kuhnke, a dit regretter de lui avoir décerné en 2015 la médaille de l'Ordre royal de l'Etoile polaire, réservée aux membres de la famille royale suédoise où à des personnalités étrangères.

Le mis en cause n'a pas souhaité répondre aux sollicitations de l'AFP. Il a affirmé à DN être innocent des faits qu'on lui reproche.

La vague #metoo a touché tous les pays nordiques. Jeudi, un millier de musiciennes et de chanteuses norvégiennes ont dénoncé des pratiques similaires. Mi-octobre, la star pop islandaise Björk avait accusé le réalisateur danois Lars von Trier de l'avoir caressée et embrassée à plusieurs reprises durant un tournage.

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