Ingérence et silence : La Chambre des Représentants met les GAFAM au pied du mur

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La rédaction de France-Soir
Publié le 27 février 2025 - 17:15
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Ingérence et silence  La Chambre des Représentants met les GAFAM au pied du mur
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Ingérence et silence : La Chambre des Représentants met les GAFAM au pied du mur
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Une enquête historique aux États-Unis

Le 27 février 2025 marque un tournant dans la lutte pour la liberté d’expression numérique. La Chambre des représentants des États-Unis a décidé de convoquer les géants technologiques – Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Rumble, TikTok et X – pour enquêter sur ce qu’elle qualifie de « censure étrangère » de la parole américaine. Cette initiative, portée par le Comité judiciaire, intervient dans un climat de méfiance croissante envers les pressions exercées par des gouvernements étrangers sur les plateformes en ligne. Mais quelles sont les causes profondes de cette décision ? Quelles conséquences pourrait-elle engendrer ? Et comment résonne-t-elle avec les défis de la liberté d’expression en France, ou les interférences électorales observées en Roumanie et au Brésil ? Décryptage.

Les Racines d’une crise : pourquoi cette enquête ?

L’origine de cette démarche trouve ses racines dans une montée des tensions géopolitiques et numériques. Depuis les révélations des « Twitter Files » en 2022, qui ont exposé des collaborations entre le gouvernement américain et les plateformes pour modérer des contenus pendant la pandémie de COVID-19, le spectre de la censure plane sur la Silicon Valley.

Aux Etats-Unis, Zuckerberg, PDG de Meta, s’était fendu d’un mea-culpa expliquant qu’il allait mettre fin aux fact-checkers pour arrêter la censure.  Après l’élection de Trump, il aurait réalisé que respecter la liberté d’expression était critique, tout en expliquant avoir reçu beaucoup de pression de certaines agences américaines pour supprimer certains messages ou comptes : de la censure à l’aveu de l’échec. Zuckerberg a même accepté de payer 25 millions de dollars pour mettre fin aux poursuites suite la suppression du compte de Donald J. Trump en 2021.

Mais aujourd’hui, le regard se tourne vers l’extérieur : des pays comme la Chine, avec ses lois draconiennes sur le contrôle de l’information, ou l’Union européenne, avec son Digital Services Act (DSA), sont accusés d’exercer une influence indirecte sur les contenus accessibles aux citoyens américains.

Cette méfiance a été amplifiée par des exemples concrets. Des ordres judiciaires brésiliens ont récemment poussé Meta à bloquer des comptes de figures politiques controversées à l’échelle mondiale, tandis que des régulations européennes ont contraint X à supprimer des publications jugées problématiques. Face à ces pressions, le Premier Amendement, pilier de la liberté d’expression aux États-Unis, semble menacé par une extraterritorialité juridique croissante. L’exécutif signé le 21 janvier 2025 par le président américain pour mettre fin à la censure gouvernementale interne n’a fait qu’accentuer cette prise de conscience : il est temps de protéger le débat public des influences étrangères.

Les conséquences : vers une redéfinition des règles du jeu ?

Cette enquête pourrait bouleverser le paysage numérique mondial. En clarifiant les responsabilités des entreprises technologiques face aux pressions étrangères, elle pourrait déboucher sur des réformes législatives aux États-Unis, renforçant la protection de la liberté d’expression en ligne. Des sanctions pourraient être envisagées contre les plateformes qui cèdent trop facilement aux exigences des États, tandis que des garde-fous juridiques limiteraient l’impact des lois extraterritoriales.

Mais les répercussions ne s’arrêtent pas là. Cette initiative risque d’envenimer les relations avec l’Union européenne, où le DSA impose des obligations de modération souvent perçues outre-Atlantique comme une atteinte aux libertés fondamentales. Un bras de fer transatlantique pourrait émerger, opposant deux visions de la gouvernance numérique : celle, libérale, des États-Unis, et celle, plus régulatrice, de l’Europe. À plus long terme, cette enquête pourrait inspirer d’autres nations à examiner les ingérences étrangères dans leurs propres espaces numériques.

La France : une liberté d’expression sous influence ?

En France, la liberté d’expression est un droit constitutionnel, qualifié de « liberté essentielle ». Pourtant, elle n’est pas absolue. Des lois contre le discours de haine, le négationnisme ou la diffamation encadrent strictement son exercice, notamment en ligne. Pendant le mouvement des gilets jaunes, par exemple, les plateformes ont été sollicitées pour modérer des contenus jugés incendiaires, souvent en coordination avec les autorités européennes. Cette collaboration, bien que justifiée par la sécurité publique, soulève des questions sur l’équilibre entre régulation et censure.

Comme aux États-Unis, la France n’échappe pas aux pressions extérieures. L’Union européenne, avec ses directives sur la désinformation, influence directement les politiques de modération des plateformes opérant sur le sol français. Cette dynamique rappelle les préoccupations américaines : jusqu’où les influences étrangères peuvent-elles façonner le débat public sans compromettre la souveraineté nationale ?

Il suffit de voir les censures subies par France-Soir, Spoutnik, RT France, C8 qui ont tour à tour perdu leurs agréments respectifs pour des motifs trop souvent questionnables. Les motifs invoqués sont généralement liés à l’intérêt général, cependant « la bien pensance » n’est jamais loin avec une application à géométrie variable des règles. Et bien sur le gouvernement se gardant de toute interférence ! « À qui le tour » écrivait France-Soir hier.

Brésil et Roumanie : les ingérences électorales en miroir

Les parallèles avec d’autres pays sont frappants. Au Brésil, les récentes accusations portées par Eduardo Bolsonaro, le 15 février 2025, pointent du doigt l’USAID, l’agence américaine de développement international, pour son rôle présumé dans le financement d’ONG et de médias visant à influencer les élections et les discours publics. Ces révélations ont conduit à des demandes d’enquêtes auprès du ministère des Affaires étrangères brésilien et de la Cour électorale supérieure. Parallèlement, des pressions judiciaires ont forcé Meta à censurer des comptes liés à Jair Bolsonaro, illustrant une convergence entre ingérence étrangère et censure numérique.

En Roumanie, des interférences similaires ont été signalées. Des rapports évoquent des financements discrets de l’Union européenne et des États-Unis à des organisations locales, visant à orienter les processus électoraux et les débats publics. Ces exemples soulignent une tendance inquiétante : les plateformes numériques, loin d’être neutres, deviennent des outils de manipulation géopolitique, un phénomène que l’enquête américaine cherche précisément à contrer.

Une convergence mondiale des enjeux

Ces cas – États-Unis, France, Brésil, Roumanie – révèlent une problématique globale : la liberté d’expression numérique est devenue un champ de bataille où s’affrontent souverainetés nationales et influences étrangères. Si les États-Unis misent sur une approche défensive pour protéger leur modèle libéral, l’Europe privilégie une régulation proactive, tandis que des pays comme le Brésil dénoncent des interférences qui menacent leur démocratie.

L’enquête américaine pourrait ainsi servir de catalyseur. En mettant en lumière les mécanismes de la censure étrangère, elle risque de pousser d’autres nations à réévaluer leurs propres relations avec les géants technologiques. À terme, un débat mondial sur la gouvernance de l’internet pourrait émerger, redéfinissant les droits numériques à l’échelle planétaire.

Vers un nouvel équilibre ?

La décision de la Chambre des représentants des États-Unis n’est pas qu’une affaire locale. Elle cristallise des enjeux universels : la protection de la liberté d’expression face aux ingérences étrangères, le rôle des plateformes comme arbitres du débat public, et la tension entre régulation et souveraineté. En France, au Brésil ou en Roumanie, les échos de cette initiative résonnent déjà. Reste à savoir si elle ouvrira la voie à une coopération internationale ou, au contraire, à une fragmentation accrue des normes numériques. Une chose est sûre : l’ère de l’innocence technologique est révolue.

La liberté en péril et aux États-Unis, la Chambre des Représentants a pris les choses en mains et défie les ingérences numériques. À quand dans d’autres pays ?

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