Jérôme Cahuzac : de ministre superstar à paria

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 05 septembre 2016 - 12:41
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Jérôme Cahuzac caméras procès 8.02.2016
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Devenir ministre a été "l'erreur de ma vie", a une fois déclaré Jérôme Cahuzac.
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Autrefois ministre charismatique et populaire, Jérôme Cahuzac, jugé à partir de ce lundi pour fraude fiscale, est aujourd'hui "brisé", selon ses proches. Mais qui est vraiment cet homme qui prônait la transparence devant la France entière alors qu'il cachait son argent dans des comptes secrets à Singapour pour échapper aux impôts?

"J'avais une part d'ombre", elle "est aujourd'hui en pleine lumière". L'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac, jugé à partir de ce lundi 5 pour fraude fiscale, est passé du statut de pilier du gouvernement à paria après s'être enferré dans le mensonge jusqu'à la chute. Qui est Jérôme Cahuzac? Ce "super chirurgien, super député, super ministre" décrit par un ancien collaborateur à Bercy? Ou alors "Birdie", qui ouvre en 1992 sous ce pseudonyme un compte en Suisse, ne sachant "pas quoi faire" de son argent, dont il niera l'existence envers et contre tout? Est-il l'homme de gauche qui veut "demander aux exilés fiscaux" de "contribuer au redressement du pays", ou bien celui qui au même moment, en 2010-2011, se fait remettre "dans la rue" des enveloppes avec 10.000 euros tirés de ces fonds désormais cachés à Singapour pour échapper aux impôts?

Il y a chez lui "une sorte de dédoublement", analyse le député Les Républicains Gilles Carrez, son successeur à la tête de la commission des Finances de l'Assemblée après son entrée au gouvernement en 2012, qui pourtant ne tarit pas d'éloges pour ses "capacités professionnelles et intellectuelles". Svelte et un brin dandy, l'oeil pétillant et le sourire en coin, Jérôme Cahuzac, 64 ans, a tout perdu le 4 décembre 2012. Ce passionné de fiscalité est alors ministre, pour la première fois, avec la lourde tâche d'incarner une rigueur de gauche, quand le site Mediapart révèle l'existence du compte caché.

Pendant quatre mois, Cahuzac le boxeur encaisse et rend les coups. Il dément catégoriquement, jusque devant les députés et "les yeux dans les yeux" dans le bureau de François Hollande. "L'affaire? C'est fini", assure-t-il encore à l'AFP en février 2013, estimant que "politiquement, toute cette histoire n'a posé aucun problème". Mais l'étau judiciaire se resserre: il démissionne en mars puis passe aux aveux le 2 avril, "dévasté par le remords", provoquant un séisme politique. Le parcours de Jérôme Cahuzac, fils de résistants né à Talence en Gironde le 19 juin 1952, est tiraillé entre plusieurs ambitions.

Au Parti socialiste depuis 1977, il travaille avec le ministre de la Santé Claude Evin, de 1988 à 1991. Ce dernier remarque ce conseiller "très intelligent, volontaire", "qui fonce" pour "faire aboutir" la loi Evin contre le tabagisme et l'alcoolisme. Après un remaniement, Cahuzac le chirurgien se lance avec succès dans les implants capillaires tandis que Cahuzac l'ex-conseiller ministériel chargé des médicaments devient consultant pour des laboratoires pharmaceutiques. C'est alors qu'il ouvre un compte suisse, par l'intermédiaire de Philippe Péninque, avocat proche de l'extrême droite rencontré via la famille de son épouse Patricia.

Mais le militant socialiste est attiré par la politique. Elu député en 1997 puis maire en 2001 de Villeneuve-sur-Lot, ce bretteur volontiers péremptoire, voire cassant, s'y fait des ennemis. "C'est le Lot-et-Garonne qui a importé à Paris les saletés locales", tentera-t-il de justifier en pleine "affaire". Orateur charismatique, il porte le fer contre le bouclier fiscal de Nicolas Sarkozy et ne perd pas une occasion d'étriller Christine Lagarde et Valérie Pécresse, alors en poste à Bercy - ce qui lui vaut des accusations de misogynie, même s'il sera un des rares ministres à nommer une directrice de cabinet.

A l'approche de 2012, l'ex-admirateur de Michel Rocard et supporteur de Dominique Strauss-Kahn rejoint le candidat Hollande, dont il n'a jamais été un proche. Il s'impose comme ministre délégué grâce à sa maîtrise des dossiers budgétaires, malgré la méfiance que cet homme qui a fait fortune, joue au golf et habite les beaux quartiers suscite chez certains "camarades". "S'il avait voulu continuer à gagner du fric, il aurait pu", estime pourtant un conseiller, tandis que lui-même assurera n'avoir "jamais été un homme d'argent".

C'est néanmoins une histoire d'argent qui lui coûte sa carrière, en pleine ascension, et lui vaut son procès. Depuis, ce père de trois enfants que ses proches décrivent comme "brisé" et seul, empêtré qui plus est dans un divorce interminable, finalement prononcé en novembre 2015, se tait. Dans ses rares confidences, le déni n'est jamais loin. Devenir ministre, estimait-il en 2014, a été "l'erreur de ma vie".

 

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