À Paris, la fulgurance inégalée de Warhol et Basquiat à "quatre mains"

Auteur:
 
Sandra BIFFOT-LACUT - Paris
Publié le 03 avril 2023 - 07:00
Mis à jour le 04 avril 2023 - 09:59
Cet article provient directement de l'AFP (Agence France Presse)
Image
Les portraits de Jean-Michel Basquiat (d) et Andy Warhol (g) réalisés par Michael Halsband en 1985,
Crédits
AFP - BERTRAND GUAY
Les portraits de Jean-Michel Basquiat (d) et Andy Warhol (g) réalisés par Michael Halsband en 1985, à la Fondation Louis Vuitton avant l'ouverture de l'exposition "Warhol/Basquiat à quatre mains", le
AFP - BERTRAND GUAY

Octobre 1982. Réunis par leur marchand d'art qui les photographie, Andy Warhol, 54 ans, rencontre Jean-Michel Basquiat, 22 ans, qui repart avec le Polaroid et rapporte deux heures plus tard à son aîné le portrait du duo qu'il vient de peindre: Warhol est bluffé.

Débute alors une complicité inédite entre l'icône du "Pop art" et ce talentueux artiste émergent noir, surnommé le "Radiant Child" (l'enfant radieux), qui donnera lieu à 160 toiles réalisées à "quatre mains" entre 1983 et 1985, dont 70 sont présentées à partir de mercredi à la fondation Louis Vuitton à Paris.

"C'est certainement la plus réussie des collaborations de l'histoire de l'art entre deux grands artistes, jamais égalée à ce niveau et dans ce laps de temps", dit à l'AFP Dieter Buchhart, spécialiste de Basquiat et commissaire principal de l'exposition, "première rétrospective mondiale de cette ampleur Warhol/Basquiat à quatre mains".

Nombre de tableaux appartiennent, en effet, à des prêteurs particuliers et n'ont jamais été réunis en si grand nombre, précise Suzanne Pagé, commissaire générale et directrice artistique de la fondation.

Sont présentés quelque 300 œuvres et documents, parmi lesquels, outre les très grands formats du duo, une série de photographies des deux artistes en boxeurs de Michael Halsband, des oeuvres de Keith Haring, Jenny Holzer et Kenny Scharf, ainsi que des collaborations avec Francesco Clemente.

Figure noire

Salle après salle, deux esthétiques, deux générations et deux tempéraments se croisent et fusionnent: celle de la "rage et de l'engagement de Basquiat à faire exister la figure noire", avec une "fantaisie de l'enfance" empreinte de "gravité", selon Mme Pagé.

Et celle, "plus distanciée, de Warhol, qui intervenait dans tous les médias (peinture, performance, sculpture, photos, graffitis, TV, revues, cinéma...) et qui a cassé beaucoup de règles, inscrivant l'art populaire dans la modernité classique", ajoute-t-elle.

Drames, violences policières et racisme croisent ainsi folie consumériste, culture populaire et imagerie pop, le tout entremêlé de signes, graffitis, symboles, lettres et chiffres. En jaune sur fond noir, "Taxi, 45th/Broadway", représente par exemple un homme noir qui essaie d'arrêter un taxi dans la rue, "blanc infâme, à la face rouge, qui passe en ricanant", commente la spécialiste.

"Ce n'est ni du Warhol, ni du Basquiat, mais un troisième artiste qui émerge", dit-elle. Keith Haring qualifiait ce travail à "quatre mains", inspiré de la collaboration musicale, de "conversation en peinture", pleine de "respect", de générosité et de confiance mais aussi de joute.

Un immense tableau de 10 mètres de long, intitulé "African Masks", mélange de masques et de figures réelles - allusion probable à une exposition au MoMA de l'époque sur le primitivisme et la modernité - fait partie, selon Mme Pagé, "des plus réussis, les 'organiques', ceux où on ne distingue plus qui a fait quoi, comme le disait Warhol lui-même".

"Energie extraordinaire"

"Warhol, sans doute fatigué des portraits mondains qu'il faisait en sérigraphie et soucieux de tout ce qu'il se passait dans le monde de l'art à New York Downtown avait besoin de participer à cette énergie extraordinaire", insufflée par Basquiat et son groupe d'amis.

Le "Radiant Child" lui a fait reprendre le pinceau et travailler "comme un fou". Si personne n'a pu assister aux interventions à tour de rôle sur les toiles, à la "factory" de Warhol ou dans l'atelier de Basquiat, "on sait que Warhol oeuvrait d'abord au fond, sur grand format, fixait les lignes de force et les logos, neutralisés, détournés voire niés par Basquiat". Une "insolence totalement acceptée" par son aîné, dit la commissaire générale.

L'exposition se conclut sur une oeuvre monumentale jamais montrée du vivant des deux artistes, "Ten punching bags", dix sacs de boxe suspendus et alignés qui révèlent leur approche de la mort: sur chacun des sacs, le visage du Christ inspiré de la Cène de Léonard de Vinci, dessiné par Warhol, qui était croyant, avec le mot Judge (juge) et une couronne d'épine, ajoutés par Basquiat.

Warhol est mort des suites d'une opération en 1987. Basquiat l'a rejoint l'année suivante, à 27 ans, d'une overdose.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Les dessins d'ARA

Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.