Que cachent ces peurs que l’on sème sur les Français ?

Auteur(s)
Laurence Waki*
Publié le 26 décembre 2023 - 16:43
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Tribune L Waki décembre 2023
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Ludovic Marin / AFP
Un "Nous sommes en guerre" perpétuel.
Ludovic Marin / AFP

TRIBUNE — De nouveau est semée cette terreur. De nouveau, il serait question d'un retour de l'épidémie de Covid qui a semblé coïncider avec l'approche de Noël. De nouveau, plane la menace des attentats terroristes, malgré le retour de l'état d'urgence et ses triangles orange avertisseurs de danger. Le dernier en date : celui de Paris le 2 décembre, une attaque au couteau de touristes allemands, qui a fait un mort ; l'auteur est un fiché S pour lequel Gérald Darmanin dénonce un ratage dans le suivi psychiatrique du suspect. Un aveu d'incompétence ? Mais, comme ce genre d'aveu n'a plus aucune répercussion, qu'aucune démission ne le prolonge, qu'importe l'aveu ! Même quand l'intéressé l’offre, elle lui est refusée par Macron.

Pourtant, une variante s'est ajoutée à cette attaque, qualifiée de terroriste, qui n'a aucun rapport, mais est utile à susciter de nouvelles inquiétudes. Ce nouvel "attentat" se serait déroulé "samedi soir non loin de la tour Eiffel, à quelques mois des Jeux olympiques dans la capitale." (Le Monde, 2 décembre 2023) (1)

Les Jeux olympiques seraient en danger ? Voilà qui justifie un peu plus tout un arsenal sécuritaire, que vont subir les Parisiens. Faire de Paris une forteresse contre ses propres habitantsQR Code, reconnaissance faciale, surarmement des forces de l'ordre... Cela ressemble plus à une guerre qu'à des Jeux. Paris va ainsi faire le plein d'outils numériques. Voilà le programme de surveillance pour cet été 2024, du 26 juillet au 11 août 2024, qui devrait prendre fin avec la rentrée de septembre ; j'aimerais y croire.

Paris candidate aux Jeux : pourquoi ?

J'avoue ne toujours pas comprendre pourquoi Paris s'est portée candidate. En quoi cette ville mondialement connue avait-elle besoin de ces JO ? Au mieux, ces Jeux à Paris m'évoquent un éléphant dans un magasin de porcelaine. Sans compter les dépenses faramineuses que vont payer les Français qui déjà sont essorés par les prix qui ne cessent de grimper, quand leurs moyens diminuent drastiquement.

D'autres aménagements sont déjà en marche pour encore réduire le pouvoir d'achat des Français, notamment diminuer les indemnisations, jusqu'à l'extinction complète de notre système social ; cette exception française qui gêne tant l'UE. Quand les difficultés sont plus fortes qu'avant, avec l'inflation galopante et les prix de l'énergie qui s'envolent, tout le système de protection saute au moment où les besoins d'aide n'ont jamais été si pressants.

Mais si les Français n'ont plus d'argent pour acheter, même le minimum, que vont devenir les commerces qui vivaient grâce à cet argent qui n'est plus ? Et, que deviennent les commerçants qui doivent fermer boutique ? N'est-ce pas une destruction en chaîne si le pouvoir d'achat n'est plus ?

Cette année, pour les plus modestes, c'est la prime de Noël qui augmente un peu les faibles ressources. Cette prime qui est de 152,45 euros pour une personne seule, le même montant depuis 2009... Que pouvait-elle permettre en 2009, que peut-elle en 2023 ? Bientôt suffira-t-elle même à s'acheter des oranges Ces oranges que recevait l'enfant pour Noël, il y a très très très longtemps ; cette histoire que l'on nous racontait enfants pour nous rappeler à quel point nous étions gâtés à recevoir tous ces cadeaux. Un monde révolu ? Des lendemains qui ne chantent plus ?

L’avenir au tout numérique

Certainement pas, semble dire Macron, qui envisage lui le plein-emploi (Le Monde, 30 novembre 2023) (2). Qui d'ailleurs suppose selon lui, même justifierait (?), de réduire voire d'arrêter tout système de protection sociale. Macron a cette vision qui va aussi être associée avec "son" investissement dans l'IA (500 millions d'euros). Cet immense progrès qui fera que d'autres emplois, notamment les professions intellectuelles, seront remplacés par cette intelligence uniforme et mécanique, la même pour tous et ne s'encombrant pas de la singularité de chacun.

L'avenir serait-il tout numérique ? Quand la technologie en elle-même n'est pas le danger mais bien ce que l'on en fait ; rappelant cette autre technologie qu'est le nucléaire. Qui fait mettre dos à dos construction et destruction, suivant qui la possède, suivant ses objectifs, suivant son rapport au vivant. Si certains pouvaient imaginer se protéger du nucléaire, même placé entre de mauvaises mains, un monde régi uniquement par le numérique ne laissera aucune place à celui qui voudra y déroger.

Anesthésie

Est-ce l'avenir ? Est-ce même la prochaine réforme de Macron ? Qu'entend-il par ce discours où il annonce, le 7 décembre 2023, la création d'un conseil présidentiel de la science, pour "une transformation de la recherche française" (Le Monde,7 décembre 2023) (3). Une "vraie révolution", nous promet-il, prenant l'exemple des vaccins ARN qui, avec ce Conseil, n'auraient pas été à la traîne ! Quand désormais est déclaré officiellement par celui qui était à la tête de cet autre conseil, dit scientifique, Jean-François Delfraissy, que cette technique provoque des effets secondaires ! Sur quels critères seront désormais fixés les priorités gouvernementales ? Qui financera la recherche ? Les chercheurs doivent-ils être rentables ? Est-ce à dire que seule la recherche techniciste obtiendra des financements ? Cela peut-il susciter une nouvelle terreur ? Pourtant, ce n'est pas ainsi que cela nous est présenté. Contrairement au Covid, contrairement à la menace terroriste, ces peurs agitées n'ont pourtant pas lieu d'être. S'ils ne peuvent être leurrés sur la fin de leur pouvoir d'achat, la peur des Français, qui là aurait raison d'être, est-elle anesthésiée concernant ce que l'on peut faire de la science et du numérique qui englobe l'intelligence artificielle ?

Sont encore brandies ces fausses peurs diffuses qui masquent les vraies peurs, de celles qui permettraient elles, la lucidité afin de faire face aux dangers. Cette juste peur, non pour s'inquiéter sans raison, mais pour construire l'avenir, qui suppose de placer sa méfiance là où l'on voudrait que les Français ferment les yeux, à laisser faire ceux qui prétendent savoir.

Belle et nécessaire résolution pour la nouvelle année : que les Français sachent tourner le dos à ceux qui sèment la terreur ; ces mêmes qui les voudraient prisonniers de ces peurs artificielles, à ne leur offrir que des oranges pour Noël. Qu'ainsi l'on peut retrouver le pouvoir de voir les technologies non comme une fin, mais comme des outils potentiels. Non comme une destruction mais une construction nouvelle associée à ce qui existe déjà. Et, d'exiger qu'il en soit ainsi.

*Laurence Waki est écrivain et philosophe. Retrouvez ses textes sur son site Internet.

(1) Le Monde, "Attentat à Paris : Gérald Darmanin dénonce 'un ratage' dans le suivi psychiatrique du suspect."

(2) Le Monde, "Plein-emploi : l’objectif d’Emmanuel Macron fait craindre une remise en cause du modèle social français."

(3) Le Monde, "Recherche : Emmanuel Macron annonce une importante 'transformation' et installe un 'conseil présidentiel de la science'."

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