France Télévisions confronté à un choix budgétaire cornélien
Le gouvernement a fermé la porte mercredi à tout retour de la publicité en soirée sur France Télévisions, tout en confirmant une baisse des crédits du groupe public l'an prochain, qui risque du coup de devoir tailler dans ses programmes ou ses effectifs.
Lors de la présentation du budget de la Culture pour 2018, globalement en hausse à près de 10 milliards d'euros, la ministre de la Culture Françoise Nyssen a confirmé la baisse des moyens alloués à l'audiovisuel public l'an prochain (-36 millions d'euros par rapport au budget 2017, et même 80 millions par rapport aux engagements pris par l'ancien gouvernement).
France Télévisions devra fournir l'essentiel de cet effort, avec des crédits en baisse de 24 millions par rapport à cette année, et d'environ 50 millions par rapport à son contrat d'objectifs et de moyens (COM), signé en 2016 et qui prévoyait une hausse régulière de ses ressources jusqu'en 2020.
Interrogée par l'AFP, la direction de France Télévisions n'a pas commenté ces annonces.
Si la baisse paraît modeste, elle plonge le groupe public dans une situation budgétaire difficile.
Car France Télévisions n'a guère de marges de manoeuvre pour dégager des économies, alors que le groupe a déjà réduit ses coûts et ses effectifs ces dernières années, pour ramener ses comptes à l'équilibre. Dans le cadre de son COM, il s'était déjà engagé à poursuivre son plan d'économies prévoyant la suppression de 500 postes.
Or, parallèlement, le gouvernement a fermé la porte au retour de la publicité après 20H sur les chaînes du service public, défendue ces dernières semaines par Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions.
"Ce spot de pub entre le journal télévisé et le programme de première partie de soirée, celui pendant lequel on couche les enfants ou on fait la vaisselle, c'est 80 millions d'euros par an de revenus potentiels!", avait-elle plaidé mi-septembre dans Society.
- 'brutalité sans précédent' -
Mais Mme Nyssen a écarté cette hypothèse, combattue vivement par les chaînes de télévisions privées, qui refusent de se voir privées d'une part d'un gâteau publicitaire grignoté de plus en plus par les géants du Net. "La question de la publicité en soirée n'est pas à l'ordre du jour", a-t-elle confirmé ce mercredi.
Et dans son entourage, on souligne qu'il n'est pas question non plus de revenir sur l'interdiction de la publicité dans les programmes pour enfants du service public, qui privera France Télévisions de 15 à 20 millions d'euros de recettes par an. De même source, on assure que le gouvernement combattra d'éventuels amendements au budget 2018 qui s'attaqueraient à cette interdiction où à celle de la pub après 20H.
Ce blocage sur la publicité ne laisse guère de possibilités à France Télévisions.
L'idée de tailler dans les effectifs a d'ores et déjà été rejetée en bloc par les syndicats du groupe, qui ont lancé une procédure d'alerte ce mercredi, à l'occasion d'un comité central d'entreprise qui leur a donné l'occasion de pourfendre les économies exigées par l'Etat, "une nouvelle attaque contre le service public et le groupe France Télévisions d'une brutalité sans précédent", qui selon eux "représentent un équivalent de 600 à 700 emplois".
L'alternative serait de tailler dans la grille des programmes, l'option à laquelle Mme Ernotte semble s'être résignée.
"Quand le gouvernement nous dit : vous allez devoir faire avec 50 millions en moins, nous allons être contraintsd de couper dans les programmes, dans la création", a-t-elle prévenu lors d'un forum organisé lundi par Télérama.
Une perspective qui donne des sueurs froides à la filière audiovisuelle, alors qu'en début d'année, Mme Ernotte s'était au contraire engagée à porter ses investissements dans la production française de 400 à 420 millions d'euros par an.
Et qui n'a pas les faveurs de Mme Nyssen. "L'idée que la création soit atteinte n'est pas du tout l'objectif poursuivi", a-t-elle assuré mercredi.
Quand à la possiblité que France Télévisions replonge en déficit, elle n'a pas l'air non plus de satisfaire le gouvernement. "L'objectif est de rester à l'équilibre", a-t-on souligné dans l'entourage de la ministre.
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