Le Parquet national financier fait ses premières armes sur le procès Cahuzac

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 15 septembre 2016 - 16:00
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Jérôme Cahuzac.
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Le PNF n'existerait pas sans Jérôme Cahuzac.
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Créé suite au scandale Cahuzac, le Parquet national financier (PNF) teste sa force de frappe contre la délinquance "en col blanc". Afin de combattre "l'idée, répandue, de l'impunité des délinquants en +cols blancs+", sa patronne Eliane Houlette a demandé trois ans de prison ferme contre l'ancien ministre du Budget et deux ans contre sa femme.

C'est le scandale qui l'a vu naître: en requérant de la prison ferme contre l'ex-ministre Jérôme Cahuzac, le tout jeune Parquet national financier (PNF) teste sa force de frappe contre la délinquance "en col blanc". Sa patronne Eliane Houlette a tenu mercredi 14 à requérir en personne contre l'ancien ministre du Budget, à l'origine du plus grand scandale politico-financier du quinquennat, et a fustigé la "criminalité financière" qui "enrichit les uns, appauvrit les populations, creuse les inégalités, nourrit la frustration, le ressentiment et la crispation". Décidée à combattre "l'idée, répandue, de l'impunité des délinquants en +cols blancs+", elle a demandé trois ans de prison ferme contre Jérôme Cahuzac et deux ans contre sa femme. Sans compter 18 mois de prison avec sursis et 375.000 euros d'amende contre l'héritier d'une banque suisse. Depuis une semaine et demi, le procès sert de tribune à la jeune institution, qui n'existerait pas sans Jérôme Cahuzac.

C'est en effet la révélation du compte caché du ministre, puis sa démission du gouvernement et ses aveux, qui ont mené à la création du PNF, chargé depuis son installation en mars 2014 de lutter contre une délinquance financière toujours plus sophistiquée et mondialisée. Si l'affaire Cahuzac est son affaire la plus médiatique, l'institution de la rue des Italiens à Paris est déjà intervenue dans plusieurs grands dossiers. Le PNF avait par exemple requis 30 mois de prison contre l'ex-bras droit de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, dans une affaire de prime en liquide. M. Guéant a été condamné en première instance à deux ans de prison avec sursis.

L'institution a mené la charge dans une affaire de fraude à la taxe carbone, qui a débouché sur de lourdes condamnations (un à huit ans de prison pour onze personnes), requis et obtenu en première instance de la prison ferme pour l'héritière de la maison Nina Ricci. Cette dernière doit être jugée en appel la semaine prochaine. Il orchestre aussi l'enquête pour fraude fiscale visant Google France et a demandé le renvoi en procès de la banque UBS.  Mais le PNF a aussi subi des revers. L'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy et président du groupe bancaire Banque populaire Caisses d'épargne (BPCE), François Pérol, a ainsi été relaxé dans une affaire de "prise illégale d'intérêts", là où une peine de deux ans de prison avec sursis et 30.000 euros d'amende avaient été requis.

Dans un autre dossier important du PNF, le sénateur de l'Essonne Serge Dassault (Les Républicains), accusé d'avoir caché à l'étranger des dizaines de millions d'euros, vient d'obtenir un répit avant d'être jugé. Au 1er août, les 15 magistrats du PNF suivaient 369 affaires. "C'est une institution qui produit des résultats", estime Julien Coll, délégué général de l'ONG de lutte contre la corruption Transparency International France. Mais selon lui, "le PNF reste une institution extrêmement fragile dont l'indépendance n'est pas statutairement garantie", puisqu'en France tous les parquets sont liés de manière organique à l'exécutif, qui nomme les magistrats. "Il reste à la merci de l'intervention politique dans les affaires les plus sensibles, même si nous n'avons rien constaté de tel ces dernières années", avertit M. Coll, en réclamant une réforme constitutionnelle assurant l'indépendance du parquet.

Me Hervé Témime, qui s'apprête à plaider dans un lourd dossier de fraude fiscale, celui du richissime marchand d'art Guy Wildenstein, s'inquiète lui du discours "un peu populiste" du PNF en ce qui concerne les droits de la défense. Au procès Cahuzac, qui avait dû être reporté le temps d'examiner une question constitutionnelle posée par les avocats, Mme Houlette n'a pas mâché ses mots. "Tous les moyens sont bons, tous les recours sont utilisés pour retarder tant la tenue du procès que son issue. L'imagination débridée des parties et de leurs conseils est sans limite. Elle a transformé le combat judiciaire en guérilla", a déclaré la patronne du parquet financier. "Nous ne sommes pas responsables du manque de moyens et des délais" d'examen des recours, réplique Me Témime.

 

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