"Le tribunal administratif de Nice a jugé que le masque obligatoire portait une atteinte grave à la liberté" Me Baheux

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FranceSoir
Publié le 15 juillet 2022 - 17:10
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"On ne rappelle jamais assez que dans un État de droit, la liberté est la règle et que la restriction de liberté doit toujours rester l’exception".
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ENTRETIEN - Le 4 juillet dernier, le maire de Nice, Christian Estrosi, adoptait un arrêté municipal visant à imposer le port du masque dans les transports en commun de la ville. Le 8 juillet, le tribunal administratif de Nice examinait le recours en référé liberté déposé par 27 citoyens du territoire de la Métropole Nice Côte d’Azur à l’encontre de cet arrêté. La justice a donné raison aux requérants représentés par Maître Martine Baheux.

Voir aussi : Nice : le tribunal administratif suspend le port du masque dans les transports

Pouvez-vous nous expliquer le contexte et les enjeux de la décision du tribunal administratif de Nice ?

La décision du maire de Nice est d’abord apparue comme tout à fait incongrue, tant il semblait évident qu’elle n’était pas destinée à répondre à un impératif de santé publique. En effet, rien dans la situation sanitaire de Nice ne justifiait que l’on impose à toute la population de nouvelles obligations de ce type et de nouvelles restrictions de liberté.

En effet, il ne faut jamais perdre de vue que le port du masque n’est pas un geste anodin. Toute la communication du gouvernement a consisté depuis deux ans à nous convaincre que c’était juste « un petit geste citoyen, un objet facile à porter, qu’on trouve partout et qui ne coûte pas cher ». Or c’est un argument pernicieux, fallacieux. Le masque n’a rien d’anodin ni de naturel et il ne faudra jamais accepter que cette mesure exceptionnelle entre dans notre quotidien.

La peur a été un argument incroyablement efficace pour faire accepter n’importe quoi aux citoyens (le confinement les auto-autorisations de sortie, l’interdiction de marcher en forêt ou sur la plage, la surveillance par les drones, les hauts parleurs pour vous rappeler régulièrement à l’ordre, les plages dynamiques où il était interdit de s’asseoir, puis les bars où il était interdit de se tenir debout, les étudiants interdits d’étudier, les commerçants interdits de travailler, les élèves masqués toute la journée y compris en récréation, les enfants enfermés dans des cercles d’où ils n’avaient pas le droit de sortir, les couvre-feux avec ces citoyens poussés comme des troupeaux pour les obliger à rentrer chez eux, les contraventions qui s’abattaient sur les automobiles qui avaient eu la malchance d’être pris dans des embouteillages). La liste de ce qu’on a fait subir à la population au prétexte de la protéger est très longue. Trop longue.

Certains l’ont compris et n’accepteront plus qu’on les maltraite à nouveau de la sorte, ni que l’on maltraite leurs enfants « pour leur bien ». Mais d’autres, malheureusement, continuent de penser que ces contraintes sont indispensables, que ne pas les accepter est égoïste, que la liberté est un luxe qu’on ne peut pas toujours se permettre et qu’entre liberté et sécurité, il faut choisir la sécurité.

À ceux-là, il faut rappeler que les États qui privent les citoyens de leur liberté, le font toujours au nom de la sécurité. Mais État où il y aurait 100% de sécurité et 0% de liberté, ce ne serait plus un État, mais une prison. Un État dans lequel les citoyens exigeraient qu’on les protège du moindre risque, ce serait un État où les citoyens auraient renoncé à vivre, car il n’existe pas de vie sans risque.

Que nous est-il donc arrivé collectivement pour que nous en soyons arrivés à réclamer à l’État qu’il nous impose toujours plus de contraintes, toujours plus de restrictions ? Il y a deux ans, lorsqu’il y avait régulièrement des épidémies de grippe, nous prenions les transports en commun bondés, sans que l’idée de mettre un masque nous effleure.

C’est dans ce contexte que s’inscrit ce recours : le refus de la banalisation de mesures de contrainte, dès lors qu’elles n’apparaissent pas comme absolument indispensables et que, de toute évidence, elles sont totalement disproportionnées. Il n’est pas inutile de rappeler que la quasi-totalité de la population est aujourd’hui vaccinée et ne risque donc plus de développer une forme grave de la maladie, dit-on. En outre, au plus fort de la pandémie, le virus qui circulait était le virus Delta. Aujourd’hui, nous avons affaire au virus Omicron qui est certes plus contagieux, mais beaucoup moins virulent. D’ailleurs, vous observerez que l’on ne parle plus jamais de malades mais uniquement « de cas ». Pourquoi choisir communiquer sur un nombre de cas si ce n’est pour continuer de maintenir la population sous pression ?

Quelles peuvent-être les suites de cette décision ?

Le tribunal a rendu une décision parfaitement justifiée en droit, puisqu’il n’entrait pas dans la compétence du maire de prendre une telle mesure. Le tribunal a également considéré que la mesure ne se justifiait pas et portait une atteinte grave à la liberté d’aller et de venir. C’est un principe essentiel qu’il était important de rappeler.

J’espère que cette décision fera prendre conscience aux autorités que les mesures restrictives de liberté ne peuvent être prises et maintenues qu’avec d’infinies précautions. On ne rappelle jamais assez que dans un État de droit, la liberté est la règle et que la restriction de liberté doit toujours rester l’exception. Nous vivons dans une société de liberté et c’est heureux. Dans notre société, tout ce qui n’est pas interdit est permis.

C’est une chance, et même un immense privilège, si on se compare à d’autres pays sur la planète dans lesquels tout ce qui n’est pas expressément autorisé est interdit. Mais, c’est un privilège pour lequel nos ancêtres se sont battus et qu’il nous appartient de préserver et de défendre de toutes nos forces. Y renoncer, transiger, ce serait passer d’une société de libertés à une société d’autorisations.

J’espère que les Français comprennent qu’il ne ferait pas bon de vivre dans ce type de société.

Mais, il faut être très vigilant. On peut passer très vite, très insidieusement d’une société de libertés à une société d’autorisations.

Doit-on voir dans la décision du tribunal administratif de Nice un infléchissement de la position des juges, jusque-là favorable aux politiques dites sanitaires du gouvernement ?

Je ne reviendrai pas sur les décisions du Conseil constitutionnel validant le passe sanitaire, puis le passe vaccinal qui a plongé tous les juristes dans la perplexité et l’incompréhension. Au plus fort de la crise sanitaire, les juridictions administratives reconnaissaient que les décisions prises par le gouvernement étaient très gravement attentatoires aux libertés publiques. Mais, elles n’en estimaient pas moins qu’elles étaient prises pour des motifs légitimes de préservation de la santé.

Selon moi, cette position était critiquable, car elle sacrifiait inconsidérément le bien-être des citoyens au nom de la santé. Or, être en bonne santé, ce n’est pas seulement ne pas être malade.

Néanmoins, reconnaissons qu’on ne savait alors que peu de choses sur ce virus et que les tribunaux ont toujours pris le soin de rappeler que les décisions étaient prises « en l’état des connaissances scientifiques ». Aujourd’hui, on sait beaucoup mieux comment traiter cette maladie, on sait aussi qu’elle a une létalité objectivement faible, qu’elle épargne la quasi-totalité des personnes jeunes et en bonne santé et affecte les personnes très âgées, fragiles où atteintes de comorbidités.

Dès lors, des mesures indifférenciées qui s’appliquent inconsidérément à toute la population ne peuvent plus se justifier.

C’est ce qu’a rappelé le tribunal administratif de Nice dans sa décision.

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