Près d'Avignon, la renaissance d'une scène mythique

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France-Soir, avec AFP
Publié le 07 juillet 2023 - 17:05
Cet article provient directement de l'AFP (Agence France Presse)
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DÉPÊCHE — C'était un lieu désaffecté rendu mythique dans les années 80 par le maître de théâtre Peter Brook. Après une fermeture de sept ans, la Carrière de Boulbon, haut lieu du Festival d'Avignon, renaît de ses cendres.

Dans le village provençal de Boulbon (Bouches-du-Rhône), à 15 kilomètres de la Cité des papes, plus d'un millier de spectateurs ont afflué jeudi sur ce site imposant en plein air pour la pièce de réouverture, "Le Jardin des Délices", très librement inspirée du tableau de Jérôme Bosch.

C'est là où il y a 38 ans, Peter Brook, qui cherchait "un lieu vierge de tout passé culturel et artistique" a créé son épopée indienne "Mahâbhârata", une pièce monstre de neuf heures jouée pendant une nuit complète ou en trois fois. Le succès est retentissant, devenant une référence du Festival d'Avignon.

Une vingtaine de spectacles s'ensuivront. Bartabas, Philippe Caubère ou encore Israël Galvan s'y produiront. Le site ferme en 2016 et c'est le nouveau directeur du festival, Tiago Rodrigues qui décide de le rouvrir, "un retour souhaité par le public, par les artistes, par les techniciens", selon lui.

Une réouverture qui n'a pas été simple, puisque la réhabilitation et notamment le dispositif anti-incendies de ce lieu boisé, après les feux de l'été dernier, ont coûté presque le double des coûts prévus : plus de 250.000 euros se sont ajoutés aux 350.000 déjà investis.

"Tel un canyon"

"Ce site qui se réveille est presque le personnage principal du spectacle", affirme à l'AFP le metteur en scène Philippe Quesne qui monte "Le Jardin des Délices", unique pièce à Boulbon pour cette 77ᵉ édition du festival.

"C'était un peu le rêve de pouvoir travailler dans le silence absolu, sous les étoiles", dit-il, précisant qu'un tel endroit, "il faut apprendre à le regarder et à ne pas à y placer du théâtre de manière ostentatoire tout de suite". Il décrit la carrière comme un site "très étrange, tel un canyon dans un western ou un cratère lunaire".

Étrange, son spectacle l'est tout autant : un groupe de voyageurs aux allures hippies poussant un bus blanc arrive dans la carrière, ils jouent de la musique puis ramènent... un œuf blanc géant qu'ils embrassent à tour de rôle.

Ils démontent ensuite une partie du bus pour le transformer en scène et s'ensuivent ensuite des performances sans queue ni tête — chansons, lectures de poèmes, danse dans un moule géant, le tout enrobé de bruitages évoquant l'orage et les grillons.

Soit très peu à voir avec le chef-d’œuvre du XVe siècle du peintre néerlandais qui trône au Musée du Prado à Madrid, et qui est un foisonnement à la fois mystérieux et fantastique de personnages dans des situations cocasses et inquiétantes.

Le tableau, qui a influencé le surréalisme, est "assez formidable sur la liberté de l'artiste" et très théâtral, indique M. Quesne.

Le côté totalement loufoque du spectacle est assumé par l'ancien directeur artistique du Théâtre Nanterre-Amandiers, qui est depuis 2022 directeur de la Ménagerie de Verre, à Paris.

"Je ne m'inspire pas esthétiquement du tableau, mais je présente un groupe de voyageurs perdus sur ce site monumental pour évoquer la question de la nature", explique l'artiste connu pour ses spectacles décalés ("La Mélancolie des dragons", "La Nuit des taupes", "Farm fatale").

Présenté comme une science-fiction écologique et western contemporain, le spectacle met en avant les artistes qui "s'entraînent à la catastrophe", commente M. Quesne.

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